vendredi 31 mars 2006

STEPHEN HARPER ET LE TRANS-AFGHAN-PIPELINE



Il est toujours triste de voir des soldats mourir au combat comme c’est toujours le cas pour tout combattant qui laisse sa vie pour une cause qui le rejoint. Cette tristesse devient toutefois plus grande lorsque cette mort résulte de l’initiative d’un gouvernement qui va non seulement au-delà de son mandat, mais trompe honteusement la population sur les véritables motifs de cette présence de nos forces armées en Afghanistan.

Chaque fois qu’un de nos soldats meurt au combat et nous revient dans un cercueil, notre Premier Ministre fait ressortir le fait qu’il n’est pas mort en vain et que son combat a contribué à faire grandir la démocratie dans le monde et à rendre ce dernier plus sécuritaire. Avec ces paroles les familles essaient de se consoler et les survivants à poursuivre le combat sans toujours savoir si c’est bien là la mission du Canada et si les objectifs poursuivis sont bien ceux qui lui correspondent.

Que diraient les familles des disparus et les soldats toujours dans cette guerre au péril de leur vie si on leur révélait que leur combat a pour objectif premier de rendre sécuritaire une zone où doit passer la Trans-Afghan Pipeline, à la construction duquel participeront des entreprises canadiennes ? Pourtant, c’est ce que prétend Monsieur Philippe Vallier dans une étude qu’il présente sous le titre La Canadian-Trans-Afghan-Pipeline-connection... La plus meilleure raison de faire la guerre.


http://www.latribuduverbe.com/archives/2006/03/la_canadiantransafghanpipeline.html#008694
« Sachez qu'en septembre 2004, notre ancien Premier Ministre Jean Chrétien, devenu conseiller pour deux cabinets d'avocats spécialisés dans le secteur du pétrole et du gaz, soit Bennett Jones et Hennan Blaikie, a participé à une délégation canadienne au Turkmenistan, aux cotés de magnats canadiens de l'industrie tel que Roger Haines, président de Buried Hill Energy, pour des négociations concernant le Trans-Afghan Pipeline (8,9, 10). Ce pipeline devrait traverser l’Afghanistan et approvisionner le Pakistan et l'Inde en gaz provenant du Turkmenistan, un pays soumis à la dictature du président Saparmurat Niyazov, dénoncé par la communauté internationale pour ses arrestations arbitraires. Le Trans-Afghan Pipeline devrait croiser la ville de Kandahar, en Afghanistan, justement là où se concentreront les troupes additionnelles de l'armée canadienne. »

Cette orientation prise sous le règne libérale est totalement avalisée par le gouvernement conservateur de Stephen Harper, comme le démontre la même étude.

« La Conservative Party-connection est une variation sur le même thème, puisque nos nouveaux représentants à Ottawa bénéficient tout autant de liens privilégiés avec ces deux cabinets d’avocats, pour lesquels travaille maintenant Jean Chrétien dans cette affaire. De fait, un des deux autres co-fondateur d’Heenan Blaikie, Peter M. Blaikie, fut président du Parti Conservateur du Canada entre 1981 et 1983 (16) , tandis que Tony Clement, actuel ministre de la santé et ancien chef de l'Alliance Canadienne, aujourd'hui le Parti conservateur du Canada, a oeuvré pour Bennett Jones pendant plus de 3 ans (17). Mentionnons aussi que l’ex-Premier Ministre conservateur de l’Alberta, Peter Lougheed, travaille maintenant pour Bennett-Jones (18,19). »

Si l’Administration Bush a leurré le peuple étasunien en lui dissimulant les vrais motifs de l’invasion de l’Irak, il ne faudrait pas, qu’alors nos voisins du Sud se réveillent, que nous nous laissions endormir par ce nouveau chef qui emprunte à peu près tout à G.W. BUSH pour mener à terme une mission que le Peuple canadien ne lui a pas confiée et que notre armée n’a pas à assumer. Si Bush est partie en guerre pour le pétrole de l’Irak, il n’est pas évident que le Peuple canadien soit disposé à suivre M. Harper sur le terrain de la guerre pour la Trans-Afghan Pipeline. Ce ne sont pas les libéraux de Jean Chrétien ni ses héritiers qui vont l’en dissuader. À nous d’agir.

S’il nous faut pleurer nos soldats morts que ce soit, à tout le moins, pour des valeurs pour lesquelles nous sommes prêts à donner notre vie. Il ne semble pas que ce soit actuellement le cas. Les milliards investis dans l’armée ne doivent pas servir pareille cause.


Oscar Fortin
31 mars 2006

http://humanisme.over-blog.com

jeudi 23 mars 2006

LA LOI ET L'ESPRIT DE LA LOI

Il y a des moments dans l’histoire qui nous obligent à aller au fond des choses et à prendre un langage qui ne laisse aucun doute sur le sens à lui donner. Ce fut le cas pour les interventions des prophètes dans l’Ancien Testament qui sont venus marteler le sens à donner à l’action de Dieu dans l’histoire du peuple juif. Jérémie, Isaïe, Ezéquiel et tous les autres ont pris la parole sans ménager ceux et celles à qui elle était destinée. Ce fut également le cas pour Jésus qui n’a pas ménagé les soi-disant défenseurs de la loi derrière laquelle ils aiment se placer pour mieux protéger, dans bien des cas, leurs privilèges et la bonne opinion qu’ils ont d’eux-mêmes. La Loi, celle qu’il est venu accomplir et que les prophètes n’ont eu de cesse de rappeler est celle qui s’enracine dans les deux grands commandements que sont l’amour de Dieu et l’amour du prochain. C’est une Loi qui vit de l’Esprit de Dieu et qui ne peut être comprise et vécue que dans l’ouverture à cet Esprit.

LE SANHÉDRIN ET JÉSUS

Les Évangiles évoquent à maintes reprises les démêlés de Jésus avec les autorités religieuses de son temps. Le Sanhédrin, institution constituée de doctes juifs faisant office d'autorité suprême religieuse et de cour de justice politique, siégeait à Jérusalem et avait juridiction sur la Judée. Il est alors composé de soixante et onze membres, la majorité desquels sont des docteurs pharisiens ou appartiennent à la noblesse sacerdotale juive (sadducéens). Beaucoup d’anecdotes nous les présentent cherchant à piéger Jésus pour mieux le discréditer. C'est notamment devant cette assemblée (le Sanhédrin) et son grand prêtre Caïphe que Jésus comparait avant d'être jugé par les Romains (le conseil ne pouvant prononcer de condamnation à mort). Pierre, Jean et Etienne ainsi que Jacques, le frère de Jésus passeront aussi à leur tour devant les membres de la docte assemblée. Certains (Pierre et Jean battus de verges) s'en sortiront mieux que d'autres (Etienne et Jacques seront lapidés pour avoir violé la loi hébraïque).

Jésus n’y va pas de mains mortes avec ces défenseurs de la loi et ces garants de l’orthodoxie religieuse. Il est même surprenant qu’il accorde à cette question du fanatisme religieux autant de place comparativement, par exemple, à celles portant sur la morale et la sexualité. Les invectives prononcées nous montrent un Jésus qui n’a pas froid aux yeux et qui se porte prioritairement à la défense des valeurs de justice, de miséricorde et de la bonne foi des personnes. (Mt. Ch. 23,23) Cette intervention mérite d’être citée dans ses passages les plus significatifs pour nous.


1. Alors Jésus s'adressa aux foules et à ses disciples en disant :
2. « Sur la chaire de Moïse se sont assis les scribes et les Pharisiens :
3. faites donc et observez tout ce qu'ils pourront vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes : car ils disent et ne font pas.
4. Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt.
5. En tout ils agissent pour se faire remarquer des hommes. C'est ainsi qu'ils font bien larges leurs phylactères et bien longues leurs franges.
6. Ils aiment à occuper le premier divan dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues,
7. à recevoir les salutations sur les places publiques et à s'entendre appeler »Rabbi» par les gens.
8. « Pour vous, ne vous faites pas appeler »Rabbi» : car vous n'avez qu'un Maître, et tous vous êtes des frères.
9. N'appelez personne votre »Père» sur la terre : car vous n'en avez qu'un, le Père céleste.
10. Ne vous faites pas non plus appeler »Directeurs» : car vous n'avez qu'un Directeur, le Christ.
11. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur.
12. Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé.
13. « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des Cieux ! Vous n'entrez certes pas vous-mêmes, et vous ne laissez même pas entrer ceux qui le voudraient ! [
15. « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui parcourez mers et continents pour gagner un prosélyte, et, quand vous l'avez gagné, vous le rendez digne de la géhenne deux fois plus que vous !
23. « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi ; c'est ceci qu'il fallait pratiquer, sans négliger cela.
24. Guides aveugles, qui arrêtez au filtre le moustique et engloutissez le chameau.
25. « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui purifiez l'extérieur de la coupe et de l'écuelle, quand l'intérieur en est rempli par rapine et intempérance !
34. C'est pourquoi, voici que j'envoie vers vous des prophètes, des sages et des scribes : vous en tuerez et mettrez en croix, vous en flagellerez dans vos synagogues et pourchasserez de ville en ville,
35. pour que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang de l'innocent Abel jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire et l'autel !
36. En vérité, je vous le dis, tout cela va retomber sur cette génération !
37. « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes..., et vous n'avez pas voulu !
38. Voici que votre maison va vous être laissée déserte.
39. Je vous le dis, en effet, désormais vous ne me verrez plus, jusqu'à ce que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »
Ces invectives mettent en évidence, entre autres, le caractère pervers du légalisme qui transforme les institutions en des pouvoirs sans âme. La « lettre » prend la place de l’ «esprit », « les lois et toutes les doctrines qui s’y rattachent» se substituent à « la Loi fondamentale de l’amour», l’ «extériorité» s’impose à l’ «intériorité », les « apparences » deviennent « réalité », le culte devient la foi. De quoi nous faire réfléchir sur la réalité de notre Église.

LE VATICAN ET L’ÉGLISE

Deux mille ans se sont écoulés depuis ce discours de Jésus. Deux mille ans d’histoire qui ont vu naître les premières communautés chrétiennes, leur organisation, l’encadrement des responsabilités de leurs chefs, la définition des dogmes, la mise en place des lois et réglementations précisant les actes de culte et les célébrations liturgiques. C’est ainsi que les catholiques se retrouvent, aujourd’hui, avec le Vatican, institution qui tient lieu et place de gouvernent de l’Église. Il y a un Pape, comme il y avait à l’époque de Jésus un Grand Prêtre. Il y a des cardinaux, des évêques, des prêtres, un gouvernement avec ses ministères et départements. Les nominations se font à l’interne et les décisions sont prises par voie d’autorité, investie des pouvoirs divins. Le VATICAN est en quelque sorte le pendant du SANHÉDRIN.

La COMMUNAUTÉ DES CROYANTS qu’est l’ÉGLISE ne souscrit pas toujours à tout ce que le VATICAN fait, décrète, ordonne. Théologiens, prophètes et croyants de toute provenance font entendre leurs voix. Le Concile Vatican II dont Jean XXIII a pris l’initiative s’est inscrit dans la continuité de l’ouverture au monde amorcée par les mouvements d’action catholique ouvrière et par une réflexion théologique attentive aux problèmes contemporains. Bien des théologiens s’étaient fait rappeler à l’ordre et bien des initiatives, comme celle des prêtres ouvriers, n’étaient pas les bienvenues. Des conflits surgirent ici et là et les écarts entre le Peuple de Dieu et les structures ecclésiales devinrent de plus en plus grands. Le Concile a rendu possible de nombreux débats, certains traités à l’interne, mais également plusieurs autres l’ont été sur la place publique. Beaucoup de ces questions continuent d’alimenter les discussions et les échanges. Ça dérange évidemment ces autorités peu habituées à être à l’écoute de la Parole de Dieu qui leur arrive par une voie autre que celle qu’elles se sont elles-mêmes définie. L’élan donné par le Concile a vite été récupéré par les tenants d’une pensée plus conservatrice, et l’ouverture amorcée a été rapidement mise en quarantaine.

Ainsi beaucoup de questions continuent d’être soulevées. Mentionnons, entre autres, celui du sacerdoce des femmes, du célibat des prêtres, des finalités du mariage, de l’homosexualité, du contrôle des naissances, de l’avortement, de l’Église comme communauté de croyants. On discute également de démocratie dans l’exercice du pouvoir, de théologie de libération et d’option pour les pauvres. On parle du gouvernement de l’Église, de son approche des problèmes et de sa proximité avec les pouvoirs en place. De plus en plus de voix s’élèvent pour que les Évangiles occupent de nouveau toute la place. Qu’ils soient libérés du carcan des dogmes, des réglementations, des directives autoritaires qui finissent par accaparer toute l’attention et à faire oublier l’essentiel du message de Jésus aux personnes de bonne volonté. On veut que le Christ Ressuscité et son Esprit soient reconnus comme les vrais chefs de l’Église, ceux à qui nous devons amour et fidélité, et de qui nous tenons, chacun selon la grâce reçue, les dons qui donnent vie au Corps qu’est l’Église. On veut que les pécheurs soient les bienvenus, que les couples remariés aient accès à l’Eucharistie qui donnent force et vie… Il n’est pas venu pour les gens en « santé » mais pour ceux et celles qui sont malades, qui savent qu’ils sont pécheurs et qui sont bien conscients que leur désir de perfection est constamment en décalage avec leur capacité réelle d’y arriver. On veut que la responsabilité ultime soit renvoyée à la conscience de chacun en qui l’Esprit agit tout autant que dans ceux qui dirigent.

Il faut redonner à Jésus la Parole et entendre ce qu’il a à dire aux grands prêtres et aux docteurs de la loi des temps modernes. Il est là et parle à travers la mort de Mgr Romero, celle des 7 jésuites assassinés au Guatemala et de combien d’autres en raison de leur engagement au service de la justice, du respect des personnes et des peuples. Il est là dans l’engagement et la poésie du Père Ernesto Cardenal du Nicaragua, dans le témoignage d’un Jean Vanier engagé auprès des handicapés, d’un abbé Pierre au service des ouvriers et des sans abris. Il est également là avec cette sœur Emmanuelle qui a partagé une partie de sa vie avec les chiffonniers et chiffonnières au Caire. On l’a évidemment reconnu dans l’œuvre de mère Teresa, mais qu’en fait-on lorsqu’il nous interpelle à travers les théologiens de la libération, les apôtres de l’œcuménisme et de la réconciliation des Églises. Que nous dit-il, LUI, du terrorisme sous ses mille et une formes, des guerres, des moyens de communication, des ambitions démesurées de certains par rapport aux pouvoirs inexistants de certains autres ? Il est là dans la voix de ceux et celles qui dénoncent les alliances avec les pouvoirs en place, qui relèvent les silences complices avec les puissants, qui condamnent la manipulation des messages pour mieux contrôler l’emprise de certaines orientations.

Jésus nous appelle de nouveau à briser les chaînes qui nous retiennent à l’immobilisme, à la superficialité des évènements, à la complaisance à l’endroit des grands et des puissants de ce monde, aux plaisirs de l’avoir, du pouvoir et du paraître. Il nous invite à mettre de coté « la langue de bois » impersonnelle et sans vie pour retrouver la liberté de l’Esprit et lui donner toute la place dans le monde d’aujourd’hui.

C’est pourtant ce que Pâques nous enseigne et nous confirme. Celui que l’on a mis en croix, le Père l’a ressuscité et est devenu la Tête de l’Église qui vit en Lui et par Lui. Si nous avons des comptes à rendre c’est à lui qu’il nous faudra les rendre. Son message continue d’être un message d’espérance pour l’ensemble de l’humanité et l’Église doit en être témoin. La liberté dont il a témoigné est celle-là même qu’il nous donne aujourd’hui pour poursuivre son œuvre de salut. « Que celui qui croit en moi, nous dit Jésus, me suive. »


Oscar Fortin
23 mars 2006

lundi 13 mars 2006

LA COOPÉRATION AVEC LES ARMES


Je ne pense pas qu’aucun canadien soit contre la coopération humanitaire internationale. Nos valeurs et nos solidarités traditionnelles avec les plus pauvres en témoignent comme d’ailleurs plusieurs missions de maintien de la Paix sous l’égide des Nations Unies. Il est donc difficile d’aller à l’encontre de ces valeurs sans soulever la réprobation des canadiens. La tentation est alors forte de les récupérer subtilement pour justifier des interventions que, si elles étaient connues dans leurs avenants et aboutissants, seraient perçues comme allant totalement à l’encontre de ces mêmes valeurs de solidarité humanitaire.

Les exemples de récupération ne manquent pas, surtout en cette période spéciale que nous vivons. Les spécialistes en communication et les lobbys élaborent des plans, choisissent les bonnes expressions qui permettent de couvrir des tractations bien souvent marquées davantage par le marchandage et le chantage que par la recherche d’une véritable cause humanitaire. L’administration Bush n’a-t-elle pas entraîné dans la guerre le peuple américain ainsi que ses élites politiques et religieuses en utilisant ces stratagèmes peu orientés à mettre en évidence la vérité des choses. Nous nous retrouvons ainsi dans la situation où le mensonge est converti en vérité, la récupération en humanisme, nos morts en martyrs et ceux des adversaires en terroristes.

La visite surprise du Premier ministre canadien en Afghanistan avait quelque chose de « déjà vu ». On y retrouve une sorte de parenté entre les spécialistes en communication au service de la guerre en Afghanistan et ceux qui sont au service de la guerre en Irak. On fait souvent appel à la « Communauté internationale », mais sans jamais préciser de qui il s’agit. On pense immédiatement aux Nations Unies qui regroupent 191 membres. Ils sont la représentation de la Communauté internationale et à ce que je sache, cette communauté internationale, ne s’est jamais prononcée en faveur de la guerre en Afghanistan sous le commandement général des États-Unis. Par contre si nous parlons de l’OTAN, nous parlons effectivement du regroupement de 26 pays, soit 13% de la communauté internationale. Il faut dire que l’usage abusif de ce terme permet de couvrir, face à l’opinion publique mondiale, la véritable réalité des acteurs et de leurs compromis réciproques. Lorsque Ben Laden a offert une trêve, y a-t-il eu un Conseil de l’Otan pour décider de la marche à suivre? C’est la Maison Blanche qui a répondu qu’aucune trêve ne l’intéressait.

Il appartient, me semble-t-il, au PEUPLE CANADIEN de se prononcer sur l’engagement du Canada dans cette guerre offensive en Afghanistan. Nous ne sommes pas là pour assurer la paix d’un peuple qui ne nous a jamais agressé ou menacé. Nous sommes là à d’autres fins et s’il y a des préoccupations de paix elles portent davantage sur la paix des forces conquérantes et de leurs alliés sur le terrain.

Si monsieur Harper est le démocrate qu’il dit être, il doit, dans ses décisions, représenter la volonté du peuple canadien. Pourquoi alors, sur cette question précise de l’engagement du Canada dans la guerre en Afghanistan, laquelle implique des milliards de dollars et des vies humaines, ne pas faire dès maintenant un RÉFÉRENDUM NATIONAL sur cette question ? Autrement les canadiens croiront que le vote de M. Bush est plus puissant que le leur et se demanderont à quoi sert notre démocratie si les décisions importantes se prennent ailleurs.

Au moment où le Premier Ministre canadien, en compagnie de nos soldats, se faisait le promoteur de la coopération humanitaire en Afghanistan, le Président de Cuba, à la clôture du 1Xième Séminaire international des premiers soins de santé, se faisait promoteur de cette même coopération, mais cette fois non pas avec des armes, mais avec des milliers de médecins et d’éducateurs. « Nous n’avons d’autre richesse que cette volonté et ce désir de coopérer avec les plus pauvres et délaissés. Cuba dispose de plus de 70 000 médecins, dont 60 000 spécialistes et près de 25 000 qui sont actifs dans le cadre de missions internationales. »

Je pense que la majorité des canadiens seraient heureux d’appuyer des initiatives de cette nature indépendamment des idéologies de ceux qui les inspirent.



Oscar Fortin
14-03-2006

mardi 7 mars 2006

L'ÉPISCOPAT CANADIEN ET LA GUERRE

L’an dernier, à la même période, nous étions en plein débat sur la définition à donner au mariage. L’ancienne définition qui se retrouvait inscrite dans la loi canadienne faisait du mariage « l’union d’un homme et d’une femme » alors que celle soumise au législateur visait à en faire « l’union de deux personnes » sans égard au sexe. Les opposants à cette modification de la loi ne tardèrent pas à se mobiliser et à faire entendre leur voix.

La Conférence Catholique Canadienne (CCC) avec, à sa tête, le cardinal Ouellet, a été une des première à monter aux barricades et à diriger une offensive sans merci contre ce projet de loi. Toutes les tribunes étaient bonnes pour se faire entendre. Nous nous souviendrons des déclarations dans les journaux, des débats à la télévision, des sermons dans les églises, et des multiples rencontres avec les divers lobbys susceptibles d’influencer les Parlementaires. La rencontre du cardinal Ouellet avec les Sénateurs fut l’une des plus couvertes par les medias. Il fallait empêcher une modification du texte de loi sur le mariage ayant pour effet de le rendre accessible aux personnes de même sexe.

Aujourd’hui un autre débat s’amorce : l’engagement du Canada dans la guerre en Afghanistan et les milliards $ investis en dépenses militaires. Tous les canadiens et canadiennes sont interpellés par ces deux questions qui doivent, en toute démocratie, se fonder d’abord et avant tout sur leur volonté et non sur celle d’autres intervenants extérieurs, si puissants puissent-ils être. Elles ne sont pas sans interpeller également les Églises et de façon particulière la Conférence Catholique Canadienne des évêques (CCC) pour qui les questions d’armement et de guerre vont à l’encontre du message de paix et de non violence des Évangiles. Encore tout récemment Benoît XVI, à l’occasion de la journée mondiale pour la paix, en janvier dernier, ne déclarait-il pas :

« La vérité de la paix appelle tous les hommes à entretenir des relations fécondes et sincères; elle les encourage à rechercher et à parcourir les voies du pardon et de la réconciliation, à être transparents dans les discussions et fidèles à la parole donnée. »

Le Canada s’engage actuellement dans une guerre offensive en Afghanistan. On place cet engagement dans le cadre de la « lutte contre le terrorisme » comme s’il suffisait d’utiliser ce vocable pour justifier toute guerre. N’y a-t-il pas un certain parallèle à faire avec ces nombreux conflits entretenus, particulièrement en Amérique Latine, sous le vocable de la « lutte contre le communisme ». Aujourd’hui, nous savons que des milliers et des centaines de milliers de personnes innocentes ont été arrêtées, torturées, tuées. « Un massacre inutile » tout comme le disait Benoît XV au sujet de la Première guerre mondiale. Avec cet engagement en Afghanistan, le Canada n’est-il pas placé dans l’engrenage d’un processus qui en fera un artisan de guerre et un délinquant du droit international?

Je pense que l’Épiscopat canadien et l’ensemble de ceux et celles qui se réclament de la foi en Jésus de Nazareth ont le devoir d’intervenir de manière à éclairer les canadiens. Leur situation d’indépendance et de liberté face aux forces politiques et économiques, c’est du moins ce qu’il faut espérer, leur donne l’autorité nécessaire pour apporter une réflexion consistante sur les multiples visages du terrorisme qui va de celui du délinquant à celui de l’État en passant par ces multiples groupes organisés clandestinement pour renverser des pouvoirs en place ou encore exiger de leur part le respect de certains droits ou privilèges.
Certains discours peuvent laisser entendre qu’il y aurait deux manières de tuer : une qui serait humaine et une autre qui serait inhumaine. La première serait bonne et la seconde à proscrire. Je ne pense pas qu’il y ait une manière humaine de tuer. Lorsque Benoît XVI, citant Jean-Paul II, déclare que « celui qui tue par des actes terroristes nourrit des sentiments de mépris envers l'humanité, faisant preuve de désespérance face à la vie et à l'avenir: dans cette perspective, tout peut être haï et détruit »(9) il peut laisser entendre qu’il y aurait une manière humaine de tuer qui serait celle réalisée par des armées régulières… Une telle interprétation aurait de quoi alimenter bien des débats et forcer à une réflexion de vérité.

J’espère que nos évêques mettront autant, sinon plus, d’énergie à s’impliquer dans ce nouveau débat qu’ils en ont mis à défendre la définition traditionnelle du mariage. Leur intervention pourrait être inspirée par ces propos de Jean-Paul II, repris par Benoît XVI :

« Prétendre imposer à d'autres par la violence ce que l'on considère comme la vérité signifie violer la dignité de l'être humain et, en définitive, outrager Dieu dont il est l'image ».(10)

Ces propos, adressés initialement aux fondamentalistes, pourraient éventuellement s’appliquer aux canadiens qui cautionneraient une guerre dont l’objectif serait d’imposer par la force une façon de voir la vie en société. Cette guerre les transformerait vite en fondamentalistes et en terroristes opérant à visage découvert.

Le dialogue dans la vérité et non dans sa manipulation pourra seul conduire à humaniser les relations entre les peuples et les États. Il est la voie incontournable de la paix. Dommage que l’offre récente de trêve faite par Ben Laden dans l’escalade de la violence n’ait pas été entendue. Ç’eût été une occasion d’amorcer ce dialogue dont parlait Benoît XVI dans son message de Paix et de faire l’économie de milliards de dollars à consacrer à des causes humanitaires.

Je me porte volontaire pour participer avec nos Évêques à cette offensive contre la guerre et la course aux armements et pour une paix fondée sur le dialogue de vérité et de respect.

Oscar Fortin
7 mars, 2006

mercredi 1 mars 2006

PRENDRE LA PAROLE

AU NOM DE LA FOI EN JÉSUS RESSUSCITÉ

Bien rares sont les institutions dont les membres disposent d’une source d’autorité qui transcende toutes les autres formes d’autorité dont peut se doter une organisation. C’est bel et bien le cas des croyants en qui l’Esprit de Jésus agit. C’est Lui qui est, comme le dit Paul aux Colossiens (1,18), « la Tête du corps, qui est l’Église). Il est le Seul à avoir l’autorité absolue et à dispenser ses dons selon un ordre qui échappe à toutes les autres autorités dont l’Institution a pu se doter. « À chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don du Christ (…). Et c’est Lui qui a donné certains comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres encore comme évangélistes, d’autres enfin comme pasteurs et chargés de l’enseignement, afin de mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ… ». ( Éphésiens, 4,7-13)

Nous pourrions multiplier les citations bibliques mettant clairement en évidence que Jésus et son Esprit demeurent toujours très actifs, qu’ils agissent comme ils l’entendent sans devoir demander la permission à qui que ce soit. Lorsqu’ils ont fait de Paul un apôtre, ils n’ont pas consulté Pierre pas plus que les autres apôtres. Il en fut de même lorsque Jésus ressussité envoya son Esprit sur les nations païennes. Pierre n’eût rien de plus à faire que de les reconnaître : « Quelqu’un pourrait-il empêcher de baptiser par l’eau ces gens qui, tout comme nous, ont reçu l’Esprit Saint? » (Act.10, 44-48) L’Église c’est d’abord et avant tout, ces membres réunis dans un seul corps par l’Esprit. Chacun agit selon la grâce qui lui a été accordée. « Est-ce le don de prophétie, qu’on l’exerce en accord avec la foi. L’un a-t-il le don de service? Qu’il serve. L’autre celui d’enseigner, qu’il enseigne. Tel autre celui d’exhorter, qu’il exhorte. » (Rm.12, 4-10)

Deux mille ans se sont écoulés depuis ces origines des premières communautés chrétiennes à aujourd’hui. Un long parcours qui a donné naissance à un gouvernement ecclésial qui s’est progressivement approprié l’ensemble des dons de l’Esprit et le pouvoir d’en disposer selon ses propres critères de discernement. Ainsi, aujourd’hui, qui pense Église pense Vatican. S’il y a des voix prophétiques qui se font entendre en dehors de son contrôle et sur des sujets qui la questionnent, il les soumet à procès, les condamne ou les excommunie. Loin de retrouver l’attitude de Pierre devant l’arrivée de Paul et celle des païens, l’autorité vaticane s’arroge l’exclusivité du pouvoir de l’Esprit Saint et décide selon ses convenances de la distribution de ses dons. Il en va ainsi pour le choix du pape, celui des cardinaux, des évêques etc. Il a le contrôle de « l’agenda du mystère du salut ».Nous nous retrouvons avec une Église complètement prise en charge par ceux qui la dirigent (son gouvernement). L’autorité du Ressuscité, Tête de l’Église, est complètement absorbée par la personne du Pape et la grande majorité des croyants et croyantes oublient que le Christ et son Esprit sont tout aussi présents en eux qu’ils ne le sont dans la personne du Pape et de ceux qui l’entourent. Nous partageons tous dans le Corps qu’est l’Église un même Esprit dont personne n’a l’exclusivité.

Il est donc devenu urgent de reprendre la parole pour donner une voix à l’Esprit qui parle et agit en chacun de nous selon le don et la grâce de Dieu. Pour ceux qui s’inquiètent du bon discernement de chacun y incluant celui des autorités vaticanes, la communauté des croyants sera toujours là pour l’assurer dans la foi. NOUS NE SOMMES PLUS SEULS : LE CHRIST ET L’ESPRIT SAINT VIVENT EN NOUS. C’EST NOTRE FOI ET NOTRE LIBERTÉ. Soyons à l’écoute de ceux et celles qui prennent la parole pour que l’Esprit nous rejoigne dans notre propre foi.

Oscar Fortin
1ier mars 2006