samedi 20 février 2010

L’INDÉPENDANCE ET LE PEUPLE

DES ÉCUEILS À ÉVITER

Libération.fr, quotidien français, titre, en ce 20 février 2010 : « Majorité de «oui» à l'indépendance au Québec, selon un sondage » et il poursuit : « Les partisans de la souveraineté du Québec devancent les adversaires de cette solution, selon un sondage publié hier par le quotidien La Presse. Si un référendum sur la souveraineté du Québec avait eu lieu la semaine dernière, 45% des Québécois auraient voté pour et 41% contre. 14% des 1.509 personnes interrogées ont affirmé ne pas avoir encore fait leur choix. »

Si ce sondage qui donne déjà 45% en faveur de l’indépendance et 41% contre, alors que le véritable débat n’occupe encore que peu de place dans nos médias, qu’en sera-t-il lorsque ces derniers, pour en débattre, ouvriront leurs portes et leurs fenêtres à ceux et celles qui s’en font les grands promoteurs ? Il ne fait aucun doute que les principaux stratèges du fédéralisme et de ceux qui en tirent les ficelles sont très conscients que l’indépendance du Québec est plus que jamais à portée de main.

La population n’est pas dupe. Elle réalise qu’il y a plein de choses qui ne tournent pas rond. Les scandales se multiplient, la crise économique vient écoper une classe moyenne qui voient ses économies fondre au soleil, la Caisse de dépôt est laissée entre les mains dont on ne sait trop de qui. Harper met la clef sur le Parlement pour échapper aux questions de l’opposition et se donner du temps à faire le plein de photos à Vancouver et en Haïti pour la prochaine campagne électorale. Charest ne fait guère mieux en refusant des commissions d’enquête sur les 40 milliards $ évaporés de la Caisse de dépôt et sur les collusions dans le secteur de la construction. La liste peut s’allonger dans bien d’autres champs d’intervention. L’électorat québécois commence à avoir son voyage et les peurs d’antan sur l’indépendance laissent la place à un avenir meilleur.

Les fédéralistes sont déjà à l’œuvre. D’abord, il leur faut diviser les indépendantistes entre eux, question de briser la cohérence du vote. Ils favoriseront tout ce qui peut créer des dissensions. Ils profiteront du fait qu’il y aura les indépendantistes qui voudront régler tous les problèmes d’un seul coup en même temps qu’il y en aura d’autres qui voudront sauver le système économique et le système démocratique tels qu’ils existent actuellement. De quoi faire oublier le débat sur l’indépendance. En second lieu et sans pour autant négliger le premier point, ils feront valoir que la tenue d’un référendum n’est pas ce que la population veut actuellement. Il y a trop de problèmes urgents à régler pour penser à s’investir dans un nouveau référendum. Ces approches s’inspireront, entre autres, des propos de Lucien Bouchard et seront repris, dans tous les sens, par ceux qui ne veulent pas que le peuple se prononce maintenant. Nous pouvons en imaginer le pourquoi.

COMMENT ÉVITER CES ÉCUEILS

Je pense que la bonne foi des promoteurs et promotrices de l’indépendance du Québec devra être mise à l’épreuve sur le fait que l’indépendance est d’abord et avant tout la prérogative du peuple qui devra en être toujours le souverain. Cette indépendance est le premier pas lui donnant pleine autorité pour définir la configuration des institutions qui lui assureront son plein développement. De spectateur qu’il était devenu, il redeviendra le principal artisan de son destin. Une manière de redonner à la « démocratie » son véritable sens et de rallier tous les indépendantistes et souverainistes de bonne foi. C’est dans le cadre de cette indépendance acquise que les débats devant conduire à une nouvelle constitution devront se réaliser et être sanctionnés par le peuple. C’est également dans le cadre de cette nouvelle indépendance que devront se faire tous les débats plus hauts mentionnés. Tous ces sujets devront être débattus et discutés à tous les niveaux de la population, mais en son temps et lieu. Le débat actuel, celui qui doit rallier toutes les parties, est celui de l’indépendance : l’affranchissement du Peuple Québécois de toute autorité qui ne soit émergente de sa volonté, démocratiquement exprimée. Un référendum sur l’indépendance ne peut pas être de même nature et avoir la même portée qu’un référendum sur une Constitution ou un régime politique et économique etc. Les objets sont différents et il ne faut pas les mêler.

Au fond, il faut que le point de ralliement soit l’indépendance du Peuple Québécois et sa capacité d’intervenir par ses divers regroupements dans la vie de la société et de l’État. Le débat devrait s’en tenir à son affranchissement des pouvoirs fédéraux et à sa capacité d’assumer par lui-même son propre développement. Toutes les autres questions non essentielles à ce débat devraient être reportées au lendemain de la conquête de son indépendance. Cette dernière n’est conditionnelle à aucun régime. En ce sens, le référendum sur l’indépendance n’est pas le lieu désigné pour trancher sur des questions de modalités et de régimes. Le peuple ne doit plus être pris en otage par quelque groupe que ce soit et n’être qu’un spectateur étranger à l’organisation de son propre devenir. Il doit en être l’acteur principal. L’important c’est qu’aucun groupe ne s’arroge les pouvoirs qui appartiennent au peuple.

Si tous les artisans de l’indépendance du Québec, qu’ils soient néolibéraux, anarchistes, socialistes, communistes, de droite, de gauche, catholiques, protestants, athées, musulmans, mariés, séparés, célibataires, gais, lesbiennes, etc. s’accordent pour dire que le peuple doit être celui qui assume en dernière instance les grandes orientations de son devenir politique, économique et social, il sera alors possible de s’unir et de gagner cette indépendance du Peuple auquel nous appartenons tous et toutes.

Pour conclure, je me dois de préciser que cet article se veut une réponse à la stratégie des forces fédéralistes qui se profile en filigrane dans les évènements qui se produisent actuellement. C’est également un réajustement des affirmations que j’ai faites dans mes interventions antérieures, non pas quant à leur contenu, mais à la pertinence du moment pour en débattre. Les véritables débats portant sur la particularité des régimes à adopter devraient, pour éviter les pièges de ceux qui ne veulent pas de l’indépendance du Québec, se faire dans le cadre d’une indépendance acquise. Dans tous les cas de choix structurants, ils devront être sanctionnés par le Peuple. Le temps des constitutions, rédigées et acceptées par d’autres, sera du passé. Il faut que le peuple soit toujours l’artisan de son propre devenir.


Oscar Fortin

Québec, le 20 février 2010

http://humanisme.blogspot.com

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