jeudi 18 février 2010

LUCIEN BOUCHARD ET L'INDÉPENDANCE DU QUÉBEC

J’ai toujours eu un grand respect pour Lucien Bouchard, homme intelligent, fin débatteur, astucieux en politique et d’une probité qui l’honore. La réputation qu’il s’est acquise à travers ses multiples fonctions et responsabilités le placent comme au sommet de la pyramide des personnalités québécoises. S’il prend la parole, il aura tous les médias à sa disposition pour relayer son message jusqu’aux confins du Québec et du Canada. Il est une sorte de « Pape » dont l’autorité peut difficilement être contestée. Si elle l’est ce ne sera jamais avec le même support médiatique dont il aura pu bénéficier. C’est donc d’un piédestal beaucoup plus bas et avec un support médiatique beaucoup plus faible que je me permets d’interpeller la compréhension qu’il se fait de l’Indépendance du Québec.

Deux affirmations de sa part m’ont particulièrement interpellé. La première, que je n’arrive toujours pas à comprendre, est à l’effet que « ce n’est pas le temps de faire un référendum sur l’indépendance du Québec alors que nous avons tellement d’autres problèmes, plus urgents, à résoudre ». Le second est cette affirmation dont on ne sait d’où elle vient : « les Québécois ne veulent pas, à court terme, d’un autre référendum ». Ce sont là deux affirmations que je cite de mémoire et qui me semblent représenter assez bien son propos sur le sujet.

De la manière dont les choses sont dites dans la première affirmation c’est comme si l’indépendance n’était finalement qu’une sorte de promotion, genre médaille d’or, qui permet à un peuple de dire au monde « Voilà nous sommes un État indépendant avec un siège aux Nations Unies, pouvant émettre des passeports et des visas ». C’est évident que ce n’est pas avec cette indépendance que nous allons solutionner les problèmes du Québec. Par contre, si l’indépendance n’est plus la parade, mais l’outil fondamental par lequel un peuple peut s’attaquer à la solution de ses problèmes, alors là l’indépendance devient une urgence.

Quoiqu’on puisse dire, notre lien fédératif avec le Canada est actuellement un handicap à notre développement. Il ne saurait en être de même le jour où le peuple du Québec, regroupé sous une constitution qu’il se sera donné lui-même, s’attaquera aux problèmes qui l’assaillent. Il trouvera plus facilement les moyens de les résoudre et si les embuches se multiplient, il aura alors la fierté et le courage de les affronter et de les vaincre à sa manière et avec ses ressources. Les questions de multiculturalisme, de diversité culturelle, de laïcité trouveront plus facilement une réponse que ce n’est actuellement le cas. L’indépendance n’est pas un titre que l’on se donne, mais un outil qu’un peuple s’approprie pour résoudre ses problèmes et avancer vers son développement.

La seconde affirmation de M. Bouchard est que les Québécois ne veulent pas d’un nouveau référendum. Je suppose qu’il fonde cette affirmation sur un sondage particulier. En supposant que ce soit le cas, une telle affirmation demeurerait tout à fait suspecte. Nous savons ce que sont les médias en tant qu’outils privilégiés pour influencer l’opinion publique dans un sens ou dans l’autre. Actuellement, nos médias sont, dans leur ensemble, fédéralistes et supports inconditionnels du néo-libéralisme. Par contre, si, par miracle, ces mêmes médias devenaient, dans leur ensemble, indépendantistes et d’options politiques et économiques plus participatives, fort probablement la même population québécoise serait en faveur de l’indépendance et la tenue, au plus vite, d’un référendum.

L’été dernier nous avons eu le Moulin à paroles qui a eu un succès au-delà des espérances et dont les échos continuent à se faire entendre et à interpeller bon nombre de Québécois et Québécoise. Et que dire de cette foule qui s’est déplacée pour rendre un dernier hommage à Pierre Falardeau, ce cinéaste et patriote qui a marqué à sa manière toute une époque? L’information alternative qui circule sur internet nous en dit plus long sur le sentiment des Québécois que ce que nous en disent RDI et LCN. Il est d’ailleurs intéressant de constater que de plus en plus de jeunes, dont l’avenir préoccupe beaucoup M. Bouchard, voient dans l’indépendance du Québec la voie pour sortir le peuple du « cul de sac » dans lequel il a été enfermé.

Avec tout le respect que j’ai pour l’homme, je n’arrive toujours pas à retrouver en lui la lucidité qui l’avait conduit à se battre pendant des années pour dire au Peuple Québécois que l’indépendance c’est la prise en main de son destin et des outils indispensables à son développement. C’est toujours pour cette indépendance que bon nombre de Québécois et Québécoises continuent de se battre.

Il faut, toutefois, reconnaître que Lucien Bouchard a pleinement le droit de ne plus croire en cette indépendance, mais de grâce, il ne faudrait pas qu’il la confonde avec une mascarade d’indépendance dont personne ne veut vraiment.

Oscar Fortin

Québec, le 17 février 2010

http://humanisme.blogspot.com/

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