lundi 16 août 2010

AIDE-TOI ET LE CIEL T'AIDERA !

LA PAPAUTÉ NE S’OBTIENDRA PAS UNIQUEMENT PAR DES PRIÈRES

Voilà ce que monsieur le Cardinal Marc Ouellet a compris depuis longtemps. Il ne suffit plus d’attendre que le Père, sous la forme d’une colombe, déclare du haut du ciel « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le » ou encore que l’Esprit Saint, sous la forme d’une flamme, semblable à celle de la Pentecôte, identifie ses principaux responsables dans l’Église et dans le monde. Il faut plutôt déployer tous les moyens humains possibles, comme le font tous les candidats et toutes les candidates à une promotion ou à un poste d’autorité. Évidemment, tout cela, particulièrement dans le cas de l’Église, dans le but d’aider l’Esprit Saint à faire les bons choix.

C’est exactement dans ce sens qu’il faut comprendre le déploiement de cette célébration grandiose à la Basilique de Ste-Anne de Beaupré à l’occasion de son départ pour Rome à titre de Préfet pour la Congrégation des Évêques et de représentant pontifical à la Conférence des évêques de l’Amérique latine. Déjà, nous savons, et il sait, que cette célébration sera diffusée à travers le monde. Une occasion unique pour laisser aux futurs électeurs, présents lors du prochain conclave visant à remplacer un jour Benoît XVI, d’abord l’image d’un grand rassembleur et par la même occasion un document, « TOUS ENSEMBLE », ne laissant aucun doute sur son orthodoxie religieuse. Dans ce document il y reprend les thèmes qui ont fait l’objet de ses grands combats : le mariage des personnes du même sexe, l’avortement, la famille, l’euthanasie, la vie religieuse et sans doute quelques autres thèmes. Il ne sera toutefois pas question des guerres qui tuent par milliers des personnes humaines, ni des milliards de dollars qui y sont investis au détriment des mesures sociales comme celles de la santé et de l’éducation. La désinformation avec laquelle les puissants s’emparent du cerveau des citoyens et citoyennes pour mieux les manipuler, ne retiendra pas son attention. La vie des fœtus et celle des personnes âgées, est une chose mais celle des victimes des guerres et des systèmes d’exploitation et de domination en est une autre.

En un mot, s’il faut avoir la foi, il ne faut surtout pas cesser de croire en soi. À ce niveau, il n’y a aucun reproche à lui faire. Il sait utiliser sa tribune pour affirmer ses convictions et ses croyances, laissant entendre, de par sa fonction, que Dieu pense exactement comme lui. C’est, évidemment, le grand avantage d’un poste d’autorité dans l’institution ecclésiale. Il le sait très bien.

Cette grande célébration est le premier acte de sa campagne pour le poste de « PAPE ». Monsieur le Cardinal sait que ça ne tombera pas du ciel comme ce fut le cas pour Jésus le jour de son baptême ou pour les apôtres le jour de la Pentecôte. Il n’y aura pas toujours une colombe dans le ciel ou une flamme dans la chapelle Sixtine pour identifier l’heureux élu.

Il faut donc se mettre à la tâche et bien cibler les principaux acteurs. Le temps venu, ce seront les votes des collègues cardinaux qui décideront de son sort. Il faut donc avoir des propos qui rassurent et qui permettent de dormir tranquille dans la barque de Pierre. Tous les moyens sont donc bons pour que le candidat à élire soit le plus fiable pour mener à terme la lutte contre l’avortement, le mariage des personnes de même sexe, l’euthanasie. Il est tout aussi important que ce candidat sache soutenir discrètement les guerres, menées par les puissances de l’Occident, de toute évidence, contre le « terrorisme », tout en appuyant, par des interventions ponctuelles le renversement de régimes mettant en péril leurs intérêts. Monsieur le Cardinal est bien au fait de ces attentes des futurs électeurs et de ceux qui les appuient.

Le prochain conclave n’aura pas à choisir entre une gauche ou une droite, entre un parti et un autre. Les cardinaux qui y seront auront été choisis sur la base d’un même ADN. Ils sont tous pareils ou presque. Les candidats devront faire preuve d’originalité. Monsieur le Cardinal pourra compter sur son charme et sa capacité de se montrer comme un véritable leader sur les sujets qui répondent aux tendances conservatrices et intégristes de l’Église. Tous savent que l’Esprit Saint ne peut tout faire par lui-même. Il faut donc lui donner un coup de main. De toute manière, l’élu sera toujours l’élu de l’Esprit Saint, même si ce dernier n’aura pas eu souvent l’opportunité de se faire entendre.

Cette mise en scène, à première vue caricaturale, ne l’est pourtant pas. Les tensions que traverse l’Église d’aujourd’hui inquiètent ceux qui, pour le moment, contrôlent l’Institution et les situations qui se présentent. C’est le cas pour l’Opus Dei, pour les traditionnalistes, les intégristes, mais aussi pour les gouvernements qui imposent actuellement leur pouvoir sur l’ensemble du monde en comptant sur le soutien du Vatican et des élites qui le soutiennent.

Dans cette optique, la candidature de monsieur le cardinal saura trouver des appuis dans ces milieux. Toutefois, il ne faudrait surtout pas qu’un original fasse son apparition. Il n'y a pas à s'inquiéter, sa position comme Préfet à la Congrégation des évêques lui donnera toute la latitude pour que ça ne se produise pas. Que l’Esprit Saint en prenne bonne note.

Mais, dans tout ça où, donc, est Jésus de Nazareth? Où est cette Bonne nouvelle de délivrance et de libération, confiée à ses apôtres pour qu’ils aillent l’annoncer jusqu’aux confins de la terre? Cette Bonne nouvelle serait-elle devenue ce petit catéchisme mis entre les mains des enfants ou encore cette doctrine dogmatique et moralisante qui dit ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qu’il faut penser ou ne pas penser? Où est-il donc passé ce bon pasteur à qui Jésus a donné des consignes de conduites et de comportements, pourtant suffisamment claires?

Il n’est pas surprenant que pareille situation, devenue si étrangère à Jésus de Nazareth, au témoignage que nous en donnent les Évangiles et les apôtres, fasse de l’Église une Institution sans âme et un contre témoignage de la mission qui lui a été confiée par ce Jésus de Nazareth.

Comment ne pas penser à ces propos qu’a eus Jésus à l’endroit des pharisiens et des docteurs de la loi, propos que nous rapporte l’évangéliste Mathieu au chapitre 23 de son Évangile? Comme on le dirait dans certains milieux, il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère.

« En tout ils agissent pour se faire remarquer des hommes. C'est ainsi qu'ils font bien larges leurs phylactères et bien longues leurs franges. Ils aiment à occuper le premier divan dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à recevoir les salutations sur les places publiques et à s'entendre appeler "Rabbi" par les gens (…) Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des Cieux ! Vous n'entrez certes pas vous-mêmes, et vous ne laissez même pas entrer ceux qui le voudraient ! Malheur à vous [qui avez] négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi»

Le monde a besoin de redécouvrir le Père comme les enfants de l’Arche redécouvrent ce père en Jean Vanier, comme les chiffonniers du Caire l’ont découvert dans sœur Emmanuelle et les Salvadoriens en Mgr Romero. Ici, à Québec il suffit de penser à notre infirmier des pauvres ou encore à ces femmes qui s’occupent avec amour des handicapés qu’elles ont pris à leur charge. Les exemples sont pourtant multiples à travers le monde d’un Père, moins préoccupé des plateaux de télévision, des courses à des postes d’autorité, mais plus soucieux de ceux et celles qui attendent, la main tendue, la présence amoureuse, inconditionnelle et sans jugement d’un Père qui les aime tout simplement.

Il faut croire qu’un réveil du Peuple de Dieu se prépare et qu’il mettra bientôt en pleine lumière la grande tricherie de ces personnages, plus préoccupés de leur image et des ambitions qui les font vivre que de ce service humble et intense auprès des plus défavorisés de nos sociétés.

« Que le plus grand se fasse le plus petit, que le maître se fasse l’esclave, que les plus vieux cèdent la place aux plus jeunes. »

Je ne sais pas si le Jésus de Nazareth que je connais se ballade souvent dans les couloirs et les antichambres du Vatican. J’en douterais. Pourtant, à les écouter, ils ont tous la prétention de parler en son nom.

C’est tout de même curieux, n’est-ce pas?


Oscar Fortin

Québec, le 15 août 2010

http://humanisme.blogspot.com/

4 commentaires:

Marius MORIN a dit...

Loin de l'aujourd'hui du monde, l’Église catholique navigue lentement sans trop se soucier des vents contraires et des marées. Le message du pape et des évêques se veut rassurant pour les fidèles afin de leur permettre de dormir tranquillement dans la barque de Pierre. L’inertie et la pusillanimité menacent l’Église de l’intérieur aujourd’hui. À travers les épais brouillards des scandales, il est de plus en plus difficile de distinguer le grand mât central de cette barque comme le signe de la croix libératrice de Jésus. Malheur aux catholiques s’ils perdent de vue, ne serait-ce que quelques instants, la croix libératrice de Jésus!
Marius MORIN

kimaroc a dit...

"AIDE-TOI ET LE CIEL T'AIDERA !" message typiquement catholique :)

Oscar Fortin a dit...

L'usage qui est fait de cette expression dans le présent texte est plutôt pour couvrir d'une sorte de voile la suffisance et l'ambition d'un homme qui fait tout pour atteindre le sommet de l'échelle vaticane, à savoir la papauté. Ce n'est plus tellement l'Esprit à l'écoute duquel il faut se mettre qui compte, mais sa volonté d'y tordre le bras s'il le faut pour atteindre son but.

Anonyme a dit...

Quel esprit saint, ce Ouellet !
Une vraie colombe, ce cardinal : aussi, il doit sûrement être parti vers Rome avec l’esprit « serein… »

André Tremblay