mardi 20 octobre 2020

BOLIVIE:UN PEUPLE QUI A SU RÉSISTER ET SE FAIRE RESPECTER

 



 


On se souviendra du 19 novembre 2019, jour d’élection présidentielle, en Bolivie. Evo Morales, alors candidat, s’est vu soutenu de nouveau par la grande majorité de son peuple. Les premiers résultats le donnèrent comme gagnant au premier tour, sans nécessité d’un second tour. C’est alors que le secrétaire général de l’OEA, alors présent, comme observateur, prit l’initiative d’une déclaration, faisant état d’une grave fraude électorale. Son statut, comme secrétaire général de l’OEA, lui assurait une certaine crédibilité  de la part des alliés de Washington et des ennemis d’Evo Morales. C’est alors, en concertation avec la partie  perdante de l’élection et des alliés de l’empire, les forces armées boliviennes, fidèles  aux partisans de la « droite », ont été mises à contribution pour confirmer cette fraude et mettre à prix la « tête » d’Evo Morales et de tous ceux et celles qui lui sont très proches.

 

Nous connaissons la suite. Evo Morales, pour éviter des massacres de son peuple et de ses plus proches, ainsi que sur lui-même, s’exila au Mexique qui lui avait tendu la main. Pendant ce temps, l’armée s’en prenait aux résistants à  ce coup d’État militaire, alors que les principaux artisans de ce dernier préparaient un gouvernement fantoche, reconnu par Washington et ses alliés,  tenant lieu de pouvoir légitime pour gouverner le pays.

 

Devant cette scène grotesque, d’usurpation de la volonté, clairement exprimée du peuple, se firent silencieux les évêques boliviens tout comme fut le cas du Vatican. La majorité des pays subordonnés à Washington comme c’est le cas du « club de Lima et de l’Union européenne » reconnurent le nouveau gouvernement. Ce ne fut toutefois pas le cas pour les Nations Unies qui s’est abstenue d’en reconnaître la légitimité.




En ce 18 octobre 2020, ce fut également élection présidentielle dans le but de légitimer le nouveau gouvernement. Ce que les putschistes considéraient pour acquis s’est vite transformé en une débâcle rarement vue. Le candidat, Luis Arce, mis de l’avant par le parti politique d’Evo Morales (MAS),   s’est vu attribuer, par le vote du peuple bolivien, la présidence avec 52,4% des voix. 

 

Deux points retiennentparticulièrement mon attention : le premierest celui de la reconnaissance immédiate de cette victoire par les principaux dirigeants de l’opposition officielle. Le secondest cette unanimité internationale de ceux qui, en 2019, ont tout fait pour que la victoire d’Evo Morales ne soit pas reconnue.

 

Je note, entre autres, l’appel téléphonique, tout récent, du pape Françoisà Evo Morales, toujours en résidence protégée en Argentine. Je note également le comportement des évêques boliviensqui se félicitent de la victoire de celui qui sera le nouveau président de Bolivie. On se souviendra que ces mêmes évêques avaient, pratiquement, fait campagne (en 2019) contre Evo Morales, l’accusant de fraudes électorales, sans jamais en donner les preuves. 

 

Trump et l’Unioneuropéenne ont aussitôt reconnu le nouveau gouvernement, se disant disposés à travailler avec ce dernier.

 

Je voudrais bien croire à un virement de 180 degrés de tous ces acteurs qui ont été, sous une forme ou une autre, les auteurs directs et indirects du Coup d’État de novembre 2019.  D’ailleurs, jusqu’à tout récemment, certains des plus radicaux promettaient de mettre l’armée au service de leur démocratie. Il y a toutefois une autre hypothèse tout à fait plausible..

 

Le trois novembre prochainsera jour d’élection aux É.U.. Donald Trump, en tant que candidat à cette élection, ne peut se permettre, à deux semaines de ces dernières,  une aventure internationale comme celle d’un second coup d’État contre le peuple bolivien. Ses promesses de paix et de respect des peuples et des nations se verraient renvoyées aux oubliettes. Je le vois donc ordonner, de la Maison-Blanche, à tous ses collaborateurs et collaboratrices impliqués, directement ou indirectement dans un changement de régime politique en Bolivie, de se conformer aux résultats des élections et d’en reconnaître les principaux élus. Faire ainsi la démonstration que son gouvernement respecte la « démocratie » et le droit des peuples à décider de leur destin. 

 

Je suis porté à penser que pour certains, ce fut un véritable virement, et pour d’autres, il s’agit plutôt d’une remise à plus tard. J’espère me tromper sur ce dernier point.

 

Oscar Fortin

Le 20 août 2020


https://humanisme.blogspot.com/2019/11/loea-et-le-coup-detat-en-bolivie.html

 

https://humanisme.blogspot.com/2010/01/evo-morales-le-pouvoir-dun-peuple.html

 

https://humanisme.blogspot.com/2010/01/evo-morales-le-pouvoir-dun-peuple.html

 

vendredi 16 octobre 2020

EN AMÉRIQUE LATINE

SANS LE SOUTIEN DU VATICAN AUCUN COUP D'ÉTAT NE SERAIT POSSIBLE

 


 

Il est important de noter que l'État du Vatican a des évêques, des cardinaux, des prêtres et des religieux dans tous les coins de l'Amérique latine et des Caraïbes. Cette présence lui ouvre la porte pour promouvoir ses enseignements et donner de la créativité aux communautés à travers les pratiques des sacrements. Leur présence leur donne beaucoup de crédibilité, ce qui en fait une force de première ligne auprès de leurs peuples.

 

Les États-Unis, empire des Amériques, sont bien conscients de l'importance de l'Église catholique en tant que puissance qui a su s'imposer par la religion et la foi sur les peuples et leurs dirigeants. Tout cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de vrais missionnaires qui ont fusionné avec leurs peuples, vivant et partageant avec eux la routine quotidienne de la vie.

 

Dans les années 60 et 70, les missionnaires se sont rapprochés des humbles pour mieux partager et mieux comprendre les racines de la pauvreté qui les accompagnent de génération en génération. Cette approche a ouvert les portes à une lecture des Évangiles et du message de Jésus qui a donné une manière différente de comprendre et de vivre la religion et la foi. Bien sûr, le Concile Vatican II a eu à voir avec tout ce mouvement d'une Église centrée sur les expériences de ses peuples. La proximité, avec les humbles de la terre. a été une université extraordinaire pour découvrir le vrai sens de la mission de Jésus au milieu de nous et pour mieux comprendre ses engagements envers les humbles de la terre.

 

C'étaient les années dites de «théologie de libération». Un vrai défi pour ceux qui se croyaient propriétaires du monde par, soi-disant, la volonté de Dieu. Ils n'ont pas perdu de temps à dénoncer cette «théologie de libération» qui n'était pour eux que du pur communisme et du marxisme des pires moments de l'ex-URSS. Toutes les formes d'intervention des peuples pour récupérer leur démocratie, leurs biens et leurs richesses, leur droit de participer aux pouvoirs de l'État, n'étaient rien d'autre, pour ces maîtres du monde, que du marxisme et du communisme.

 

Washington et le Vatican se sont réunis pour mettre fin à cette «théologie de  libération», appelant ses auteurs à abandonner cette idéologie, alimentée par le marxisme et le communisme. Le papeJean-Paul II, en décembre 1982, à la bibliothèque du Vatican, a signé un pacte avec Donald Reagan, président des États-Unis, pour coopérer à la lutte contre tout ce qui s’apparentait au communisme et au marxisme. Bien sûr, la «théologie de libération» a été condamnée et les récalcitrants mis en pénitence.

 

Dans un tel contexte, il n'est pas surprenant que les personnes choisies pour être cardinaux et évêques aient été choisies en fonction, entre autres, de leur adhérence au format néolibéral. On connaît le parcours du Pape Jean-Paul II en Amérique latine, ses bonnes relations avec Pinochet et ses mauvaises relations avec Ortega. Le pape Benoît XVI a suivi la même voie concernant la nomination des représentants de l'Église en Amérique latine. Quant au pape François, il a dit beaucoup de bonnes choses, mais reste, en fait, en suspens sur Washington. Il ne faut pas oublier qu’il a signé, lui aussi, un pacte avec Obama dont le lien antérieur rend compte. 

 

Nous avons l'exemple du rôle du Vatican et de ses évêques en Bolivie qui ont fait campagne contre Evo Morales lors des élections du 19 septembre 2019. Les votes ont donné Evo Morales comme vainqueur au premier tour. Avec l'intervention de l'OEA et de l'armée bolivienne, fidèle à Washington, le coup d'État s'est déroulé sans susciter de commentaires négatifs de la part du Vatican et des évêques boliviens. 

 

Au Venezuela, quelque chose de semblable se produit, sauf que cette fois,  l’armée demeure fidèle à son peuple.  Par contre, l'épiscopat et le Vatican se rangent du côté des prérogatives de Washington, de façon toute particulière en reconnaissent pas Nicolas Maduro comme président élu du Venezuela. Ils préfèrent soutenir un certain Juan Guaido, nommé par Trump comme président par intérim. Il est important de mentionner que les Nations Unies et plus des 2/3 des membres de l'Assemblée générale reconnaissent Nicolas Maduro comme étant le président légitime du Venezuela. Sur cette question, le Vatican et l’épiscopat vénézuélien s’alignent sur le groupe de Lima.

 

Dans sa toute dernière encyclique, Fratelli tutti (Fraternité universelle), le pape François dénonce la loi du marché et le capitalisme sauvage en des termes très forts. Par contre, avec les gouvernements émergents de l’A.L. qui s’attaquent à la mise en place d’une alternative à cette loi du marché et à ce capitalisme sauvage, comme c’est le cas de Cuba, de Bolivie avec Evo Morales, du Venezuela, avec Chavez y Nicolas Maduro, de l’Équateur avec Rafael Correa, du Nicaragua avec Daniel Ortega, du Brésil avec Lula y Dilma Rousseff et d’Argentine avec Cristina Fernandez et son conjoint… le pape François parle plutôt de « populisme » et de « nationalisme ».  Pas un mot sur le socialisme du XXIe s. qui se définit comme humaniste, chrétien, socialiste et anti-impérialiste. C’est tout de même curieux.

 

Si dans ses écrits il nous donne l’image d’une personne ouverte à ces alternatives au capitalisme sauvage, dans les faits il se positionne de manière à ne pas indisposer Washington. Il se garde bien de dénoncer avec force l’interventionnisme criminel et illégal de l’empire dans les affaires internes d’autres États et d’y imposer sa loi. Lors de sa dernière intervention à la Tribune des N.U., au début d’octobre dernier, l’occasion lui était donnée pour dénoncer cet interventionnisme et les sanctions qui l’accompagnent. Sur l’interventionnisme et le respect de la charte des N.U. que chaque pays se doit de respecter, pas un mot. Sur les sanctions que le Secrétaire général des N.U. a condamnées et demandé d’y mettre fin, le pape François a plutôt demandé que ces sanctions n’atteignent pas trop le besoin des peuples. 

 

La fraternité universelle se vit dans la famille, dans son milieu de vie et de travail, dans le respect des uns et des autres sans la présence de forces opprimantes et de forces opprimées. À ne pas montrer du doigt ces oppresseurs et ceux qui en sont les opprimés, c’est en être complice.

 

Oscar Fortin

16 octobre 2020

 

Note : dimanche 18 octobre sera jour d’élections en Bolivie….Déjà certains pays refusent aux citoyens boliviens en exil d’aller voter à l’Ambassade et consulat de Bolivie.  Une histoire à suivre…

 

vendredi 2 octobre 2020

LE PAPE FRANÇOIS SERAIT-IL ANTI-IMPÉRIALISTE ET SOCIALISTE?



  

En septembre 2015, une année et demie après son élection à la Papauté, le pape François se présente à la Tribune des Nations Unies pour y livrer un premier message, relié, avant tout, à la protection de l’environnement et des droits fondamentaux des personnes et des peuples.

 

Dans son intervention, il a eu ces paroles concernant les Nations Unies :

 

« L’expérience de ces 70 années, au-delà de tous les acquis, montre que la réforme et l’adaptation aux temps sont toujours nécessaires, progressant vers l’objectif ultime d’accorder à tous les peuples, sans exception, une participation et une incidence réelle et équitable dans les décisions », a toutefois déclaré le chef de l’Église catholique, se référant à la nécessité de réformer l’Organisation pour en rendre le fonctionnement plus équitable.

C’est dans ce contexte, qu’il a rappelé « que la limitation du pouvoir est une idée implicite du concept de droit, soulignant qu’aucun individu ou groupe humain ne peut se considérer tout-puissant. » Il s’agit là d’un message clair qui affirme qu’aucune personne ou institution (gouvernements ou autres) ne peut se considérer au-dessus des lois. En langage clair, ceci s’applique à toute forme d’impérialisme qui se situe au-dessus des lois et qui s’impose aux personnes et aux peuples comme s’il en était le maître.

Ces propos, tenus en septembre 2015, n’ont guère ressortis dans les médias et dans les débats politiques de l’époque. Pas plus qu’ils ne ressortent aujourd’hui. À l’époque, l’environnement demeurait le thème central.  Aujourd’hui, avec la pandémie du Covid-19, tout est centré sur ce virus, sans oublier l’environnement qui y occupe encore beaucoup de place.

Message septembre 2020

La participation du Pape à la célébration des 75 ans des Nations Unies s’est réalisée par l’envoi d’un message vidéo au Secrétaire général. 

« Thème de prédilection du Saint-Père: la culture du déchet. À son origine, il y voit «un grand manque de respect pour la dignité humaine, une promotion idéologique avec des visions réductionnistes de la personne, une négation de l’universalité de ses droits fondamentaux et un désir de pouvoir et de contrôle absolus qui domine la société moderne d’aujourd’hui. Appelons-le par son nom: c’est aussi un attentat contre l’humanité».

 

« Pour le Pape, le multilatéralisme est une nécessité absolue. Mais cinq ans après sa visite au Palais de Verre, il constate que les relations internationales sont davantage régies par les déclarations purement nominatives et moins par des actes concrets, principalement en matière environnementale. Il s’inquiète ainsi de la «dangereuse situation de l’Amazonie et de ses peuples indigènes»«Cela nous rappelle que la crise environnementale est indissociablement liée à une crise sociale et que le soin de l’environnement exige une approche intégrale pour combattre la pauvreté et combattre l’exclusion».

 

« Dans ce contexte le monde a besoin d’une ONU qui soit un «atelier» pour la paix plus efficace. François appelle les États membres permanents en particulier à agir avec «unité» et «détermination». Il salue ainsi l’adoption par le Conseil de Sécurité d’un cessez-le-feu global durant la pandémie, maisregrette toutefois que les sanctions contre certains États les empêchent toujoursde soutenir correctement leur population. »

 

Commentaire

Il n’y a pas de doute que son enthousiasme, à son arrivée au Vatican, le 13 mars 2013, fut orienté vers les problèmes politiques et économiques dont sont victimes de nombreux peuples, particulièrement en Amérique latine, en Afrique et au Moyen-Orient. Dans son Exhortation apostolique Evangelii gaudium, rédigée dans ses premiers mois de son Pontificat,  son langage est clair et les réalités sont identifiées pour ce qu’elles sont, par leurs noms. Sa manière de parler du capitalisme libéral en a fait, pour plusieurs, un pape socialiste. Je vous réfère au débat présenté par l’hebdo « La Vie » à savoir « Le pape François un socialiste? ».

Il est évident que son message a été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par les gouvernements émergents de l’Amérique latine de cette époque, tels la Bolivie, le Venezuela, l’Équateur, le Nicaragua et Cuba. Il a également fait grincer des dents de nombreux pays, profondément enracinés dans le capitalisme néolibéral.  Il faut croire que les centres d’influence au sein du Vatican n’étaient pas encore parvenus à l’encadrer. Un pape qui affirme qu’aucune personne, qu’aucune institution, qu’aucun gouvernement ne peut se placer au-dessus des lois, ce qui ressemble beaucoup à ce nous considérons comme impérialisme, n’a pas de quoi plaire à l’oncle Sam dont les caractéristiques correspondent à celles d’un Empire. En 2014, un pacte de coopération entre le Vatican et Washington aurait été signé entre Obama et le pape François visant une collaboration plus étroite pour empêcher le communisme et le socialisme de s'implanter en Amérique latine.

 

Dans sa seconde intervention qui a suivi celle de 2015, le pape a un message qui ne reprend aucunement  ce qu’il avait dit sur la question du droit des personnes, des institutions et des gouvernements. Il se garde de parler des ingérences de certaines puissances dans les affaires internes d’autres pays, comme c’est le cas de l’interventionnisme de l’oncle Sam en Bolivie, au Venezuela, en Colombie, à Cuba, etc. Il ne condamne pas le ou les pays qui s’associent pour rendre la vie plus difficile à certains autres pays qui se battent pour leur souveraineté et indépendance et leur droit de décider de leur constitution et du régime politique qui répond au mieux à leurs intérêts. Une occasion perdue pour rappeler, à tous les pays, le respect du droit international tel qu’affirmé dans la Charte des Nations Unies. Sur les politiques de sanctions qui affectent profondément les peuples et les gouvernements, il n’a que ces paroles : « je regrette toutefois que les sanctions contre certains États les empêchent toujours de soutenir correctement leur population. »  

LE MOT INTERVENTIONNISME N’APPARAÎT À AUCUN MOMENT DE SON MESSAGE TOUT COMME LA  RÉFÉRENCE À LA CHARTE DES NATIONS UNIES QUE TOUS SE DOIVENT DE RESPECTER.

 

LA BOLIVIE, L’ÉQUATEUR ET PARTICULIÈREMENT LE VENEZUELA SONT VICTIMES DE CET INTERVENTIONNISME DONT LE PAPE S’EST GARDÉ DE PARLER. 


On peut toujours se demander pourquoi.

 D'anti-impérialiste et de socialiste (pris dans un sens humaniste et non idéologique) qu'il eut pu être,  on en a fait un bon pape, sensible aux intérêts de Washington et plutôt critique de ceux qui lui résistent. C'est, entre autre,  le cas du président Nicolas Maduro que le Vatican et l'épiscopat vénézuélien ne reconnaissent pas comme président légitime du Venezuela, en dépit du fait que les N.U. et les 2/3 des États du monde le reconnaissent.

Il faut croire que les forces d'influence de Washington, au sein du Vatican, sont parvenus à encadrer ce Pape de manière à en faire un ami plutôt qu'un ennemi. 

Oscar Fortin

2 octobre 2020