jeudi 14 juillet 2005

LE CARDINAL OUELLET CHEZ LES SÉNATEURS

On ne peut reprocher au Cardinal de manquer d’initiatives dans son opposition à la loi reconnaissant l’égalité des personnes dans leur droit de se marier en toute légalité, indépendamment de leur sexe. Dès le début de ce débat, l’Institution ecclésiale s’est mobilisée, les troupes se sont mises en marches et diverses initiatives ont été lancées. Des lettres ont été expédiées aux députés et ministres, pendant que divers lobbys s’activaient auprès des décideurs. Les déclarations de certains membres de l’Épiscopat et de façon particulière celles du Cardinal ont reçu une ample couverture. Une mobilisation rarement vue. Même l’opposition à la guerre en Irak n’avait pas donné lieu à une telle mobilisation.

J’ai eu l’occasion de réagir à certaines de ces déclarations. La plus importante faisait suite à la lettre du Cardinal que les principaux journaux du pays publiaient en février dernier. Dans son intervention l’Archevêque de Québec y développait des arguments de doctrine tout en attirant l’attention sur les effets dévastateurs d’une telle loi sur la famille et la société dans son ensemble. Dans mon intervention, Questions à l’Archevêque de Québec, restée sans réponse, je reprenais les arguments de doctrine à la lumière de Vatican II et je dédramatisais les effets dévastateurs d’une modification de la loi sur le mariage. http://humanisme.over-blog.com/article-139169.html . Je privilégiais l’approche pastorale.

Depuis ce temps, les Parlementaires ont voté la loi que le Sénat a maintenant la responsabilité de formaliser. Ne se donnant pas pour vaincu, le Cardinal s’est rendu tout récemment à Ottawa pour présenter un Mémoire aux Sénateurs, les invitant à ne pas donner suite à cette loi. À en croire les communiqués de presse, l’argumentaire du Cardinal Ouellet et de ceux qui l’accompagnaient portait, cette fois, sur la menace que constituerait cette loi à la liberté de religion. En d’autres mots la reconnaissance du mariage de personnes de même sexe menacerait la liberté de religion. « Les prêtres n’osent plus parler clairement pour ne pas se faire accuser d’homophobie… même de la chair on se sent menacer. » C’est là un bien drôle de raisonnement de la part de Pasteurs qui ont hérité de Jésus de Nazareth la liberté qui vient non pas des hommes mais de Dieu. Serait-ce que cette liberté qu’apporte la foi, ce don de Dieu à l’origine de tant de martyrs qui sillonnent l’histoire de l’Église, serait elle-même menacée par la reconnaissance du droit des personnes de même sexe de se marier et de vivre leur amour au même titre que toutes les autres personnes ? C’est là un argument qui a de quoi laisser songeur.

Si certains prêtres n’osent plus parler clairement est-ce par manque de courage pour affronter les épithètes de tout genre ou est-ce parce que le discours de l’Église sur la sexualité ne les convainc plus beaucoup et demande à être repensé ? Le « n’ayez pas peur » de Jean-Paul II ou « le courage de dire ce que l’on pense » auquel se réfère l’Archevêque ne s’adresse pas seulement à ceux et celles qui pensent comme eux, mais aussi à ceux et celles qui pensent différemment. Pour ma part, je fais miens ces mots d’ordre qui me permettent justement de réagir, au nom de la foi, comme je le fais présentement.

Tout ce débat ne met-il pas en évidence la nécessité pour les autorités ecclésiales de revoir la sexualité sous un angle nouveau et pour les églises de revoir leurs relations avec ce monde en profonde mutation. Le Père qui peut de ces pierres faire des fils à Abraham saura naviguer dans ces eaux troubles avec beaucoup de calme et un grand amour pour tous. Il trouvera sûrement le moyen d’apporter à tous le salut promis.

Avec tout le respect que la fonction de mon Archevêque m’inspire, mais aussi avec toute la liberté que ma foi me donne, je m’inscris en faux contre une conception de la liberté de religion qui ne saurait assumer pleinement le respect du droit des autres. Jésus de Nazareth a passé plus de temps à nous dépouiller de nos hypocrisies, à nous rendre plus près de notre prochain, à être plus indulgents les uns à l’endroit des autres, à travailler solidairement pour un monde à la recherche de justice et de paix qu’à nous parler de morale sexuelle. Les quelques fois où il en a parlé c’était le plus souvent pour répondre à des questions pièges que les pharisiens lui posaient.

Oscar Fortin

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