mercredi 14 décembre 2005

BUSH, LA DÉMOCRATIE ET LE CANADA

Depuis un certain temps le CANADA goûte de façon plus particulière à la médecine d’une Administration étasunienne qui, tout en prêchant le droit des peuples à décider par eux-mêmes de leurs gouvernements, de leurs politiques et de leur avenir, (ce qui est l’essence même de la démocratie) se met à crier au scandale et à la persécution chaque fois que ce droit s’exerce à l’encontre de leurs attentes. Pourtant, on ne peut taxer les canadiens d’être anti-étasuniens et de confondre tous ces derniers avec certaines formes de penser et d’agir de l’actuelle Administration. Nos critiques demeurent encore bien timides au côté de celles formulées par un nombre toujours plus croissant d’étasuniens qui s’en prennent à cette Administration. Il ne s’agit donc pas d’un « anti-américanisme » dont on aimerait taxer ceux et celles qui s’opposent à certaines politiques internationales de cette dernière.

Je pense que M. Martin, en donnant la réplique qu’il a donnée aux propos de l’ambassadeur des Etats-Unis, ne fait que représenter, comme il se doit, la volonté majoritaire des canadiens. Si cela n’est pas de la démocratie, il faudra qu’on vienne nous l’expliquer. Toutefois, nous ne pouvons que regretter que les gestes du gouvernement dirigé par M. Martin n’aient pas confirmé le sérieux de notre attachement à l’indépendance et à la souveraineté. Qu’a fait le Canada, le mois dernier, à la rencontre des chefs d’État des Amériques, à Mar de Plata, en Argentine ? Nous avons vu un Paul Martin et un Pierre Pettigrew, assis au côté de la Délégation étasunienne, chantant d’un même chœur le credo téléguidé par Washington. C’était lamentable à voir. Comme canadien, je ne m’y reconnaissais pas. J’ai pu suivre en partie ces débats par Télé Sur, nouvelle chaîne de télévision créée par le Venezuela et d’autres pays de la région du sud. Le raisonnement, des pays comme le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Venezuela était pourtant relativement simple et facile à comprendre pour le Canada : les accords entre pays de puissances asymétriques, ne peuvent que conduire à ce que les plus puissants bouffent les plus faibles. Les pays de l’Amérique du Sud, avec en tête le Président du Venezuela, ont défendu la thèse qu’il était plus important pour eux de se renforcer d’abord par un regroupement régional de manière à pouvoir par la suite négocier des ententes avec d’autres puissances. De quoi convaincre les plus sceptiques. Rien à y faire.

Pourtant, le Canada, avec le cas du bois d’œuvre et le refus de l’Administration Bush de se conformer aux décisions des divers tribunaux d’arbitrage, venait de proférer des menaces contre les Etats-Unis à l’effet de vendre son bois en Chine et d’exporter son pétrole vers d’autres pays. L’occasion eût été pertinente pour relever ce type de problème. Évidemment, il n’en fût rien. Une telle attitude lui aurait gagné l’estime et le respect des pays qui ont eu le courage et l’indépendance de se positionner selon les intérêts de leurs pays. Ç’eût été une attitude qui aurait sûrement inspiré à M. Chavez des propos autres que ceux qu’il a eu à l’endroit de M. Pettigrew qui a voulu jouer, un instant, au Chef d’État, en les exhortant à se ranger du côté de la proposition soutenue par Georges W. Bush. Le Canada avait choisi la servilité plutôt que l’indépendance qui lui aurait permis de s’associer à ceux qui ont mis en évidence l’importance pour tous les partenaires de pouvoir compter sur une force capable de faire fléchir les plus gourmands.

Ce qu’il faut tout de même mettre au crédit de monsieur Martin c’est qu’il est capable de certaines prises de positions en sol canadien. Je doute toutefois, qu’il puisse en être ainsi de M. Harper qui laisse déjà l’impression d’être prêt à se livrer, pieds et poings liés, au grand frère qui l’aimera suffisamment pour le bouffer complètement. Je ne pense pas que les Canadiens soient à ce point prêts à être annexés aux Etats-Unis et à ne plus avoir de personnalité étatique.

Les débats des chefs de partis politiques devraient aborder le sujet de la politique extérieure du Canada et donner lieu à des éclaircissements sur ces questions, souvent laissées de côté lors des campagnes électorales. Ce sont là des questions aussi importantes que la guerre, l’armement, l’environnement, le droit international, qui, dans bien des cas, sont passées sous silence et dont les conséquences vont bien au-delà des promesses électorales traditionnelles.

Je souhaite donc poser une question, à deux volets, à M. Harper, relative à l’engagement militaire du Canada :


NOUS AVONS VÉCU LE DÉCLENCHEMENT DE LA GUERRE EN IRAK ET NOUS NOUS SOUVENONS TOUS DES PRESSIONS EXERCÉES PAR LES ÉTATS-UNIS POUR QUE LE CANADA S’Y ENGAGE. DIVERS FACTEURS, CERTAINS CIRCONSTANCIELS ET D’AUTRES DE PRINCIPE, ONT FAIT EN SORTE QUE LA DÉCISION CANADIENNE, EN DÉPIT DES PRESSIONS EXERCÉES, A ÉTÉ DE NE PAS S’Y ENGAGER.

ADVENANT UNE SITUATION SEMBLABLE, QUELS SERAIENT LES CRITÈRES QUI GUIDERAIENT UN GOUVERNEMENT CONSERVATEUR DANS SA PRISE DE DÉCISION ? PLUS PRÉCISÉMENT, QUELLE PLACE Y OCCUPERAIT LA VOLONTÉ DES CANADIENS ? QUELLE IMPORTANCE ACCORDERIEZ-VOUS AU DROIT INTERNATIONAL TEL QU’EXPRIMÉ ET GÉRÉ PAR LES NATIONS UNIES ? QUELS MOYENS SERAIENT PRIS POUR RÉSISTER, LE CAS ÉCHÉANT, AUX PRESSIONS EXERCÉES PAR LES BELLIGÉRANTS?

LE SECOND VOLET DE LA MÊME QUESTION EST DIRECTEMENT RATTACHÉ AU PROJET DE BOUCLIER ANTI-MISSILES. DÉJÀ LE GOUVERNEMENT CANADIEN A PRIS LA DÉCISION, ET CELA TOUT À FAIT EN ACCORD AVEC LA VOLONTÉ DES CANADIENS, DE NE PAS S’ENGAGER DANS UN TEL PROJET.

UN GOUVERNEMENT CONSERVATEUR MAINTIENDRA-T-IL CETTE DÉCISION OU, À DÉFAUT, COMMENT JUSTIFIERA-T-IL LE CARACTÈRE ANTI-DÉMOCRATIQUE D’UN TEL REVIREMENT ? EN D’AUTRES MOTS , POUR UN GOUVERNEMENT CONSERVATEUR, LA VOLONTÉ DES CANADIENS PASSE-T-ELLE, EN TOUT TEMPS, AVANT CELLE DE NOTRE VOISIN DU SUD?


Oscar Fortin

14-12-05

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