(lettre ouverte à Condoleezza Rice)
La secrétaire d’État états-unienne Condoleezza Rice à la convention annuelle des Baptistes du Sud
14 juin 2006, Greensboro
Madame,
Lors de la convention annuelle des Baptistes du Sud, le 14 juin dernier, vous avez pris la parole à titre officielle pour expliquer l’engagement de votre Président et de son Administration dans les destinées du monde.
« Le président Bush et moi-même partageons votre conviction que l’Amérique peut et doit être une force du Bien dans le monde. Le Président et moi croyons que les États-Unis doivent rester engagés comme leader d’événements hors de nos frontières. Nous croyons cela parce que nous sommes guidés par le même principe persistant qui donna naissance à notre propre nation : la dignité humaine n’est pas un don du gouvernement à ses citoyens, ni un don des hommes les uns aux autres ; c’est une grâce divine à toute l’humanité. »
D’abord, vous n’êtes pas sans savoir que sont nombreux les dirigeants dans le monde qui se voient comme une force du Bien. Tout récemment encore votre Président recevait une correspondance de son homologue Iranien, tout imprégné de la foi en un Dieu unique, celui-là même dont témoignent les patriarches et les prophètes qui sont à l’origine du Judaïsme, de l’Islamisme et du Christianisme. Son invitation à réfléchir sur les responsabilités qui incombent aux dirigeants qui proclament, dans l’exercice de leurs fonctions, leur foi en ce Dieu, n’a pas eu d’écho de votre part. Pourtant, lui aussi se voit comme une force du Bien. Nous pourrions en citer beaucoup d’autres qui, comme vous et comme le Président Iranien, se voient comme une force du Bien. C’est dire que la notion du Bien est relative et que seuls les gestes qui en résultent peuvent en départager le sens. À chacun de nous de voir les fruits de vie que génèrent nos actions et celles des autres. Ne pensez-vous pas qu’un sérieux examen de conscience s’impose à votre Administration ?
En second lieu, le motif que vous invoquez pour justifier l’engagement des Etats-Unis hors de ses frontières va plutôt, selon la compréhension que j’en ai, dans le sens contraire de la conclusion que vous en tirez. En effet, si la dignité humaine est une grâce divine à toute l’humanité et qu’elle ne résulte pas de l’action de quelque gouvernement que ce soit, pourquoi alors le gouvernement des Etats-Unis « doit-il rester engagé comme leader d’évènements hors de ses frontières ? » À moins évidemment que vous perceviez votre pays, à l’exemple des Églises, comme porteur et dispensateur de cette grâce divine. Vous ne seriez pas le premier pays ni le premier gouvernement à se croire investis d’une telle mission. .L’histoire de ces envoyés de Dieu, de ces illuminés, comptant plus sur la force de leurs armes que sur l’action discrète et désintéressée d’un serviteur d’humanité, n’aura retenue à ce jour que les désastres laissés sur leur passage. Peu nombreux sont ceux qui ont suivi la consigne de l’Évangile « Vas, vends tous tes biens, donnes en le profit aux pauvres puis viens et suis-moi.» Vous conviendrez avec moi que ce n’est pas tout à fait l’image que donne votre Administration et encore moins celle qui se reflète dans la politique extérieure de votre pays.
Vous poursuivez votre exposé en faisant l’éloge de la liberté dont sont bénis les citoyens étasuniens. Vous en faites un idéal pour tous les peuples au service desquels vous oeuvrez de façon tout à fait désintéressée:
« Nous nous dressons pour des idéaux qui sont plus grands que nous-mêmes et nous parcourons le monde non pour piller, mais pour protéger ; non pour asservir, mais pour libérer ; non comme les maîtres des autres, mais comme les serviteurs de la liberté. »
Ces propos qui s’inspirent de l’esprit missionnaire le plus pur ne manquent pas de grandeur d’âme et rejoignent sans équivoque les grands idéaux d’inspiration chrétienne surtout si nous y ajoutons l’idéal de la justice, si présent dans les Évangiles, mais peu dans votre intervention. Il ne fait aucun doute qu’une telle approche ne peut que générer accueil et collaboration de la grande majorité des responsables et représentants politiques du monde. S’il y a animosité ça ne peut pas venir de cet esprit de coopération et de service désintéressé auquel vous vous référez. Si tels sont vos convictions, pourquoi alors autant d’armes ? Pourquoi tous ces services de renseignement et toutes ces actions clandestines visant à déstabiliser des gouvernements en place et signataires de la charte des Nations Unies ? N’est-ce pas là une approche contre productive par rapport au respect de la dignité humaine et de la liberté des personnes et des peuples ? Servir ainsi la liberté avec les armes ne devient-il pas dans ce contexte une contradiction. ?
Je ne vous apprendrai pas que la politique internationale des Etats-Unis repose sur sa compréhension de « sa sécurité nationale » et sur celle de ses « intérêts économiques et politiques ». Personne ne peut vous en faire le reproche. Le problème vient plutôt du fait que vous placez la sécurité et les intérêts de l’humanité toute entière à l’intérieur de la « sécurité nationale » et des « intérêts » de votre pays et non l’inverse. Ce qui est bon pour vous l’est pour tous les pays et ce qui est mauvais pour vous l’est pour tous les pays. Si encore vous vous préoccupiez pour que tous les pays aient autant de pouvoirs que vous en avez, autant d’indépendance et de souveraineté que vous en affirmez, autant de richesse et de bien-être que vous en consommez et autant de liberté que vous vous accordez, la perception de vos intérêts et de ceux du reste du monde pourrait devenir complètement différente. Mais, il ne semble pas que ce soit le cas. Ce que l’un prend en trop, l’autre l’a en moins. Dans ce jeu, le plus fort en arrive à considérer son « surplus » comme un droit et le plus faible son « manque » comme un destin. C’est le jeu du plus fort et du plus faible.
Par exemple, le blocus contre Cuba que votre Administration a durci et que plus de 97% des membres de l’Assemblée générales des Nations Unies ont condamné sans équivoque en novembre dernier n’a eu aucun effet sur votre politique que vous dites respectueuse des autres. N’en va-t-il pas de même avec le Venezuela de Chavez, pourtant démocratique et croyant, que votre Administration n’a de cesse de harceler de mille et une manières ? De nombreux exemples d’interventions et de pressions sont racontés dans des ouvrages qui reflètent tous sans ambiguïté la mentalité des administrations étasuniennes qui se considèrent, non pas, comme vous dites, le serviteur désintéressé et dévoué, mais le « maître» et le «leader » de la direction du monde au service de ses intérêts et de sa sécurité nationale. Les intérêts et la sécurité nationale des autres pays devront passer après.
Si les principes que vous énoncez sont une fenêtre ouverte sur l’humain et sur les solidarités qui peuvent en assurer le développement, les politiques que vous mettez en pratique vont tout à fait dans le sens contraire. Elles reposent sur le chantage, le mensonge, la manipulation des medias, la torture, l’irrespect du droit international. Que pensez-vous de ces contradictions au cœur de l’Administration Bush à laquelle vous participez ?
Je ne pense pas que Jésus-Christ ait beaucoup d’affinités avec vos politiques et votre manière de servir la justice, la paix, la vérité, la transparence et le respect. Les idéaux dont vous vous enveloppez n’arrivent vraiment pas à dissimuler ceux qui sont au cœur de vos actions.
Oscar Fortin,
22 juin 2006
http://alterinfo.net/index.php?action=article&id_article=396810
voir également une lettre « de Jésus-Christ à Georges W. Bush
http://humanisme.over-blog.com/article-139102.html
14 juin 2006, Greensboro
Madame,
Lors de la convention annuelle des Baptistes du Sud, le 14 juin dernier, vous avez pris la parole à titre officielle pour expliquer l’engagement de votre Président et de son Administration dans les destinées du monde.
« Le président Bush et moi-même partageons votre conviction que l’Amérique peut et doit être une force du Bien dans le monde. Le Président et moi croyons que les États-Unis doivent rester engagés comme leader d’événements hors de nos frontières. Nous croyons cela parce que nous sommes guidés par le même principe persistant qui donna naissance à notre propre nation : la dignité humaine n’est pas un don du gouvernement à ses citoyens, ni un don des hommes les uns aux autres ; c’est une grâce divine à toute l’humanité. »
D’abord, vous n’êtes pas sans savoir que sont nombreux les dirigeants dans le monde qui se voient comme une force du Bien. Tout récemment encore votre Président recevait une correspondance de son homologue Iranien, tout imprégné de la foi en un Dieu unique, celui-là même dont témoignent les patriarches et les prophètes qui sont à l’origine du Judaïsme, de l’Islamisme et du Christianisme. Son invitation à réfléchir sur les responsabilités qui incombent aux dirigeants qui proclament, dans l’exercice de leurs fonctions, leur foi en ce Dieu, n’a pas eu d’écho de votre part. Pourtant, lui aussi se voit comme une force du Bien. Nous pourrions en citer beaucoup d’autres qui, comme vous et comme le Président Iranien, se voient comme une force du Bien. C’est dire que la notion du Bien est relative et que seuls les gestes qui en résultent peuvent en départager le sens. À chacun de nous de voir les fruits de vie que génèrent nos actions et celles des autres. Ne pensez-vous pas qu’un sérieux examen de conscience s’impose à votre Administration ?
En second lieu, le motif que vous invoquez pour justifier l’engagement des Etats-Unis hors de ses frontières va plutôt, selon la compréhension que j’en ai, dans le sens contraire de la conclusion que vous en tirez. En effet, si la dignité humaine est une grâce divine à toute l’humanité et qu’elle ne résulte pas de l’action de quelque gouvernement que ce soit, pourquoi alors le gouvernement des Etats-Unis « doit-il rester engagé comme leader d’évènements hors de ses frontières ? » À moins évidemment que vous perceviez votre pays, à l’exemple des Églises, comme porteur et dispensateur de cette grâce divine. Vous ne seriez pas le premier pays ni le premier gouvernement à se croire investis d’une telle mission. .L’histoire de ces envoyés de Dieu, de ces illuminés, comptant plus sur la force de leurs armes que sur l’action discrète et désintéressée d’un serviteur d’humanité, n’aura retenue à ce jour que les désastres laissés sur leur passage. Peu nombreux sont ceux qui ont suivi la consigne de l’Évangile « Vas, vends tous tes biens, donnes en le profit aux pauvres puis viens et suis-moi.» Vous conviendrez avec moi que ce n’est pas tout à fait l’image que donne votre Administration et encore moins celle qui se reflète dans la politique extérieure de votre pays.
Vous poursuivez votre exposé en faisant l’éloge de la liberté dont sont bénis les citoyens étasuniens. Vous en faites un idéal pour tous les peuples au service desquels vous oeuvrez de façon tout à fait désintéressée:
« Nous nous dressons pour des idéaux qui sont plus grands que nous-mêmes et nous parcourons le monde non pour piller, mais pour protéger ; non pour asservir, mais pour libérer ; non comme les maîtres des autres, mais comme les serviteurs de la liberté. »
Ces propos qui s’inspirent de l’esprit missionnaire le plus pur ne manquent pas de grandeur d’âme et rejoignent sans équivoque les grands idéaux d’inspiration chrétienne surtout si nous y ajoutons l’idéal de la justice, si présent dans les Évangiles, mais peu dans votre intervention. Il ne fait aucun doute qu’une telle approche ne peut que générer accueil et collaboration de la grande majorité des responsables et représentants politiques du monde. S’il y a animosité ça ne peut pas venir de cet esprit de coopération et de service désintéressé auquel vous vous référez. Si tels sont vos convictions, pourquoi alors autant d’armes ? Pourquoi tous ces services de renseignement et toutes ces actions clandestines visant à déstabiliser des gouvernements en place et signataires de la charte des Nations Unies ? N’est-ce pas là une approche contre productive par rapport au respect de la dignité humaine et de la liberté des personnes et des peuples ? Servir ainsi la liberté avec les armes ne devient-il pas dans ce contexte une contradiction. ?
Je ne vous apprendrai pas que la politique internationale des Etats-Unis repose sur sa compréhension de « sa sécurité nationale » et sur celle de ses « intérêts économiques et politiques ». Personne ne peut vous en faire le reproche. Le problème vient plutôt du fait que vous placez la sécurité et les intérêts de l’humanité toute entière à l’intérieur de la « sécurité nationale » et des « intérêts » de votre pays et non l’inverse. Ce qui est bon pour vous l’est pour tous les pays et ce qui est mauvais pour vous l’est pour tous les pays. Si encore vous vous préoccupiez pour que tous les pays aient autant de pouvoirs que vous en avez, autant d’indépendance et de souveraineté que vous en affirmez, autant de richesse et de bien-être que vous en consommez et autant de liberté que vous vous accordez, la perception de vos intérêts et de ceux du reste du monde pourrait devenir complètement différente. Mais, il ne semble pas que ce soit le cas. Ce que l’un prend en trop, l’autre l’a en moins. Dans ce jeu, le plus fort en arrive à considérer son « surplus » comme un droit et le plus faible son « manque » comme un destin. C’est le jeu du plus fort et du plus faible.
Par exemple, le blocus contre Cuba que votre Administration a durci et que plus de 97% des membres de l’Assemblée générales des Nations Unies ont condamné sans équivoque en novembre dernier n’a eu aucun effet sur votre politique que vous dites respectueuse des autres. N’en va-t-il pas de même avec le Venezuela de Chavez, pourtant démocratique et croyant, que votre Administration n’a de cesse de harceler de mille et une manières ? De nombreux exemples d’interventions et de pressions sont racontés dans des ouvrages qui reflètent tous sans ambiguïté la mentalité des administrations étasuniennes qui se considèrent, non pas, comme vous dites, le serviteur désintéressé et dévoué, mais le « maître» et le «leader » de la direction du monde au service de ses intérêts et de sa sécurité nationale. Les intérêts et la sécurité nationale des autres pays devront passer après.
Si les principes que vous énoncez sont une fenêtre ouverte sur l’humain et sur les solidarités qui peuvent en assurer le développement, les politiques que vous mettez en pratique vont tout à fait dans le sens contraire. Elles reposent sur le chantage, le mensonge, la manipulation des medias, la torture, l’irrespect du droit international. Que pensez-vous de ces contradictions au cœur de l’Administration Bush à laquelle vous participez ?
Je ne pense pas que Jésus-Christ ait beaucoup d’affinités avec vos politiques et votre manière de servir la justice, la paix, la vérité, la transparence et le respect. Les idéaux dont vous vous enveloppez n’arrivent vraiment pas à dissimuler ceux qui sont au cœur de vos actions.
Oscar Fortin,
22 juin 2006
http://alterinfo.net/index.php?action=article&id_article=396810
voir également une lettre « de Jésus-Christ à Georges W. Bush
http://humanisme.over-blog.com/article-139102.html
Monsieur Fortin,
RépondreEffacerJ'adore cet article.
Personnellement, je pense que vous devriez tenter de le faire publier dans un journal ou une revue américaine, de telle sorte qu'il puisse atteindre un plus grand nombre de citoyens étatsuniens. Croyez-moi, ça en vaut la peine.
Bonne semaine!
André Tremblay.
En référence avec cet article
RépondreEffacerhttp://www.voltairenet.org/article141014.html