lundi 21 décembre 2009

LE VATICAN, L'ENVIRONNEMENT ET COPENHAGUE

L’OBSERVATORE ROMANO vient de rendre publique le message de Benoît XVI pour la 43 ième journée mondiale de la paix qui sera célébrée le 1ier janvier 2010. Le thème porte entièrement sur l’environnement : SI TU VEUX CONSTRUIRE LA PAIX, PROTÈGE LA CRÉATION. Il est évident que le Vatican peut s’exprimer comme il veut et quand il veut sur des questions comme celles qui touchent à l’environnement. Sa participation aux débats, comme celle de tous les autres, ne peut qu’enrichir les échanges et permettre des analyses toujours plus consistantes. Dans ce contexte, le Sommet de Copenhague, du 7 au 18 décembre, portant spécifiquement sur l’environnement, était tout indiqué pour y inscrire ce message et en débattre avec tous les intervenants présents. Les 192 pays, membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, y étaient représentés tout comme des centaines d’ONG. Une occasion unique pour diffuser pareil message. Dès le 8 décembre, ce document était prêt à être transmis au monde, Benoît XVI venait d’y mettre sa signature.

Pourtant, il n’en fut rien. Ce ne sera qu’une fois terminés les travaux du Sommet et le retour de chacun dans son milieu, que le document sera porté à la connaissance du public. N'est-ce pas un pu curieux?  Pourquoi ne pas en avoir fait la diffusion et la promotion lors du Sommet? Y aurait-il eu des pressions, exercées par certains pays, pour en  retarder la diffusion? Il est vrai que beaucoup des idées exprimées dans ce messge rejoignent celles exprimées par les représentants des pays émergents et des ONG qui ont été écartés, à toute fin pratique, de l'élaboration du document final. Qui pouvaient avoir intérêt à ce que ce document ne sorte pas tout de suite? À chacun d'y aller avec ses soupçons.

Je me permets de relever certaines affirmations et certains constats qui auraient été de nature à alimenter ces débats.

«… le développement humain intégral est étroitement lié aux devoirs qui découlent du rapport de l'homme avec l'environnement naturel (…) dont l'exploitation comporte une commune responsabilité à l'égard de l'humanité tout entière, en particulier envers les pauvres et les générations à venir. » (par.2)


"…par une exploitation inconsidérée de la nature, (l'homme) risque de la détruire et d'être, à son tour, la victime de cette dégradation" (…) non seulement l'environnement matériel devient une menace permanente: pollutions et déchets, nouvelles maladies, pouvoir destructeur absolu, mais c'est le cadre humain que l'homme ne maîtrise plus, créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être intolérable: problème social d'envergure qui regarde la famille humaine tout entière.» (par.3)


« L'être humain s'est laissé dominer par l'égoïsme, (…), il s'est comporté comme un exploiteur, voulant exercer sur elle une domination absolue. Toutefois, la véritable signification du commandement premier de Dieu, bien mis en évidence dans le Livre de la Genèse, ne consistait pas en une simple attribution d'autorité, mais plutôt en un appel à la responsabilité. » (par.6)


« Malheureusement, on doit constater qu'une multitude de personnes, dans divers pays et régions de la planète, connaissent des difficultés toujours plus grandes à cause de la négligence ou du refus de beaucoup de veiller de façon responsable sur l'environnement. Le Concile œcuménique Vatican II a rappelé que "Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples" (14). L'héritage de la création appartient donc à l'humanité tout entière. » (par.7)


« Quand on utilise des ressources naturelles, il faut se préoccuper de leur sauvegarde, en en prévoyant aussi les coûts - en termes environnementaux et sociaux -, qui sont à évaluer comme un aspect essentiel des coûts mêmes de l'activité économique. Il revient à la communauté internationale et aux gouvernements de chaque pays de donner de justes indications pour s'opposer de manière efficace aux modes d'exploitation de l'environnement qui lui sont nuisibles. » (par.7)


« Il est en effet important de reconnaître, parmi les causes de la crise écologique actuelle, la responsabilité historique des pays industrialisés. Les pays moins développés, et en particulier les pays émergents, ne sont pas toutefois exonérés de leur propre responsabilité par rapport à la création, parce que tous ont le devoir d'adopter graduellement des mesures et des politiques environnementales efficaces. Ceci pourrait se réaliser plus facilement s'il y avait des calculs moins intéressés dans l'assistance, dans la transmission des connaissances et l'utilisation de technologies plus respectueuses de l'environnement. » (par.8)


«La crise écologique offre donc une opportunité historique pour élaborer une réponse collective destinée à convertir le modèle de développement global selon une orientation plus respectueuse de la création et en faveur du développement humain intégral, s'inspirant des valeurs propres de la charité dans la vérité. Je souhaite donc l'adoption d'un modèle de développement basé sur le caractère central de l'être humain, sur la promotion et le partage du bien commun, sur la responsabilité, sur la conscience d'un changement nécessaire des styles de vie et sur la prudence, vertu qui indique les actes à accomplir aujourd'hui en prévision de ce qui peut arriver demain». (par.9)


« Il s'agit d'une dynamique incontournable, car "le développement intégral de l'homme ne peut aller sans le développement solidaire de l'humanité" (24). Nombreux sont aujourd'hui les possibilités scientifiques et les chemins d'innovation potentiels, grâce auxquels il serait possible de fournir des solutions satisfaisantes et harmonieuses à la relation de l'homme avec l'environnement. » (par.10)


« Il faut des politiques nationales ambitieuses, accompagnées par un engagement international qui apportera d'importants avantages surtout à moyen et long terme. Il est nécessaire, enfin, de sortir de la logique de la seule consommation pour promouvoir des formes de production agricole et industrielle respectueuses de l'ordre de la création et satisfaisantes pour les besoins essentiels de tous. La question écologique ne doit pas être affrontée seulement en raison des perspectives effrayantes que la dégradation environnementale dessine à l'horizon; c'est la recherche d'une authentique solidarité à l'échelle mondiale, inspirée par les valeurs de la charité, de la justice et du bien commun, qui doit surtout la motiver. » (par.10)


« Il apparaît toujours plus clairement que le thème de la dégradation environnementale met en cause les comportements de chacun de nous, les styles de vie et les modèles de consommation et de production actuellement dominants, souvent indéfendables du point de vue social, environnemental et même économique. » (par.11)


« S'occuper de l'environnement demande donc une vision large et globale du monde; un effort commun et responsable pour passer d'une logique centrée sur l'intérêt nationaliste égoïste à une vision qui embrasse toujours les besoins de tous les peuples. » (par.11)


« La dégradation de la nature est, en effet, étroitement liée à la culture qui façonne la communauté humaine, c'est pourquoi "quand l'écologie humaine" est respectée dans la société, l'écologie proprement dite en tire aussi avantage" (27).(par.12)

« Toute personne a donc le devoir de protéger l'environnement naturel pour construire un monde pacifique. C'est là un défi urgent à relever par un engagement commun renouvelé. C'est aussi une opportunité providentielle pour offrir aux nouvelles générations la perspective d'un avenir meilleur pour tous. Que les responsables des nations et tous ceux qui, à tous les niveaux, prennent à cœur les destinées de l'humanité en soient conscients: la sauvegarde de la création et la réalisation de la paix sont des réalités étroitement liées entre elles! » (par.14)

Depuis le 8 décembre ce document était disponible pour sa diffusion. Pourquoi avoir attendu au lendemain de la clôture du Sommet, pour le rendre publique? Qui pouvait donc avoir intérêt à ce qu’il ne sorte pas plus tôt? Chacun peut tirer ses propres conclusions.

Je ne vois pas que Chavez et Morales, pas plus que l'ensemble des pays de l'ALBA aient pu s’opposer à une pensée qui rejoint, pour l’essentiel, la leur. Ils en aurait même été, sur plusieurs points, des promoteurs.


Oscar Fortin

Québec, le 21 décembre 2009

http://humanisme.blospot.com

1 commentaire:

  1. Un autre monde est-il possible?
    L’Église est-elle prête à assumer sa vocation d’être une institution de contre-culture? Le monde attend d’elle un «leadership » de justice et d’humanité, (quand elle se dit experte en humanité : déclaration de Paul VI aux Nations Unies) pour défaire les nœuds d’exploitations, d’injustices et de pillages dans le monde. À cet égard, le Vatican et les autres Églises auraient, dans les défis éthiques et écologiques, une plus grande marge de manœuvre que bien des gouvernements contraints par des conjonctures économiques, des échéances économiques ou électorales à court terme.
    Si nous voulons vraiment apporter le changement dans le monde, nous devons nous rendre compte qu'il faut plus que des résolutions et des sermons éloquents sur la paix et la justice. Mais encore faut-il préciser concrètement en quoi les habitants de la planète doivent transformer leurs façons de vivre? Pourquoi l’État du Vatican ne parlerait-il pas de sauver les forêts du Brésil, de protéger les terres agricoles des biocarburants, de freiner les massacres d’éléphants en Afrique, de boycotter le trafic de diamants et de drogues par des multinationales, la surexploitation des ressources naturelles, des océans, etc.?
    Plus près de nous, pourquoi les Églises canadiennes ne demandent-elles pas de stopper la pollution et non la production pétrolière de l'Alberta, en demandant de dépolluer les rivières et les lacs environnants, pour ne pas priver les autres provinces de millions de dollars en péréquation? Il en va de même pour la Chine et les pays d’Afrique, on ne peut pas leur demander de cesser l’utilisation du charbon, sans détruire leurs économies locales? On peut les aider à diminuer leur dépendance.
    Comment expliquer le silence des Églises de l’Amérique Latine face aux grands changements géopolitiques de beaucoup de pays? Combien de dirigeants politiques, de nouvelle génération, attendent un appui et un support de ces Églises muettes? Les pays émergents sont en train de changer la face du monde (on l’a vu avec l’échec de Copenhague) et ils ont besoin de toutes les forces vives de leurs populations.

    Marius MORIN
    mariusmorin@sympatico.ca

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