Cette affirmation, à l’allure prétentieuse,
trouve son inspiration et son fondement dans cet extrait de la lettre de Paul
aux Éphésiens :
« Vous
êtes intégrés dans la construction dont les fondations sont les apôtres et les prophètes,
et la pierre d'angle Jésus-Christ lui-même. 21 C'est lui qui assure la solidité
de toute la construction et la fait s'élever pour former un temple saint
consacré au Seigneur. » (Ép. 2,20-21)
Ce que nous
dit Paul c’est que l’Église repose à la fois sur l’autorité hiérarchique que représentent
les apôtres et sur celle des prophètes. Si l’une de ces deux autorités
s’approprie l’ensemble des pouvoirs de l’Église, cette dernière ne saurait être
l’Église dont le Christ est la pierre d’angle.
LES PROPHÈTES
Dans l’histoire de l’Ancien Testament,
les prophètes jouent un rôle fondamental. Ils sont la parole libérée qui rappelle
aux grands-prêtres et aux rois, le sens
à donner à la Révélation divine. Ils dénoncent avec vigueur les fausses
interprétations qu’ils s’en donnent, souvent pour mieux justifier leurs méfaits
et se donner bonne conscience. Ce sont ces mêmes prophètes qui proclament que la
foi ne consiste pas en des pratiques cultuelles, mais en des engagements de vie
au service des pauvres et des plus délaissés.
« Cessez d'apporter de vaines
offrandes : j’ai en horreur l'encens, les nouvelles lunes, les sabbats et
les assemblées; je ne puis voir le crime s'associer aux solennités. Quand vous
étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux; quand vous multipliez les
prières, je n'écoute pas : vos mains sont pleines de sang. Apprenez à
faire le bien, recherchez la justice, protégez l'opprimé; faites droit à
l'orphelin, défendez la veuve. (Is.1, 13-17) »
« Ainsi parle l'Éternel : pratiquez la justice et l'équité;
délivrez l'opprimé des mains de l'oppresseur; ne maltraitez pas l'étranger,
l'orphelin et la veuve; n'usez pas de violence, et ne répandez point de sang
innocent dans ce lieu. » (Jér. 22 : 3)
« Quand arrivera le temps, je réaliserai avec mon peuple une autre
alliance. Je mettrai ma Loi en son intérieur, je l’écrirai dans leurs cœurs. Je
serai leur Dieu et il sera mon peuple. Ils n’auront plus à s’enseigner
mutuellement se disant les uns aux autres : connaissez Yahvé. Ils me
connaîtront déjà tous, du plus grand au plus petit. » (Jér. 31,31)
Dans
l’histoire du Nouveau Testament, Jésus, le Nazaréen, est
par excellence le prophète des prophètes. Il sait mieux que quiconque ce qu’est
la volonté du Père et il ne se gêne pas pour dénoncer tout ce qui va à son
encontre. Il chasse les vendeurs du temple, il pourfend le légalisme des
pharisiens et des docteurs de la loi, il exige que les plus grands se fassent
les plus petits et que les puissants se fassent les serviteurs. Il rappelle que
tous soient un dans l’Esprit d’un monde nouveau à construire dans la justice,
la vérité, la compassion, la solidarité, etc.
L’évangéliste Mathieu rapporte, au chapitre 23
de son Évangile, une sortie en règle de Jésus contre toute cette classe de
pharisiens et de docteurs de la loi qui mettent sur les épaules des autres des
fardeaux qu’ils ne peuvent eux-mêmes portés et qui aiment se balader sur les
places publiques avec leurs grandes robes pour mieux se faire voir. Il leur
dit, entre autres, ceci au sujet du Temple de Jérusalem et des prophètes:
« Comme
quelques-uns parlaient des belles pierres et des offrandes qui faisaient
l`ornement du temple, Jésus dit: les jours viendront où, de ce que vous voyez,
il ne restera pas pierre sur pierre. » (Lc. 21-5-6)
« Je
vous envoie des prophètes, des sages et des scribes. Vous tuerez et
crucifierez les uns, vous battrez de verges les autres dans vos synagogues,
et vous les persécuterez de ville en ville."
|
« Jérusalem, Jérusalem, qui
tue les prophètes et qui lapide ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je
voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses
ailes, et vous ne l`avez pas voulu. » Mt. 23,37
Aujourd’hui,
ce temple c’est le Vatican dont le sort ne saurait être différent de celui du
Temple de Jérusalem au temps de Jésus.
Tout au
long de l’histoire de l’Église, il y a eu de ces prophètes, de ces scribes qui
ont rappelé à temps et à contretemps l’essentiel du message évangélique et condamné
l’hypocrisie des autorités ecclésiales qui en devenaient un contresigne.
François d’Assise est un de ceux-là et c’est à ce dernier que le pape François se
rattache pour reconstruire l’Église que veut le Nazaréen.
LES
CHANGEMENTS DANS L’ÉGLISE : RÉFORME OU CONVERSION
Si nous laissons aux seuls représentants
hiérarchiques de l’Église, successeurs des apôtres, de décider des changements
qui s’imposent, nous en resterons à des changements cosmétiques, à des réformes
d’apparat, à des ajustements conjoncturels. Ils ne remettront pas en question
cette certitude qu’ils sont les seuls à disposer de la volonté de Dieu et à en assurer
l’interprétation. Les prophètes ne font pas partie du système. Ils n’ont pas
accès au chapitre où se décident les orientations de l’Église.
Il est donc important que le pape François
incorpore d’une façon ou d’une autre dans ses mécanismes de consultation et de
décision, ces prophètes, ces scribes et ces témoins des paradigmes du Royaume, inauguré
en Jésus. Ce Royaume ne peut, d’aucune manière, être représenté et encore moins
incarné par une Église-institution qui évacue ses prophètes et qui se donne
l’apparat des pouvoirs dominants de nos sociétés. Pour retrouver son âme, elle
doit se mettre à l’écoute de ses prophètes et se dépouiller de tout cet apparat
d’un monde hiérarchisé aux allures impériales. Le défi est énorme, mais il est le
seul à ouvrir la voie à une authentique conversion.
Nombreuses sont les voix prophétiques qui
réclament de l’Église-institution qu’elle se déleste de l’État du Vatican, de
la banque du Vatican, de ses nonciatures apostoliques, qu’elle transforme son
Droit canonique en des impératifs de justice, de vérité, de solidarité, de
compassion, de miséricorde. Ces voix prophétiques rappellent également que le
peuple des croyants dispose de l’Esprit saint tout autant que ceux qui s’en
réclament pour décider des dogmes et se prévaloir d’une autorité, plus souvent voulue
pour dominer et contrôler que pour servir.
Dans ce
contexte, la volonté du pape François de réformer en profondeur l’Église
institutionnelle trouvera toutes les conditions gagnantes pour autant qu’elle y
intègre cette parole libérée des scribes des prophètes auxquels se réfère Jésus dans son
discours aux pharisiens et aux docteurs de la loi. (Mt. 23)
Oscar Fortin
Québec, le 9
novembre 2013
en espagnol, un très bon article du théologien bibliste Xabier Pikaza
Bonjour monsieur Fortin,
RépondreEffacerje trouve vos articles sur la religion très interessant et j'aimerais prendre contact avec vous pour mon sujet d'un dossier exposé sur la banque du Vatican.
si vous voulez vous pourrez me recontacter à mon adresse mail:
nathan.theis@laposte.net
merci