Cette expression de « changement de
régime » nous est devenue familière depuis que Washington et ses alliés
ont entrepris de changer les régimes politiques et économiques ne répondant pas
à leurs attentes et intérêts. Au cours des quinze dernières années, ce fut,
entre autres, le cas de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Libye, de l’Ukraine. En
Syrie, la résistance, plus forte que prévu, tout comme en Amérique latine où
les pays émergents donnent du fil à retordre à leurs opposants qui voient en
eux la remise en question des privilèges et intérêt des oligarchies et de
l’Empire. C’est le cas du Venezuela, de la Bolivie, de l’Équateur qui font du
bien commun et de la démocratie participative la loi fondamentale de l’État. .
Dans tous les cas, il ne s’agit pas de changements cosmétiques, mais de
changements radicaux. C’est en ce sens radical qu’il faut parler d’un
changement de régime dans l’Église.
Si les États, provocateurs de ces changements de
régime, sont avant tout motivés par les intérêts politiques et économiques de
leurs oligarchies, il n’en est pas de même, quant aux motifs, pour le changement de régime qui
s’impose à l’institution ecclésiale avec sa doctrine, son droit canonique, ses
dicastères et ses hiérarchies de pouvoirs. Cette Église qui se projette dans le
monde à travers le Vatican, la papauté, ses nonces apostoliques, ses cardinaux
et évêques ne reflète en rien l’Église dont nous parle Jésus et que Paul de
Tarse reprend sous différents angles dans ses lettres aux Romains,
aux Corinthiens,
aux Éphésiens.
L’apôtre Paul nous parle de l’Église comme d’un
Corps au sein duquel tous les membres ont leur importance et répondent aux
directives de celui qui en est la Tête. Tous les croyants et toutes les croyantes
qui agissent dans l’esprit de ce Corps, qu’est l’Église, sont invités à agir
dans l’humilité, sans prétention de pouvoir et soucieux de servir au mieux la
volonté de Jésus à travers leurs frères humains.
« Ne vous
conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement
de l`intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce
qui est bon, agréable et parfait (… ) Ayez les mêmes sentiments les uns envers
les autres. N`aspirez pas à ce qui est élevé, mais laissez-vous attirer par ce
qui est humble. Ne soyez point sages à vos propres yeux. »
Rm 12,2 et 16
À la lumière de cette approche inscrite au cœur de l’Église,
pensée et voulue par Celui qui en est le maître, qu’en est-il de l’Église telle qu’elle se présente au monde
d’aujourd’hui? Il n’est pas question de juger ou de condamner qui que ce
soit, mais de regarder cette institution ecclésiale devenue davantage le
produit d’une histoire humaine que d’une histoire divine. N’y reconnaissons-nous
pas tous les traits d’un pouvoir temporel aux us et coutumes des grands et des
puissants de ce monde? Depuis la grande alliance impériale avec Constantin ne
s’est-elle pas livrée aux régimes des puissants de leurs hiérarchies
l’échelle des valeurs et de la domination du monde leur premier et grand objectif?
Le pape François est bien conscient de ce décalage
entre l’Église voulue et soutenue par Jésus et l’Église enracinée dans les
valeurs de pouvoir et de domination.
Dans son homélie
du 18 octobre à la
chapelle de Santa Martha, il y a eu certaines phrases que je me permets de vous
traduire de l’espagnol au français.
« Chacun
de nous, en tant que baptisé, participe au sacerdoce du Christ…
« Le
vrai pouvoir, il est dans le service. Jésus s’est fait le serviteur des
serviteurs…
«
Face à ceux qui recherchent toujours plus de pouvoir et de succès, les
disciples sont appelés à faire le contraire…
«
Jésus nous invite à changer de mentalité, de passer du désir du pouvoir à la
joie de passer inaperçu dans le service..
«
Celui qui sert les autres et vit sans rechercher les honneurs exerce la vraie
autorité dans l’Église…
Ces consignes fondamentales sont loin d’être reflétées dans
l’institution ecclésiale devenue un État et un lieu de pouvoir économique et
hiérarchique que se disputent évêques et cardinaux. Les titres honorifiques et
les soutanes aux couleurs diversifiées en marquent le prestige. Ce n’est pas
demain la veille où nous verrons ces messieurs, les cardinaux et évêques, se
dépouiller de tous ces privilèges pour, comme le suggère le pape, passer
inaperçu dans le service.
Ce changement ne sera possible que si le Peuple de
Dieu, cette Église qui vit hors des murs du Vatican et de cette institution de
pouvoir, élève la voix et exige de ses pasteurs de les rejoindre dans la grande
maison dont Jésus et son Esprit sont les hôtes. Pour y entrer, il faut se
présenter dans la tenue de l’humble serviteur qui, à l’exemple du maître, se
fait tout à tous et à toutes.
Il n’est pas superflu de rappeler ici que le
pouvoir de lier et de délier les fautes n’a pas été donné seulement à Pierre,
mais qu’il a également été donné au Peuple de Dieu.
À
Pierre, il dit : « je te donnerai les clefs du
royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux,
et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.
Mt.16,19
Aux
communautés de croyants, il dit tout autant : « Je vous le dis en
vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce
que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Mt
18,18
Le baptisé n’est pas seulement celui à qui on
enseigne, mais d’abord et avant tout un acteur important dans l’action
évangélisatrice de l’Église. Il participe aux dons et charismes de l’Esprit et,
à ce titre, il a pleine autorité pour agir dans le sens de ces dons.. L’Esprit
n’a pas besoin de passer par une hiérarchie ecclésiale pour distribuer ses
dons. Il le fait comme bon il l’entend. C’est lui qui donne la parole à ceux et
celles qui ont le don de prophétie pour qu’ils prophétisent en toute liberté. À
d’autres le don d’enseigner. Les dons sont multiples et permettent à toutes les
communautés d’y trouver toutes les ressources pour vivre pleinement le mystère
de l’Église et de sa sacramentalité.
Le temps d’un changement de régime dans l’Église
est donc arrivé. Les communautés chrétiennes et toutes les personnes de bonne
volonté doivent se lever pour assumer une participation pleine et entière dans
le devenir de cette Église créée pour servir et non pour être servie.
Quelques actions à mener à court terme
D’abord, l’opération dépouillement de tout le
superflu et de tout ce qui met en évidence cette hiérarchie de pouvoirs et
d’autorité. C’est le cas de tout ce décorum non nécessaire des vêtements qui
tirent leurs origines des Cours Royales. Il en va de même pour tous les titres
qui élèvent le personnage au-dessus des autres. C’est le cas de ces expressions
Excellenticime, Sa Sainteté, Éminence, mon Révérend, etc. Pourquoi ne pas
s’appeler tout simplement frères et sœurs en Jésus ressuscité? Ne sommes-nous
pas les enfants d’un même Père éternel?
Que l’usage de tous ces titres honorifiques en
référence à des pouvoirs hiérarchiques soient aboli. Qu’il suffise que nous
nous appelions frères et sœurs comme le fait si bien ce président de la
Bolivie, Evo Morales pour qui son peuple n’est composé que de frères et de
sœurs. N’en va-t-il pas de même pour l’Église?
En second lieu, transformer l’approche pastorale doctrinaire
en une approche de concertation et d’accompagnement avec la communauté. Que
cette dernière ait l’opportunité de dire son mot et qu’il soit pris en
considération, même si la doctrine opine, dans sa lettre, différemment.
Il en va de même lorsque vient le temps de choisir
des présidents d’assemblée et de célébration du MÉMORIAL que nous a laissé
Jésus. N’a-t-il pas dit que lorsque deux ou trois sont réunis en son nom, il
est au milieu d’eux? Rien n’empêche Jésus par la voix de la communauté de nous
faire vivre ces moments intenses de la dernière cène. Le sacerdoce du baptême
étroitement uni à celui de Jésus peut très bien se célébrer sur cette base
d’une communion intense avec Jésus présent au milieu d’eux. Il n’est pas
nécessaire de faire des études en théologie pour présider le Mémorial du
Seigneur en sa compagnie.
Il est évident que c’est toute la sacramentalité
dans sa symbolique qui doit être repensée en fonction des réalités
d’aujourd’hui. Lorsqu’il faut des discours pour faire comprendre la
signification d’un signe, d’un sacrement, c’est que le signe pose problème. Il
devrait signifier directement ce pour quoi il est là. À ce titre, ce rafraîchissement
de la sacramentalité devrait se faire en étroite communion avec le Peuple de
Dieu. Des suggestions originales pourraient en surgir.
Je conclus en disant que la communauté chrétienne a toute
l’autorité voulue pour expérimenter et vivre la sacramentalité à travers des
signes qui parlent par eux-mêmes et qui donnent un sens à ceux et celles qui y
participent. Nous pourrions prendre chacun des sacrements et voir comment la communauté des croyants pourrait leur donner un sens pour les temps que sont les nôtres.
À l’écoute de l’Esprit et avec un sens profond de
communion et de solidarité entre les communautés chrétiennes, les pasteurs et
les prophètes, les voies de l’avenir s’ouvriront et l’Église surgira dans toute
sa richesse humaine et spirituelle. Le Peuple de Dieu sera alors redevenu cette Église qui anticipe sur terre ce Royaume promis en Jésus par le Père.
Oscar Fortin
Lettre Saint-Paul aux Corinthiens chap 6 verset 9 :
RépondreEffacerNe savez-vous pas que les injustes ne posséderont point le royaume de Dieu? Ne vous y trompez point: ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes,
ni les voleurs, ni les avares, ni les ivrognes, ni les calomniateurs, ni les rapaces ne posséderont le royaume de Dieu.
Moi, ca me paraît être assez clair, non ?
Il y a Paul et il y a Jésus. Lorsque Jésus s'adresse aux docteurs de la loi dans Mt.23 il va à l'essentiel et l'essentiel c'est la justice, l'accueil des démunis et les personnes de bonne foi, sans hypocrisie. Il n'est pas venu pour les personnes qui se croient en santé, mais pour ceux qui se savent pécheurs. Il en va de même avec le Jugement dernier que nous relate l'apôtre Mathieu au chapitre 25. Jésus va à l'essentiel et précise les points sur lesquels nous serons jugés. Il est bien possible que Paul, au moment d'écrire ses lettres, n'ait pas encore lu l'Évangile de Mathieu. Dans un contexte comme celui-là je donne priorité aux paroles de Jésus qui nous sont rapportés dans les Évangiles tout en mettant en contexte les écrits de l'apôtre Paul. Tous les porteurs des maux dont Paul se fait le pourfendeur seront purifiés par la miséricorde de Dieu pour entrer dans le Royaume. En se sens, aucun de ces maux ne les accompagnera dans le Royaume.
RépondreEffacerAvec tout mon respect
Mdr! J'espère bien qu'ils iront en enfer tout ces pécheurs invétérés.
RépondreEffacerMa compréhension pour les pêcheurs se limite à :
« Va et ne pêche plus »
Ma paroisse officielle est, pour mon goût, extrêmement progressiste (communauté de l'Emmanuel). Je la regarde dépérir d'année en année avec une certaine délectation, il me faut bien l'avouer.
Pas bien loin de chez moi, il y en a une autre qui offre une forme extraordinaire (motu proprio Summorum Pontificum ; pas FSSPX ou autres). L'église est toujours pleine. C'est bien évidemment là que j'ai choisi de verser le denier du culte.
Curieux tout de même votre appel populiste contre la hiérarchie ecclésiale, ne serais ce pas un sédévacantisme d'un nouveau type ? Cela ne mène à rien.
Mais ne nous y trompons pas, ce ne sont là que des discussions byzantines au milieu des ruines, en France tout au moins.
Très cordialement