UNE RENCONTRE HISTORIQUE
Le 12 février 2016, sur l’Île de Cuba, la majeure des Antilles, les deux grands
représentants des Églises chrétiennes de l’Occident et de l’Orient, séparées
depuis plus de 962 ans, se rencontreront pour la première fois. Le pape
François et le patriarche Kirill en seront les principaux protagonistes. Le
premier, représente plus d’un milliard de catholiques et, le second, représente
environ 150 millions de chrétiens orthodoxes. Les deux se réclament du même
Évangile et proclament le même avènement
du règne de Dieu proclamé et réalisé en Jésus ressuscité et dont le retour est
imminent.
Le patriarche Kirill est né le 20 novembre 1946 à Leningrad, d'un père prêtre. Son grand-père Vassili, qui est
prêtre lui aussi, a été déporté au Goulag des îles Solovki par le régime communiste, pour activités religieuses
et terminera sa vie pourchassée en raison de sa défense de la foi chrétienne.
En 1965, il entreprend des études en théologie dont il deviendra titulaire dans
les années 1970. En 1976, il est consacré évêque. Ce fut une période où il
assuma diverses responsabilités. De 1989 à 2009, année de sa nomination comme
Patriarche, il fut représentant des relations extérieures du Patriarcat. Il est
également un des principaux auteurs de la doctrine sociale de l’Église
orthodoxe russe. Il animait également une émission télévisée hebdomadaire où il
répondait en direct aux questions des téléspectateurs.
« Jugé
parmi les « plus ouverts sur le monde extérieur »[réf. nécessaire]
au sein de la haute hiérarchie de l'Église orthodoxe russe, après la mort d'Alexis II, il a été nommé patriarche par intérim, chargé de
diriger l'Église orthodoxe de Russie jusqu'à l'élection du successeur. Le 27
janvier 2009, il est officiellement élu patriarche de Moscou et de toute la
Russie, prenant ainsi la tête de l'Église orthodoxe russe par 508 voix sur
700. »
Il faut également noter qu’il est, depuis 2006, coprésident de la Conférence mondiale des religions pour la paix
et membre de la commission russe des relations entre l'État et les
Organisations religieuses.
De toute évidence, il s’agit d’un homme de grande foi
religieuse et d’une ouverture incontestable sur les défis qui se posent en
notre temps : telles la justice, la paix, l’unité dans la diversité et la
multipolarité. Il porte en lui une vision orientale de la foi ainsi qu’une
vision d’un monde multipolaire et multicentrique. De quoi faire le
rapprochement de ces deux thèmes avec l’Église.
En Occident, nous connaissons plus et mieux le pape François. Les médias et ses nombreux voyages, nous le
révèlent chaque jour un peu plus. Ses deux principaux écrits Evangelii
Gaudium et Laudato
si ont suscité de nombreuses réactions et ont fait beaucoup parler. Plus que tout, son style de vie et son
engagement, sans équivoque, au service des sans voix, des démunis et des
sans-défenses en font un pape qui se gagne l’amour et le respect des croyants,
mais aussi de nombreux incroyants.
Il est né en Argentine, en 1936, d’un père italien immigrant et d’une
mère également d’une famille italienne immigrante.
Nous savons qu’il a fait des études de technicien en chimie avant d’entrer chez
les jésuites où il a poursuivi ses études en théologie. En 1969, il est ordonné
prêtre et en 1974, à peine âgé de 36 ans, il est nommé Provincial des jésuites
pour la région de Buenos Aires. Ce sera une période difficile qui le mettra à
l’épreuve sur bien des fronts. Il a dû vivre la prise du pouvoir politique par
une Jungle militaire qui n’y allait pas avec des gants blancs pour faire le
grand ménage de tout ce qui avait une odeur de solidarité et de justice
sociale. Bien des évêques se prêtaient à
ce grand ménage et Bergoglio, ce provincial de nombreux jésuites solidaires des
pauvres a dû manœuvrer de son mieux entre une hiérarchie complaisante envers
les dictateurs (ils étaient 3) et des pasteurs engagés auprès des plus démunis.
Plusieurs années plus tard, il dira qu’il était trop jeune pour assumer une
telle fonction d’autorité.
Le 23 mars 2013, à la suite de la démission du pape Benoît XVI, il fut
élu Pape. Son arrivée au Vatican en a
rendu plusieurs nerveux. Les scandales surgissaient d’un peu partout et il
fallait colmater au plus vite la source donnant lieu à autant de scandales. Ce
fut là son mandat principal, comme chef de cet État, d’y faire un grand ménage
et redonner ainsi au Vatican toute la
transparence et la sobriété qui correspondent avant tout à une Église, d’abord au service des pauvres, des
humbles, des laissés pour compte. Son arrivée au Vatican n’aura pas modifié son
mode de vie et, sans l’imposer à qui que ce soit, il l’assume sans retenue au
milieu des siens. Comme on dit, il ne prêche pas seulement en paroles, mais il
pose des gestes qui leur donnent un sens. Cela dérange beaucoup et n’est pas
sans lui susciter nombre d’ennemis, tant à l’interne qu’à l’externe. Sa vision
sociale, ses critiques du système capitaliste, le scandale du 1% qui possèdent le
99% des richesses de la terre sont autant d’éléments qui n’en font plus un
fidèle serviteur de ce système.
CRÉPUSCULE D’UN
MONDE CONDUISANT À L’AURORE D’UNE ÈRE NOUVELLE
Il s’agit bien d’une rencontre historique dont la symbolique peut être
perçue sous bien des angles. C’est
devenu un cliché que de dire que l’humanité soit arrivée à une croisée
fondamentale où des choix doivent être pris sur les plans politiques,
économiques, environnementaux, sociaux, religieux, etc. Dans tous les cas, il y
a un retour aux sources de ce qui est à
la base de tout. Les Églises pas plus
que les Sociétés n’y échappent. Le pape François et le patriarche Kirill en
sont bien conscients.
Pour les chrétiens, le retour aux Évangiles et au témoignage de ce
Jésus de Nazareth est devenu un incontournable. Aucune doctrine, aucune
liturgie, aucun mode de vie ne peuvent se substituer à ces deux références
fondamentales. Tous et toutes ont à s’ajuster à ces derniers. Il est évident que cette foi chrétienne s’est laissée envahir
tout au long des siècles par des doctrines, des règlements, des ajustements
circonstanciels, des alliances et des complicités avec d’autres pouvoirs, etc.
Aujourd’hui, nous voyons bien où tout cela nous a conduits. Les Églises ont
pour ainsi dire perdu de vue l’essentiel pour s’adonner à la survie
d’Institutions qui ont pratiquement perdu, elles-mêmes, tout leur sens.
Je pense que nos deux interlocuteurs, un peu comme le firent au début
de l’ère chrétienne, Pierre et Paul,
vont échanger sur cette multipolarité
dont on parle tant dans le sens à donner à la gouvernance du monde. Il
ne fait pas de doute que l’Église catholique, sous la gouvernance du Vatican, a
encore des pas de géant à faire pour assurer pleinement cette multipolarité.
Cette approche permet aux diverses Églises chrétiennes de vivre unies dans la diversité. Le point de
ralliement, étant toujours les Évangiles et Jésus de Nazareth, ressuscité. À
ceci nous pourrions ajouter tous ces témoins qui en assument dans leur vie les
conséquences.
Il n’y a pas de doute que la question des guerres au M.O. et dans le monde se fera également en prenant
en compte cette réflexion sur la multipolarité. Il n’y a plus de place pour un
monde unipolaire sous la gouverne d’un seul gouvernement aux intérêts duquel
tous les autres gouvernements de la terre doivent se soumettre. C’est
malheureusement le cas avec les États-Unis qui s’imposent comme maître du
monde. C’est également toujours le cas avec l’État du Vatican qui s’impose à
toute la chrétienté.
Le pape François, fortement sollicité par les lobbyistes de l’OTAN et de Washington, n’a pas hésité à inviter
toutes les forces militaires et politiques de l’Occident à revoir leur approche de leurs interventions
au M.O..
« Le
pape considère que "l'Occident doit faire une autocritique" sur
comment il a affronté la situation "en Libye d'avant et après
l'intervention militaire". Alors que sur l'Irak et les "Printemps
dénommés arabes", " il était possible d’imaginer ce qui allait se
passer, a assuré le pontife, qui a expliqué que les analyses du St-Siège et de
la Russie, sur ce sujet, coïncidaient en partie, quant à ce qui allait se
passer. » (trad, de l’auteur)
On voit ici que le pape François
prend ses distances par rapport à l’Occident et qu’il se rapproche davantage de
l’approche russe sur ces questions. Un
point, à n’en pas douté, qui sera abordé avec le Patriarche lorsqu’ils
parleront de la Syrie, de Libye, d’Ukraine.
Le 12 février au soir et les jours qui vont suivre, nous en saurons
beaucoup plus. Par cet article, je veux tout simplement assurer le contexte et
permettre d’en savoir un peu sur les personnages en question.
La photo a été prise à Cuba montrant tout à la fois les vagues qui
s’abattent sur tout au long de la promenade du Malocon, les nuages noirs qui
laissent entrevoir au loin une partie de la Havane et un soleil au crépuscule
porteur de lumière conduisant vers l’aurore d’un nouveau jour. Une symbolique d’un
monde unipolaire, générateur de guerres et de famines, qui bascule vers un
monde multipolaire générateur de paix et de mieux êtres pour tous et toutes.
Oscar Fortin
Le 11 février 2016
Ce qui m’a impressionné dans cette rencontre historique, c’est l’intensité de l’échange de leur regard qui frappe. Le pape François, 79 ans, et Kirill, dix ans de moins, ne se quittent pas des yeux, contemplant ce moment tant attendu depuis plus de mil ans. Les sourires ne sont pas larges mais profonds et pleins de respect. J’imagine que les deux principaux sujets de leur rencontre furent la persécution des chrétiens au Moyen-Orient et la perte des valeurs chrétiennes du monde occidentalisé.
RépondreEffacerVoici la déclaration officielle dans sa version française. Le pape François et le patriarche Kirill se sont accueillis en se rappelant qu'ils étaient des frères.... Une rencontre, comme dit M. Morin, de grande profondeur humaine et spirituelle.
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