jeudi 14 novembre 2019

L’OEA ET LE COUP D’ÉTAT EN BOLIVIE




On comprendra, dès le départ, que l’Organisation des États américains (OEA) répond, avant tout, aux dictats et intérêts des États-Unis qui ont plein contrôle sur la majorité des membres de l’Organisation et sur celui qui en assume le secrétariat général. Pour de nombreux analystes politiques, l’OEA est le ministère des États-Unis dont l’objectif est de promouvoir et protéger, tout à la fois, ses intérêts dans l’ensemble des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes. Les conditions de travail et les bénéfices financiers qui sont consentis à son Secrétaire général et à ses alliés politiques lui assurent une mainmise dominante sur l’ensemble des activités de l’OEA. Sa véritable nature se révèle à travers ses diverses interventions (Venezuela, Bolivie, Nicaragua, etc.) tout autant qu’à travers ses silences (Colombie, Honduras, Chili, Brésil, etc.). Dans le premier cas, il s’agit de peuples qui remettent en cause la domination impériale et qui luttent pour leur indépendance et souveraineté. Dans le second cas, il s’agit de gouvernements qui répriment leur population pour sauvegarder l’hégémonie du pouvoir de l’Empire et des oligarchies locales.

CE QUI S’EST PASSÉ SUITE À LA VICTOIRE D’EVO MORALES, LE 20 OCTOBRE DERNIER

Au grand dam des partis de l’opposition, Evo Morales remporta ces élections avec la majorité des votes nécessaires lui permettant d’éviter un second tour. Comme il fallait s’y attendre, l’opposition donna suite à ce qu’elle avait déjà déclaré, des mois à l’avance, à savoir qu’elle ne reconnaitrait pas la victoire d’Evo Morales s’il était élu comme Président de la Bolivie. D’une seule voix, cette opposition et ses alliés, y incluant l’épiscopat bolivien, dénoncèrent, sans en préciser la nature, les fraudes qui ont entaché la légitimité de ces élections. À noter, toutefois, que le cardinal  Toribio Ticona, née à Potosi, Bolivie, fut le seul, au sein de l’épiscopat bolivien, à dénoncer haut et fort ce chantage de l’opposition sur une soi-disant fraude électorale.

 "Comment est-il possible que M. Mesa, ancien président et ancien vice-président, appelle à la violence, alors qu'avant la fin du dépouillement des votes, il se déclare déjà vainqueur alors que nous savons qu'il n'a finalement pas été vainqueur. C'est pourquoi il s'est précipité sans fondement, cela ne vaut pas la peine et, à mon avis, il est à blâmer pour toute cette violence qui se poursuit ". 


Je ne sais ce qui s’est passé avec ce cardinal dont la voix s’est soudainement éteinte. Il faut croire que la  Conférence épiscopale bolivienne, férocement opposée au gouvernement socialiste d’Evo Morales, ait choisi de prendre en main le volet communication dont l’objectif est de dénoncer, contre vent et marée et sans aucune preuve, que l’élection était contaminée de fraudes multiples.

Face à une telle situation, le président élu, Evo Morales, a fait un appel à tous ceux et celles qui qualifiaient cette élection de frauduleuse de se joindre, avec les spécialistes de leurs choix, pour participer à un recomptage complet des votes. Il fit appel à l’OEA ainsi qu’à des représentants de divers milieux européens et américains pour participer à ce recomptage.  Un protocole a été établi entre le gouvernement et les participants au recomptage.  Cet exercice prendrait deux semaines et les conclusions devraient être portées à la connaissance du public, le mercredi, 13 novembre. Le président s’engageait à donner suite aux résultats et aux recommandations en découlant. Curieusement, les opposants radicaux se dissocièrent de l’OEA et poursuivirent leurs dénonciations de fraudes tout en générant la violence et les confrontations entre partisans du gouvernement et ceux de l’opposition radicale, question d’exercer suffisamment de pression en vue d’obtenir la démission du président élu, Evo Morales. 

Dimanche, le 10 novembre, au moment où le président Evo Morales décidait de convoquer à de nouvelles élections et de procéder au renouvèlement du Conseil national électoral, le Secrétaire de l’OEA anticipait, pour sa part, une ébauche des conclusions à tirer de ce recomptage non encore terminé.  Il laissait  entendre qu’il y avait eu fraude électorale bien que difficilement identifiable. Par cette intervention, il dérogeait au protocole initial de l’opération recomptage et semait davantage de confusion.

Heureusement, de nombreux autres intervenants dans ce recomptage, non liés à l’OEA, donnèrent, au terme de ce recomptage, un point de vue tout à fait différent. C’est entre autres le cas du « Centre de recherche économique et politique des États-Unis qui a présenté lundi un rapport qui reflète l'absence d'irrégularités lors des élections du 20 octobre dernier en Bolivie et qui a attribué à Evo Morales la présidence gagnante, niant la position de l'Organisation des États américains (OEA). »


De fait, dès que l’OEA fit le constat que la soi-disant fraude électorale ne saurait tenir la route,  elle se tourna aussitôt du côté de l’armée et de la police pour en faire les principaux acteurs, conduisant au dénouement du coup d’État et exigeant la démission d’Evo Morales dans le but de laisser la place aux forces de l’opposition. Il faut rappeler que le gouvernement d’Evo Morales avait un plan visant à apporter des changements au sein de la police, impliquée dans plusieurs opérations de corruption. Ces changements n’étaient pas les bienvenus. Des changements étaient également prévus au sein de l’armée. C’est dire que le président Evo Morales n’était pas dans une position de force à leur endroit. Sa vie étant en danger, il accepta l’invitation du Président du Mexique pour s’y réfugier le temps de voir venir les évènements et de poursuivre la lutte sous d’autres formes.


La substitution du gouvernement en exercice par les forces de l’opposition radicale, soutenue par l’armée et la police, ne peut avoir d’autre qualificatif que celui d’un véritable coup d’État.  Derrière tout cela, il faut y voir la main de l’Oncle Sam qui y retrouve sa pleine souveraineté en Bolivie. Sa démocratie repose sur ses subordonnés. Il lui revient de décider du sort des présidents et présidentes.  Les autoproclamés (Guaido au Venezuela et  Jeanine Áñez en Bolivie) en témoignent. Il suffit que l’oncle Sam les reconnaisse comme tels. Les peuples n’ont qu’à s’ajuster aux volontés de ce dernier. Les élections ne doivent être réalisées que dans des conditions de certitude. Autrement, il faudra y reconnaître la fraude des vainqueurs.


Oscar Fortin
Le 14 novembre 2019

Voir la série d'audios qui nous en disent beaucoup sur le processus conduisant à ce coup d'État. La référence est en espagnol, mais avec le traducteur google (https://translate.google.ca/?hl=fr#fr/es/) vous pourrez vous y retrouver rapidement.

https://www.telesurtv.net/news/bolivia-audios-revelan-golpe-estado--20191114-0009.html

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