vendredi 7 février 2020

POURQUOI LE VENEZUELA?





Cette question s’adresse tout autant aux États qui s’acharnent contre le Venezuela que pour ceux qui s’acharnent à soutenir et à défendre, si nécessaire, l’actuel gouvernement du Venezuela.  Encore tout récemment, le président Trump, lors de son discours sur l’État d’Union, s’en est pris au Venezuela, tout particulièrement à son Président, Nicolas Maduro, de l’écraser s’il s’obstinait à demeurer au pouvoir.  Il faut rappeler que son mandat prendra fin en 2025.

Légitimement élu par son peuple, le 20 mai 2018, comme Président de l’État vénézuélien, et reconnu comme tel par les Nations Unies et la majorité des peuples qui siègent à l’Assemblée générale de cette même institution. Le Venezuela est un pays souverain et indépendant et c’est le peuple, dit Maduro, qui élit ses présidents et non  Donald Trump.

Aujourd’hui, 7 février, le Secrétaire des relations extérieures de Russie, Sergueï  Lavrov, termine sa tournée en Amérique latine avec le gouvernement légitime du Venezuela. Il s’agit d’une rencontre de très grande importance, sachant que la Russie apporte tout son appui au Peuple vénézuélien et à son gouvernement. 

Les menaces répétées d’interventions militaires de la part de l’administration Trump sont prises au sérieux. En dépit du fait que le Conseil de sécurité des Nations Unies se soit prononcé, depuis longtemps, contre toutes formes d’intervention qui ne sont mutuellement consenties, les menaces persistent et les interventions  agressives, comme les sanctions, blocus et guerres se multiplient.  Pour les Nations Unies, les différends doivent se régler par la voie du dialogue respectueux et non par la confrontation sous ses diverses formes.

Déjà, nous savons depuis 1998, année de l’élection d’Hugo Chavez, que le peuple vénézuélien et son gouvernement, assumeraient le plein contrôle des pouvoirs de l’État qui étaient, depuis longtemps, entre les mains des oligarchies nationales et des États-Unis, ce dernier leur assurant de bons pourboires. Il faut dire que les richesses en pétrole, en or et en diamants étaient là pour compenser amplement  toutes ces contributions généreuses de l’Oncle Sam.

Pour l’opposition, il n’était pas question que ces prétentieux révolutionnaires viennent mettre le désordre dans un État pris en charge par son oligarchie nationale en harmonie étroite avec le grand-frère étasunien, plein d’attention pour chacun d’eux. La démocratie de ces nouveaux venus devra s’ajuster à l’ordre établi par ces derniers. 

On se souviendra que la première décision d’Hugo Chavez, comme Président élu, fut de convoquer à une Constituante du peuple pour l’élaboration d’une nouvelle constitution, émergeant de ce peuple. Une fois rédigée, elle fut soumise par référendum national au peuple, ayant le pouvoir démocratique d’en découdre ou de l’adopter. Elle fut adoptée par une grande majorité de la population. Venezuela fut l’un des premiers États à se donner une constitution, rédigée et voulue par le peuple.


Devant une telle situation, les adversaires, plutôt que d’y reconnaître la volonté du peuple, ont commencé à développer un langage de nature à minimiser le peuple, le réduisant à du populisme, facilement manipulable par les nouveaux arrivés au pouvoir. Pas surprenant que l’opposition, tout au long des années qui allaient suivre,  s’applique à développer un langage récupérateur. La nouvelle démocratie devient une dictature, les nouveaux dirigeants deviennent des Tyrans, les programmes sociaux se transforment en communisme et la Révolution en marche vers une société plus juste, plus équitable avec un gouvernement soucieux avant tout des intérêts du peuple et, à l’intérieur de celui-ci, des plus pauvres et laissés pour compte se transforment en État marxiste. Tout est là pour alimenter les médias de l’empire, mettant en évidence la présence,  sur le Continent, de ces marxistes et communistes qui ne savent rien de la démocratie, qui emprisonnent et torturent les honnêtes gens, ne respectant aucun droit des personnes.

Même, si en dépit de toutes ces manipulations, le peuple poursuit avec enthousiasme son soutien à cette révolution, de portée socialiste, humaniste, chrétienne et anti-impérialiste, les opposants, grassement financés par Washington, n’en continuent pas moins à maintenir le même langage. C’est le cas, entre autres,  de l’épiscopat vénézuélien qui n’en démord pas du langage utilisé à l’époque de Staline pour disqualifier la révolution vénézuélienne. 
  
Ce qu'ils ont dit, en 2015, les évêques du Venezuela et ce qu’ils continuent de dire

«Le plus gros problème et la cause de cette crise générale, comme nous l'avons indiqué à d'autres occasions, sont la décision du gouvernement national et des autres organes du pouvoir public d'imposer un système politico-économique de portée socialiste- marxiste ou communiste. Ce système est totalitaire et centraliste, il établit un contrôle étatique sur tous les aspects de la vie des citoyens et des institutions publiques et privées ...

Encore une fois, nous affirmons: le socialisme marxiste est une mauvaise voie, et c'est pourquoi il ne devrait pas être établi au Venezuela »

Cette modification de la réalité pour l’ajuster à leurs idées me rappelle cette phrase de pape François dans sa première Exhortation apostolique Evangelii gaudium.

« 231. Il existe aussi une tension bipolaire entre l’idée et la réalité. La réalité est, tout simplement ; l’idée s’élabore. Entre les deux il faut instaurer un dialogue permanent, en évitant que l’idée finisse par être séparée de la réalité. Il est dangereux de vivre dans le règne de la seule parole, de l’image, du sophisme. À partir de là se déduit qu’il faut postuler un troisième principe : la réalité est supérieure à l’idée. Cela suppose d’éviter diverses manières d’occulter la réalité : les purismes angéliques, les totalitarismes du relativisme, les nominalismes déclaratifs, les projets plus formels que réels, les fondamentalismes antihistoriques, les éthiques sans bonté, les intellectualismes sans sagesse. »

J’en déduis qu’il est parfois plus commode pour certains d’ajuster la réalité à leurs idées plutôt que d’ajuster leurs idées à la réalité. Selon les politiques éditoriales des médias, cet ajustement de la réalité au message qu’ils ont à livrer  les accommode même si la réalité y est sacrifiée.

Quelques autres citations du pape François, avant même que la machine vaticane n’ait pu l’encadrer dans ses nouvelles fonctions de pape :


« 202. La nécessité de résoudre les causes structurelles de la pauvreté ne peut attendre, non seulement en raison d’une exigence pragmatique d’obtenir des résultats et de mettre en ordre la société, mais pour la guérir d’une maladie qui la rend fragile et indigne, et qui ne fera que la conduire à de nouvelles crises. Les plans d’assistance qui font face à certaines urgences devraient être considérés seulement comme des réponses provisoires. Tant que ne seront pas résolus radicalement les problèmes des pauvres, en renonçant à l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière, et en attaquant les causes structurelles de la disparité sociale[173] les problèmes du monde ne seront pas résolus, ni, en définitive, aucun problème. La disparité sociale est la racine des maux de la société.

204. Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché. La croissance dans l’équité exige quelque chose de plus que la croissance économique, bien qu’elle la suppose ; elle demande des décisions, des programmes, des mécanismes et des processus spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus, la création d’opportunités d’emplois, une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le simple assistanat. Loin de moi la proposition d’un populisme irresponsable, mais l’économie ne peut plus recourir à des remèdes qui sont un nouveau venin, comme lorsqu’on prétend augmenter la rentabilité en réduisant le marché du travail, mais en créant de cette façon de nouveaux exclus.


205. Je demande à Dieu que s’accroisse le nombre d’hommes politiques capables d’entrer dans un authentique dialogue qui s’oriente efficacement pour soigner les racines profondes et non l’apparence des maux de notre monde ! La politique tant dénigrée est une vocation très noble, elle est une des formes les plus précieuses de la charité, parce qu’elle cherche le bien commun

Des considérations qui ont de quoi encourager les dirigeants et les peuples des pays émergents de l’Amérique latine  dont les objectifs sont ceux-là mêmes dont parle le pape François. Malheureusement, ce qui fut la joie de nombreux chefs d’États y dirigeants sociaux est devenu pour de nombreux autres dirigeants, y incluant la majorité des épiscopats, un langage à garder sous silence. 
Le 13 mars prochain, le pape François célèbrera ses sept années comme Papa et chef du Vatican. Faudra voir, à ce moment, ce qui en sera advenu de cette Exhortation apostolique  du 26 novembre 2013.

D’ici là, nous verrons ce qui adviendra du Venezuela, de ses opposants.

Oscar Fortin

7 de février 2020 

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