mercredi 2 février 2005

POUR UN NOUVEAU PASTEUR AU SERVICE DE L'ÉVANGILE


Le Diocèse de Québec a accueilli, il y a quelques mois, son nouveau pasteur en la personne de Mgr Marc Oueillet. Il a été présenté à maintes reprises comme un homme d’Église, comme un homme entièrement dédié à la promotion de la doctrine et de l’organisation. La cérémonie de son intronisation à la Basilique de Québec a mis en évidence cette Église structurée, organisée, culturellement bien implantée dans la société civile et politique. La liste des nombreux invités et dignitaires alors présents et le décorum tout ecclésial en témoignèrent.

Par contre, le portrait de l’Église du diocèse de Québec, brossé par Mgr Couture, a mis en évidence les changements profonds qu’ont entraînés la révolution tranquille et Vatican II dans la compréhension et la pratique de la foi. La sécularisation a percé bon nombre de champs d’intervention occupés autrefois par l’Église. Ce fut le cas en éducation, en santé ainsi que dans plusieurs institutions culturelles et même politiques. Ces changements ont forcé les responsables à innover dans les approches et la façon de reprendre contact avec les communautés chrétiennes et la société civile. Toutefois, tous ces efforts, pour nobles et généreux qu’ils aient été, semblent avoir été davantage polarisés par l’objectif de faire revivre en plus moderne l’organisation de la foi plutôt que le renouvellement de la foi. Lorsque Mgr Oueillet, citant alors l’Évangile, dit que « les temps sont arrivés, qu’il faut se convertir… » on ne sait pas trop en quoi et sur quoi porte cette conversion. Est-ce un retour à la pratique liturgique et sacramentelle ou plutôt un retour à l’Évangile dans ses éléments les plus fondamentaux et les plus inspirants pour l’humanité toute entière ? Dans le premier cas l’organisation reprend le devant de la scène avec ses principaux acteurs… Dans le second cas c’est l’Évangile et le Ressuscité.

Jésus, le personnage central et toujours bien vivant de la foi chrétienne et l’ Esprit Saint, son Témoin permanent dans l’histoire humaine, doivent, de toute évidence, retrouvés leur place dans l’Église militante et être reconnus comme tels par ceux et celles qui en sont les humbles serviteurs. Etre témoin de Jésus et de son Évangile n’est-ce pas rejeter, comme Jésus l’a fait au désert, les tentations des trois grands pouvoirs qui font de nous des esclaves : le pouvoir de la consommation, le pouvoir de la domination et celui du prestige ou des grandeurs ? N’est-ce pas également faire sien les béatitudes que le sermon sur la montagne proclame comme définissant ceux et celles qui oeuvrent pour le Royaume ? N’est-ce pas d’ailleurs à la lumière de ces engagements que le Jugement dernier sépare les bons des mauvais… « j’avais faim, j’avais soif, j’étais nu, prisonnier et vous m’avez secouru et visité… » ? Il n’y a pas de questionnement sur le droit canon et les pratiques sacramentelles…Ces derniers ont sans doute leur importance, mais ne sont pas au cœur du message évangélique.

Le monde vit aujourd’hui l’insécurité des guerres. De plus en plus on constate l’emprise des grands et des puissants sur les gouvernements et les églises qui deviennent encore trop souvent complices de guerres ou de lois qui créent l’injustice, la discrimination, l’exclusion sous toutes ses formes. Mgr Oueillet qui a vécu plus de cinq ans en Amérique Latine est sans doute en mesure de comprendre jusqu’où peuvent aller ces complicités entre pouvoirs politiques, économiques et religieux. Bien des dictatures, malheureusement, sont nées et ont survécu grâce aux appuis tacites des hiérarchies ecclésiales. Ces temps semblent de plus en plus du passé si on s’en tient à la position ferme de Jean-Paul II qui a dénoncé avec force l’intervention guerrière des Etats-Unis en Irak. Il eut été réconfortant que l’autorité épiscopale de Québec participe avec ces milliers de jeunes, de travailleurs, de femmes et d’hommes de bonne volonté aux marches, pour la paix et contre la guerre en Irak, réalisées un peu partout dans le diocèse. J’espère qu’il n’y avait pas dans cette absence de l’ « ignorance crasse ».

La misère et l’injustice, en dépit de tous les compromis et combines entre les grands et les puissants, sont toujours aussi présentes et la personne de bonne volonté n’a de cesse de lutter pour que l’humanité nouvelle émerge de ce marasme des complots et des intérêts des pouvoirs en place. Seul un changement profond, ouvrant à une certaine forme de transcendance, peut donner la liberté d’agir au service d’une humanité qui trouve tout son sens en celle du Ressuscité. Des voix prophétiques doivent se faire entendre et les témoins des béatitudes doivent être reconnus, soutenus et encouragés. Ils sont un peu partout et dans toutes les catégories d’âge. Pour les reconnaître il faut revenir à l’essentiel de l’Évangile autrement on risque de les confondre avec des ennemis de la société.

Je souhaite que le nouvel archevêque de Québec, au-delà de ses prises de position récentes, soit d’abord et avant tout un homme d’Évangile et un serviteur d’humanité. Ainsi le prisme qu’est l’Église sera de plus en plus transparent au message qui la soutient et l’inspire. Comme le disait Jean le Baptiste, il faut disparaître pour que l’Autre apparaisse. Jésus n’est pas venu pour sauver d’abord une Église, mais l’Humanité toute entière. Il faut que ça paraisse dans notre façon d’être et dans celle de nous organiser.

Oscar Fortin

27 janvier 2003

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