samedi 23 juin 2012

POUR UN ÉTAT HUMANITAIRE





Je n’ai pas d’autres mots pour décrire l’État démocratique dont le mandat principal des élus (es) serait de gérer au mieux les richesses et le patrimoine d’un pays en fonction du bien commun de toute une société. Un État qui respecterait les initiatives privées dans tous les secteurs tant et aussi longtemps qu’elles s’assujettissent aux impératifs et priorités du bien commun. Un État qui ferait sien cet adage : L’État autant que nécessaire, le privé autant que possible.

Les États, sous régime néolibéral, tels ceux qui nous gouvernent, se caractérisent, entre autres, par le contrôle oligarchique de leurs divers pouvoirs, mis au service prioritaire des oligarchies dominantes. Les préoccupations du bien commun sont reléguées au second plan. L’exercice de la démocratie, sous ce régime, se ramène à un montage où figurent des partis politiques aux multiples orientations, mais où prédominent, en général, deux grands partis aux orientations semblables. Ces derniers, hautement financés par ceux qui détiennent les pouvoirs économiques et financiers, sont garants d’une servilité à toute épreuve.

La crise économique, que vivent actuellement les sociétés néolibérales, n’est pas étrangère au dévoilement de ces dessous qui contaminent tout autant la démocratie que ceux qui en sont les principaux acteurs. Les peuples prennent toujours plus conscience qu’ils se font rouler par des prédateurs à cravate et au discours convaincant. Ils réalisent qu’ils sont de plus en plus les bouffons d’une mise en scène qui n’a d’autres objectifs que ceux de prendre leurs richesses et de leur faire payer les factures. Qu’il suffise de regarder ce qui se passe en Grèce, en Espagne, en Italie, en France et dans de nombreux autres pays.

Cette mise en scène a connu des heures de gloire dans plusieurs pays d’Afrique et d’Amérique latine. Mais voilà qu’il y a un réveil, une prise de conscience de ce grand jeu de cette démocratie, placée sous les ordres d’oligarchies. Les peuples se questionnent sur la démocratie qu’on leur présente, sur les dirigeants qui s’en font les porte-parole, sur les mains obscures qui y tirent les ficelles. Ils se demandent pourquoi les impératifs du bien commun ne s’imposent pas aux élus dont c’est pourtant le mandat. Ils ne comprennent pas que la police ou l’armée s’interpose avec agressivité et violence chaque fois qu’ils manifestent pour faire entendre leur mécontentement et faire connaître leurs revendications. Ils s’interrogent sur l’usage qui est fait des richesses que renferme leur territoire. Ils ne sont pas sans se demander comment il se fait que leurs principaux dirigeants trouvent si vite fortune et que la justice penche toujours du même bord.

Cette prise de conscience, particulièrement en Amérique latine, a fait émerger des leadeurs qui ont approfondi ces questionnements et mobilisé les populations dans le sens d’une action politique pour changer ce type de régime. C’est le cas d’Évo Morales, ex-leadeur syndical, devenu, en 2005, Président de la Bolivie. C’est également le cas d’Hugo Chavez, militaire de formation, devenu Président du Venezuela, en 1999. Il en va de même pour Rafael Correa, économiste, devenu Président de l’Équateur, en 2006.

Ces trois leaders ont en commun le fait de fonder leur action sur le constat des contradictions du régime politique et économique en place. Ils sont conscients du haut niveau de corruption qui existe parmi les représentants politiques et de l’influence prédominante de Washington sur les politiques du pays, à travers ses ambassades et ses agences gouvernementales. Ils sont également conscients des grandes inégalités sociales qui existent entre les travailleurs et les classes dirigeantes. Ils se demandent pour quoi autant de pauvreté et de discrimination, alors que leur pays respectif regorge de grandes richesses.

Chacun, à sa manière, a procédé à la mise en place d’une nouvelle constitution, écrite par et pour le peuple. Cette loi fondamentale, à l’image du peuple, sert de base et de référence aux  changements fondamentaux qui s’imposent dans l’organisation politique et la participation du peuple à la gestion des biens publics. Des procédures « anticorruption » ont été mises en place et une plus grande transparence de l’administration publique s’impose pour que les citoyens et citoyennes sachent. Les redevances des minières ont été augmentées. Les entreprises exploitant des secteurs jugés névralgiques pour le développement du pays ont été nationalisées. Les revenus générés, à la suite de ces changements, ont été investis, entre autres, dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’habitation et de la participation citoyenne.

Ces trois pays sont la référence première des pays émergents de l’Amérique latine. Ils sont également la cible de tous les coups bas, portés par Washington et les oligarchies nationales. Chavez a connu son coup d’État militaire en avril 2002, Correa, en 2010 et Évo Morales, en 2008. Ces trois grands leadeurs, inspiration des peuples de l’Amérique latine, mais aussi de plusieurs autres pays du monde, sont devenus des cibles à abattre. Washington, les oligarchies et l’argent de la corruption agissent pour éliminer ce régime qui place en tête de liste de ses priorités le bien commun du peuple et qui place, à l’endroit où ils doivent être, les oligarchies nationales et les représentations diplomatiques. Ces derniers, peu habitués d’occuper le second rang, n’ont plus qu’un seul rêve, reprendre le contrôle de tout.

Nos médias officiels se prêtent plus facilement pour diaboliser ces dirigeants qu’à mettre en valeur les grandes réformes apportées pour mieux répondre aux besoins de leurs peuples. Ils en arriveront même à dénigrer la démocratie participative, celle-là même qui répond le plus adéquatement à ce qu’est vraiment la démocratie : le pouvoir du peuple, pour le peuple. Ils se portent plutôt à la défense de la démocratie, dite représentative, laquelle permet à des élus de diriger, en maitres absolus, avec moins de 25 % de leur électorat. C’est évidemment plus commode pour les oligarchies minoritaires de disposer de l’ensemble des pouvoirs de l’État. C’est le cas au Canada, avec M. Harper et au Québec, avec M. Charest. Le peuple n’a absolument rien à dire sur les aventures guerrières du premier, pas plus que sur les transactions de dépossession du Québec du second.

Nouvelle de dernière heure : le président du Paraguay, Fernando Lugo vient d’être destitué de ses fonctions présidentielles par le sénat du Paraguay. Un procès politique qui ne dura que 30 heures tant pour faire connaître les accusations que pour permettre à l’intimé de faire valoir sa défense. Ce temps aura été suffisant à ce Sénat, majoritairement oligarchique, pour condamner ce Président, et le remplacer aussitôt par l’un des leurs. 

On se souviendra que Fernando Lugo est cet évêque qui laissa ses fonctions épiscopales pour se consacrer à celles d’un pouvoir, destiné aux classes les moins favorisées et à l’instauration d’une plus grande justice sociale. Son gouvernement s’est inspiré d’une démocratie participative ouverte à l’ensemble de la population. Son malheur a été qu’il ne contrôlait ni le Sénat ni l’Assemblée parlementaire.

Les artistes de la légalité, sous la gouverne de leur tuteur  étasunien, sont parvenus à mettre au point une procédure leur permettant de transformer l’illégitimité d’une intervention en légalité. Nouvelle manière de procéder à un coup d’État en toute légalité. Quelque chose de plus discret de ce qui s’était passé au Honduras, en 2009, lorsque les militaires, sous ordre du sénat, destituèrent le président Manuel Zalaya et l’expédièrent, manu militari, au Costa Rica. Reste à voir ce que le peuple paraguayen fera et comment réagiront les pays de la région. Déjà la Bolivie, l’Équateur et le Venezuela firent savoir qu’ils ne reconnaitront que Fernando Lugo comme seul président légitime du Paraguay.

http://www.alterinfo.net/notes/Destitution-du-president-du-Paraguay-reprobation-en-Amerique-latine_b4444014.html

Il ne faudrait pas se surprendre que le réveil arrive jusqu’à nous et que le peuple dise «assez c’est assez». Déjà, le mouvement étudiant a sonné la cloche de la fin de la récréation de ces élus (es), véritables marionnettes au service, non pas du bien commun, mais des intérêts de ceux qu’ils servent. Le régime d’un État humanitaire sera, à n’en pas douter, l’héritage de l’ère nouvelle dans laquelle nous entrons. D’ici là les prédateurs d’hier se feront persistants pour garder leurs privilèges. Tous les moyens, pour eux, seront bons.

Oscar Fortin
Québec, le 23 juin, 2012





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