jeudi 19 juillet 2012

LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION



UNE ÉGLISE À CONVERTIR ET UNE HUMANITÉ À DÉCOUVRIR



Dans le Motu Proprio « Porta Fidei », du 17 octobre 2011, le pape Benoît XVI a annoncé une « Année de la foi » qui débutera le 11 octobre 2012, pour le cinquantième anniversaire de l'ouverture du concile Vatican II, et se conclura en la solennité du Christ Roi, le 24 novembre 2013. Le thème en sera « la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne ».

Il s’agira donc d’un temps fort, permettant de revenir aux sources de la foi, d’en comprendre les véritables implications dans la conscience humaine et d’en saisir les engagements auxquels elle conduit. Cet exercice de réflexion et d’analyse sera d’autant plus percutant que le diagnostic des problèmes que vit l’Église, se fera à la lumière tout autant des impératifs évangéliques que de ceux du monde dans lequel nous vivons.

On ne peut parler de la foi sans s’arrêter à celle, toute simple, qui émerge des Évangiles par rapport  à celle, plus complexe, qui émerge de l’Église. Ce sont là deux références incontournables.

LA FOI QUI ÉMERGE DES ÉVANGILES

Jésus, personnage central des Évangiles, a posé des gestes symboliques redonnant valeur et importance à toute personne de bonne volonté, particulièrement les délaissées et les exclues de « la bonne société », celle des puissants, des grands prêtres et des docteurs de la loi.

« Il a déployé la force de son bras, il a dispersé les hommes au cœur superbe. Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles. Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides. » (texte prophétique de Marie à sa cousine Élisabeth. Lc. 1.51-53)

Il a également fait entendre une voix dont l’essentiel du message peut se résumer à ceci : « Aime ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes pensées et aime ton prochain comme toi-même. »(Mc 12,29-30)  « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. » (Jn 15,17) « Ce que vous faites au plus petits des miens c’est à moi que vous le faites et “si vous ne croyez pas ma parole, croyez dans mes œuvres.” (Jn 14, 11) 

En d’autres mots, aimer Dieu de tout son cœur, c’est d’abord et avant tout aimer son prochain comme soi-même et ne pas faire aux autres ce que l’on ne voudrait pas qu’on nous fasse. Un peu comme le message de bons parents à leurs enfants. “La meilleure manière de nous dire votre amour c’est que vous vous aimiez les uns les autres. Ce sera là notre plus grand bonheur.» C'est pour ainsi dire l'ADN de l'humanisme et du christianisme pris dans son sens le plus profondément évangélique.

Ce message de Jésus va à l’essentiel de toute vie humaine. Loin de détourner nos regards du monde dans lequel nous vivons pour les fixer sur un dieu qui lui serait étranger, il les tourne vers les hommes et les femmes de ce monde en nous disant de les aimer comme nous voudrions qu’ils nous aiment et d’agir à leur endroit comme il l’a fait lui-même. En cela est la volonté de son Père et en cela est sa volonté. La rencontre du Dieu de Jésus, ne peut se faire qu’à travers la rencontre des hommes et des femmes qui côtoient nos vies et tout particulièrement à travers les exclus, les pauvres et les sans défense.

Croire en Jésus, c’est faire en sorte que la justice soit toujours plus justice, que la vérité soit toujours plus incisive pour mette à nu les mensonges et les hypocrisies, que la solidarité devienne fraternité et que la compassion et la miséricorde nous élèvent au-dessus des guerres et fassent taire les armes de la haine.

Cette foi est un don de Dieu qui se présente aux cœurs ouverts et aux esprits disponibles. Ses œuvres sont amour, justice, vérité, compassion, miséricorde, solidarité (Mc. 23,23). En cela nous reconnaissons ses véritables disciples.

LA FOI QUI ÉMERGE DE L’ÉGLISE

Cette foi est condensée dans le « Je crois en Dieu » et dans le catéchisme qui rappelle les grandes vérités de la foi chrétienne, telles que manifestées tout au long des siècles et dont témoignent les dogmes.  Elle est un “enseignement” qui se communique et s’apprend. Sa manifestation principale est celle qui s’articule dans les divers cultes et tout particulièrement dans la célébration des sacrements. Elle encadre la vie des croyants dans des préceptes qui orientent leur vie morale, précisant ce qui est bon et ce qui est mauvais.

Cette foi est portée par une Église qui s’est également transformée tout au long des siècles pour devenir l’institution ecclésiale que nous connaissons avec sa doctrine, ses liturgies, ses sacrements, ses prêtres, ses évêques, ses nonces apostoliques, ses cardinaux, son État. Tout cela sous l’autorité vaticane dont le pape est le représentant par excellence. Si elle a connu ses heures de gloire, elle se voit maintenant désertée par bon nombre de ses membres. Un questionnement s’impose tout autant pour diagnostiquer cet abandon que pour dégager les mesures à prendre pour y remédier.

Un premier diagnostic

Les multiples composantes de l’Église ont été mises à contribution pour réfléchir à ce thème. Les principales conclusions de chacune d’elles ont été transmises au Vatican qui en a fait une synthèse à l’intention du prochain synode des évêques du monde entier qui se tiendra à Rome, du 7 au 24 octobre prochain. Son contenu, sous le titre « Instrumentum laboris », a été rendu public le 19 juin 2012.

Dans l’introduction de ce document, on peut lire :

En se laissant vivifier par l'Esprit Saint, les chrétiens seront aussi sensibles à de nombreux frères et sœurs qui, bien qu'étant baptisés, se sont éloignés de l'Église et de la pratique chrétienne. C'est plus particulièrement à eux qu'ils veulent s'adresser avec la nouvelle évangélisation pour leur faire découvrir une nouvelle fois la beauté de la foi chrétienne et la joie de la rencontre personnelle avec le Seigneur Jésus, au sein de l'Église, communauté des fidèles.”(3)

Le document comporte quatre chapitres : Jésus-Christ, Évangile de Dieu pour l’homme; Le temps d’une nouvelle évangélisation; transmettre la foi; raviver l’action pastorale.

Zeinab Abdelaziz, Prof. émérite de civilisation française, s’intéressant particulièrement au diagnostic fait par les divers intervenants, relève les points qui ont été identifiés comme causes de l’abandon de l’Église :

“l’éloignement des baptisés de la pratique chrétienne; l’indifférence religieuse; la sécularisation; l’athéisme; la diffusion de sectes; une confusion grandissante qui induit les chrétiens à ne pas écouter les prêtres; la peur, la honte ou le fait de ‘rougir de l’évangile’ comme disait Saint Paul; les migrations; la mondialisation; les communications; l’affaiblissement de la foi des chrétiens; le manque de participation; la diminution du dynamisme des communautés ecclésiales; la perte de l’enthousiasme et l’affaiblissement de l’élan missionnaire; une véritable apostasie silencieuse”. C’est pourquoi l’Église trouve nécessaire de réévangéliser les communautés chrétiennes marquées par les importantes mutations sociales et culturelles », y compris le reste de l’humanité. 

Un diagnostic tout centré sur l’Église, ses institutions, ses cultes et son enseignement. Il faut sauver à tout prix  cette Église dans ses institutions et sa doctrine. 

Aucun point ne remet en question l’Institution ecclésiale elle-même pas plus que sa doctrine qui se substitue dans bien des cas à l’Évangile. Aucun point ne relève les défis que posent aujourd’hui les conditions de vie de plus des 2/3 de l’humanité pas plus que les impératifs évangéliques d’être avec les exclus et les plus délaissés de nos sociétés. On parle plutôt de trouver de nouvelles méthodes pour ramener les ‘brebis perdues’.

‘Il faut rechercher de nouvelles méthodes et de nouvelles formes d'expression permettant de transmettre à l'homme d'aujourd'hui l'éternelle vérité de Jésus-Christ, toujours nouveau, source de toutes les nouveautés. Seule une foi solide et robuste, caractéristique des martyrs, peut motiver un grand nombre de projets pastoraux – d'un rayonnement plus ou moins grand —, revitaliser les structures déjà existantes, et susciter la créativité pastorale à la hauteur des besoins de l'homme contemporain et des attentes des sociétés actuelles.’(3)

UNE CONVERSION DE L’ÉGLISE S’IMPOSE

Nous n’en sommes plus à une revitalisation des structures déjà existantes, mais à une transformation radicale de l’Église et de sa présence dans le monde. Elle doit sortir du Vatican et se laisser découvrir là où sont les pauvres, les exclus, les persécutés. Elle doit redevenir un témoin de justice, de vérité, de service, d’humilité, de solidarité et de bonté. Il n’y a pas de demi-mesure lorsqu’il est question de ceux et celles qui portent le message évangélique et qui témoignent de Jésus de Nazareth. Elle doit assumer ce que le jeune homme riche de l’Évangile (Mc 10,17-22) n’a pu faire pour suivre Jésus, à savoir tout laisser, vendre ses biens et en donner les profits aux pauvres. Là commence le premier acte de foi de ceux qui ont pour mission de témoigner du message évangélique pour les temps que nous vivons.

De plus, elle doit prendre ses distances des puissances et des empires qui font la pluie et le beau temps dans le monde. Elle doit retrouver sa liberté, celle du Nazaréen qui a dénoncé les hypocrites, les menteurs, les docteurs de la loi qui mettaient sur les épaules des autres des fardeaux qu’ils ne pouvaient eux-mêmes portés.

Le message du Nazaréen est d’une grande simplicité. Il va dans le sens d’une humanité, transformée par des lois qui transcendent la cupidité, l’égoïsme, le mensonge, la tromperie, du tout pour soi. Il s’inscrit dans la conscience des hommes et des femmes comme une ‘foi’ et non comme une religion. Elle est celle qui répond le mieux aux attentes des hommes et des femmes d’aujourd’hui.

Le message de l’Église, par contre, est d’une plus grande complexité. Sa doctrine et son enseignement sont souvent peu compréhensibles. L’image que l’Église projette d’elle-même est souvent en contradiction avec les préceptes évangéliques et les consignes données par Jésus à ses disciples. En elle se côtoient les doctrines et les interdits, la foi et les pratiques religieuses, le ciel et l’enfer.

Dans le premier cas, la foi de l’Évangile rejoint et transforme l’humanité. Dans le second cas, elle s’en éloigne.

L’auteur plus haut cité, Zeinab Abdelaziz, tire cette conclusion relative au diagnostic fait par le Vatican et ses collaborateurs :

‘Ce n’est donc pas l’indifférence religieuse, la sécularisation, l’athéisme, la diffusion de sectes ou une confusion grandissante qui induisent les adeptes du christianisme à le fuir ou à s’éloigner en silence, mais la découverte de tous ces subterfuges, la découverte de toutes ces contrefaçons et ces complots, imposés le long d’une histoire coriace, inhumaine et ensanglantée. Une histoire de laquelle n’ont été signalées que des bribes, rien que des bribes concernant la formation du christianisme, laissant de côté tous les scandales en cours depuis des siècles, à ne citer que la pédophilie et la Banque du Vatican, cette Institution d’Œuvres Religieuses (IOR), incriminées dans la collaboration avec la maffia, le blanchiment d’argent, le commerce de la drogue, l’armement et les complots politiques.’

EN CONCLUSION

Point n’est besoin de prendre à témoin les prédictions de Malachie et de Nostradamus pour constater que ‘cette Église de Rome’, vit ses derniers temps. Par elle-même, elle ne saurait se convertir, dire adieu à son pouvoir, à ses attaches, à ses alliances et à ses privilèges. L’histoire se chargera elle-même de la libérer de tout cet arsenal qui ne correspond en rien au Jésus de Nazareth que nous présentent les Évangiles.

Je suis croyant et ma foi m’ouvre toujours plus au monde des humbles et des laissés pour compte. Les conflits qui se manifestent un peu partout dans le monde m’interpellent. Les milliers de morts, de blessés, de familles brisées ne me laissent plus indifférent. J’essaie de comprendre et de détecter les fauteurs de troubles, ceux qui utilisent à profusion le mensonge pour mieux tromper et manipuler l’opinion mondiale afin d’imposer leur volonté à l’humanité entière. Ils sont bien souvent de ceux et de celles qui se disent chrétiens et croyants en Jésus de Nazareth. Dans de nombreux cas, l’institution ecclésiale les y accompagne. Comment est-ce possible?

Ma foi m'ouvre à une humanité toujours plus consciente d'elle-même, plus engagée, plus soucieuse de justice, de solidarité, de vérité, de respect. Une humanité qui se libère des chaînes de l'oppression et de domination. Nous entrons tous et toutes dans une ère nouvelle dont les paramètres se laissent entrevoir dans les luttes que mènent actuellement les peuples. Ce qui est vraie pour l'humanité, l'est également pour les églises.

J’en arrive donc au constat que plus augmente ma foi en Jésus de Nazareth et en cette humanité blessée à laquelle il s’est identifié, plus je m’éloigne de « cette religiosité » qui donne bonne conscience en dépit des crimes commis.

De quoi faire réfléchir.

Oscar Fortin
Québec, le 17 juillet 2012





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