Je viens de
lire deux articles que j’ai aussitôt reliés l’un à l’autre, question de mieux
comprendre ce qui amène un peuple à se déclarer chrétien à 77 % tout en
assumant 45 % de la totalité des dépenses militaires dans le monde.
Également, je n’ai pu m’empêcher de faire un rapprochement de cette situation
bien particulière des États-Unis avec la dernière intervention de Benoît XVI,
pape pour les catholiques et une référence pour le monde, à l’occasion de
la Journée mondiale pour la paix.
Dans le premier article, il est fait mention que
77 % des étasuniens se déclarent chrétiens dont 50 %, presbytériens,
et 23 %, catholiques. Il s’agit donc d’un peuple à très forte croyance
chrétienne et dont la référence fondamentale est le témoignage de Jésus de
Nazareth et les Évangiles qui en véhiculent le message. Il n’est donc pas
surprenant que ses dirigeants évoquent en tout temps la « bénédiction de
Dieu », le « God bless America ».
Pratiquement,
Dieu fait partie de la grande famille étasunienne. D’ailleurs, des pasteurs,
des prêtres et des évêques animent des milliers de communautés qui se
regroupent régulièrement dans les églises pour lire les évangiles et partager
l’eucharistie avec celui qui a donné sa vie pour sauver le monde. Dans leur
cœur et leur âme, ne se répètent-ils pas « qu’il n’y a pas de plus grand
amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » ?
Dans le second article, il est fait mention que ce même
peuple assume pour lui-même 45 % de toutes les dépenses militaires dans le
monde, faisant de lui la plus grande puissance militaire.
Gilles
Devers, auteur de cet article, lève le voile, à partir d’un cas spécifique, sur
l’hypocrisie et la criminalité des dirigeants de ce peuple et de ceux qui les
soutiennent.
« Avec l’affaire Khaled El-Masri, la Cour européenne des Droits de
l’Homme met en évidence les crimes de torture et de détention arbitraire commis
par les États-Unis sur le sol européen, ici avec la complicité de la
Macédoine. »
« Ce petit pays de 320 millions d’habitants, une bricole
sur les 7 milliards que connaît la planète, assume 45 % des dépenses
militaires dans le monde pour imposer sa puissance économique, au service de
ses seuls intérêts. C’est la plus grande dictature du monde. »
Nous nous retrouvons donc avec un peuple qui, tout en se proclamant
profondément chrétien et inspiré par celui qui pour sauver le monde sacrifia sa
vie, se dote des armes les plus puissantes pour dominer et régenter le monde
selon ses intérêts.
Alors, comment ces communautés chrétiennes, avec leurs pasteurs et leurs
évêques, peuvent-elles s’accommoder en soutenant le financement de 45 %
des armements qui existent dans le monde et se taire devant l’usage qui en est
fait ? Comment se fait-il que ces 77 % de chrétiens ne se fassent pas
entendre ? Bien au contraire, ils donnent plutôt l’impression d’en être
l’inspiration.
Le panorama qui se présente à nous, en ce début d’année 2013, est pourtant
ce qu’il y a de plus insécurisant et de troublant. Une analyse moindrement
approfondie fait ressortir que les principaux acteurs des drames qui couvrent
la planète sont peu nombreux : il y a les États-Unis et Israël, soutenus
par leurs alliées traditionnelles, l’OTAN, qui se retrouvent à l’origine d’à
peu près tous les conflits majeurs sur la planète.
Que ce soit en Asie, en Afrique, en Amérique latine, au Moyen-Orient, force
est de constater que les bases militaires, les services d’intelligence et les
forces de l’Empire sont en pleine opération. Ce serait faire l’autruche que de
croire qu’ils sont là pour répandre la bonne nouvelle de l’amour et du pardon,
telle qu’enseignée par le Nazaréen.
Les faits démontrent plutôt qu’ils sont là pour diviser, écraser, démolir,
tuer, torturer afin de mieux prendre le contrôle des richesses ainsi que des
peuples qui en sont les propriétaires. Ils sont des prédateurs de premier ordre
pour qui les mots justice, vérité, paix, compassion n’ont de sens que dans le
cadre de leurs propres ambitions et intérêts et non de celui du bien commun
d’une humanité conviée, tout autant qu’eux, au partage de ces mêmes valeurs et
richesses.
Alors, dans ce contexte, que dit Benoît XVI, conscient de toutes ces
choses, à l’occasion de la Journée mondiale de la paix ? Que dit-il à ces
chrétiens guerriers, prédateurs des richesses des autres, et que dit-il à ces
chrétiens qui luttent vraiment pour l’avènement d’un monde de justice, de vérité,
de paix et de compassion ?
« il est
encourageant de constater que les chrétiens – peuple de Dieu en communion avec
lui et en chemin parmi les hommes – s’engagent dans l’histoire en partageant
ses joies et ses espoirs, ses tristesses et ses angoisses[1], annonçant le
salut du Christ et promouvant la paix pour tous. »
Commentaire :
Comment peut-il constater pareil engagement des chrétiens alors que l’Europe
chrétienne et l’Amérique chrétienne sont les premiers fauteurs de troubles dans
le monde ? Au Moyen-Orient et en Afrique, c’est l’évidence même alors qu’en
Amérique latine ce sont ces oligarchies chrétiennes soutenues par leurs
cardinaux, leurs évêques et leurs pasteurs qui s’en prennent aux peuples,
également chrétiens, qui cherchent, pour leur part, à s’affranchir de la
domination politique et économique de ces derniers. Dans ce dernier cas, que
fait l’Église hiérarchique pour soutenir et encourager ces peuples de la
Bolivie, de l’Équateur, du Venezuela, du Paraguay et de l’Uruguay et j’en passe
qui luttent pour s’affranchir de ce capitalisme sauvage et rendre possible une
nouvelle solidarité au service prioritaire du bien commun ? Dans la majorité
des cas, les évêques et cardinaux se font discrètement solidaires des
oligarchies et de l’empire. Ce fut le cas au Honduras, au Venezuela, en
Équateur et en Bolivie.
Plus loin il
poursuit en précisant les causes rendant la paix si difficile :
« la
prévalence d’une mentalité égoïste et individualiste qui s’exprime également au
travers d’un capitalisme financier sans régulation nous inquiète. En plus des
différentes formes de terrorisme et de criminalité internationale, les
fondamentalismes et les fanatismes qui défigurent la vraie nature de la
religion, appelée qu’elle est à favoriser la communion et la réconciliation
entre les hommes sont autant de dangers pour la paix. »
Commentaire :
Pour
comprendre Benoît XVI, il faut prêter attention tout autant à ce qu’il ne dit
pas qu’à ce qu’il dit. Dans le cas présent, il sait très bien que le système
capitaliste conduit à l’inhumanité. Dans son premier livre sur Jésus de Nazareth, il avait eu cette
définition du capitalisme qu’il opposait à l’époque au communisme sanguinaire
des pires années de l’URSS, question de le rendre encore acceptable, faute de
mieux.
« Face
aux abus du pouvoir économique, face aux actes de cruauté d’un capitalisme qui
ravale les hommes au rang de marchandise, nos yeux se sont ouverts sur les
dangers que recèle la richesse, et nous comprenons de manière renouvelée ce que
Jésus voulait dire quand il mettait en garde contre la richesse, contre le dieu
Mammon qui détruit l’homme et qui étrangle, entre ses horribles serres de
rapace, une grande partie du monde (p.120).
Dans un autre
passage de ce même livre, il a cette interprétation surprenante de Karl
Marx :
N’est-il pas
vrai que l’homme, cette créature appelée homme, tout au long de son histoire,
est aliéné, brutalisé, exploité? L’humanité dans sa grande masse a presque
toujours vécue sous l’oppression. Et inversement, les oppresseurs sont-ils la
vraie image de l’homme, ou n’en donnent-ils pas plutôt une image dénaturée,
avilissante? Karl Marx a décrit de façon drastique « l’aliénation »
de l’homme. […] Il a livré une image très concrète de l’homme qui tombe aux
mains de bandits (p.224).
Benoît XVI se
garde bien de reprendre ces mêmes termes pour parler, du haut de la tribune de
la Place St-Pierre, de « ce capitalisme qui ravale les hommes au
rang de marchandise ». L’allusion aurait été trop directe à cet empire
avec lequel il a déjà célébré un si
agréable anniversaire de naissance. Il préfère plutôt parler d’un « capitalisme financier sans
régulation qui l’inquiète ». Là encore, pour en
atténuer davantage les travers, il y oppose immédiatement « ces
différentes formes de terrorisme et de criminalité internationale, les
fondamentalismes et les fanatismes qui défigurent la vraie nature de la
religion. »
On comprendra
que dans l’esprit de son auteur, ces références ciblent surtout les musulmans,
les islamistes et les arabes. Il ne saurait être question d’impliquer les
États-Unis et les forces de l’OTAN dans des opérations terroristes ou encore de
croire que le fondamentalisme puisse se retrouver quelque part chez les
chrétiens.
Il poursuit
son intervention, cette fois sur les artisans de la paix.
« Ils (les artisans
de paix » comprendront qu’ils ne sont pas seuls parce qu’Il (le
Nazaréen) est du côté de ceux qui s’engagent en faveur de la vérité, de la
justice et de l’amour.
Commentaire
Quelle belle
occasion de parler de la désinformation qui s’impose à grande échelle et qui
empêche la vérité d’atteindre toutes les personnes de bonne volonté. Une
désinformation soutenue et encouragée par les belligérants qui contrôlent les
grands réseaux de communication. Comment peut-on prétendre être des artisans de
paix lorsque le mensonge est partie prenante de ces guerres de conquête ?
Pas un mot
sur ce quatrième pouvoir qui rend possible les guerres et la tromperie qui va
avec.
Une occasion de
relever également le caractère antiévangélique de la course aux armements et le
caractère scandaleux des budgets consentis aux armements et à la guerre par certains
pays à majorité chrétienne.
Ç’aurait été
également un moment tout indiqué pour parler de ces injustices commises à
l’endroit de peuples entiers, en s’emparant de leurs richesses et en les
poursuivant chaque fois qu’ils essaient de reconquérir leur indépendance et
leur souveraineté sur leur propre territoire. C’est le cas en Amérique latine
où on continue à défaire des gouvernements légitimement élus, comme au Honduras
et au Paraguay.
D’ailleurs,
Benoît XVI se garde bien de parler de l’Amérique latine dans ses grandes
interventions. Son silence lui permet de garder ses bonnes relations avec
l’Empire.
Je termine
avec un dernier commentaire, question de ne pas être trop long
« De
plusieurs côtés, il est reconnu qu’aujourd’hui un nouveau modèle de
développement comme aussi un nouveau regard sur l’économie s’avèrent
nécessaires.
Depuis plus
de treize ans, plusieurs pays de l’Amérique latine oeuvrent à l’émergence d’un
nouveau modèle de société. Celui qui en aura marqué les principales
caractéristiques est le Venezuela sous la gouverne d’Hugo Chavez.
Dans son cas,
il tourne le dos au « capitalisme qui ravale l’homme au rang de
marchandises » et se tourne plutôt vers un socialisme qui rejoint pour
l’essentiel les lignes directrices de l’encyclique Paix sur terre de
Jean XXIII. Un de ces principes reconnaît « l’État autant que nécessaire
et le privé autant que possible. »
Selon cette
approche l’État est le maître d’œuvre et le premier responsable de la
gestion des richesses d’un peuple et de la réalisation du bien commun de la
société. Tous les autres intervenants doivent s’ajuster à cette gérance de
l’État, tout orientée au service du bien commun.
Alors,
pourquoi ne pas avoir parlé de ces expériences nouvelles qui révolutionnent
actuellement la vie de millions de Latino-Américains et qui ouvrent les portes
vers un avenir plus prometteur pour la justice, la vérité et la paix ?
Pas un mot
sur cette alternative qui apporte de nouvelles perspectives de développement et
projette un nouveau regard sur l’économie.
Conclusion
Les mots et
les discours trouvent leur âme dans le vécu des personnes et des peuples. S’ils
n’en jaillissent pas, elles demeureront lettre morte.
L’engagement
et la capacité de nommer les choses et les personnes par leur nom donnent à son
auteur la mesure de sa liberté et de sa crédibilité.
Oscar Fortin
Québec, le 3
janvier 2013
Vous dites admirablement à voix haute ce que beaucoup de gens pensent du "cirque romain actuel" de la chrétienté. Ce cirque s'effondre lentement mais surement... Dieu merci!
RépondreEffacervous êtes un vrai
RépondreEffacerrêveur équitable
Monsieur Fortin
j'adore votre engagement
humaniste
Pierrot
www.reveursequitables.com
www.enracontantpierrot.blogspot.com
pierrot@reveursequitables.com
@anonyme
RépondreEffacermerci et bonne année
@anonyme
RépondreEffacermerci et bonne année
"La guerre c'est la paix"
RépondreEffacerGeorge Orwell
1984