samedi 14 mai 2016

POUR UNE ÉGLISE MULTIPOLAIRE ET MULTICENTRIQUE




Le temps des pouvoirs impériaux, tant politique que religieux, semble tirer à sa fin. Déjà, sur le plan politique, nous assistons à cette grande confrontation entre les tenants d’un monde multipolaire et multicentrique ,que sont les pays MEMBRES du BRICS, et les tenants d’un monde unipolaire et uni centrique, que sont les États-Unis et ses alliés de l’OTAN.

Sur le plan religieux, l’Église catholique, dont le pouvoir impérial trouve sa source d’inspiration dans le pouvoir impérial politique, se voit confrontée également à ce questionnement d’une gouvernance impériale versus une gouvernance décentralisée et multipolaire. Il faut reconnaître que la présence et l’action du pape François ouvrent les portes à ce questionnement. En réponse à une lettre toute récente du grand théologien Hans Kung qui lui demandait d’ouvrir un débat sur l’infaillibilité papale, le pape François lui aurait répondu qu’il partageait cette même préoccupation. De toute évidence, l’image de ce dernier ne nous renvoie pas à celle d’un pape tout-puissant et infaillible, mais plutôt à celle d’un pape, serviteur et faillible. Ne proclame-t-il pas à qui veut l’entendre qu’il est surtout un pécheur ? « Qui suis-je pour juger ? » répondait-il aux journalistes qui l’interrogeaient dans l’avion, à son retour du  Brésil,  sur la question de l’homosexualité.

L’Église, comme institution et communauté de foi, entre dans une phase qui va au-delà des réformes cosmétiques qui visent à la faire apparaître plus transparente, plus attentive aux préoccupations des temps que nous vivons. Les changements qui l’attendent portent sur les structures mêmes du pouvoir que le Vatican, la Curie romaine, les Évêques s’approprient, en exclusivité, pour diriger la vie des chrétiens à travers le monde.

Pour peu qu’on s’y attarde, le message de Jésus, relaté dans les Évangiles, et celui de Paul de Tarse, exprimé dans ses lettres aux diverses communautés chrétiennes, nous révèlent que l’exclusivité réclamée de certains pouvoirs  par les autorités ecclésiales, ne leur sont pas exclusifs. Il en est ainsi, entre autres, pour le pouvoir de lier et de délier.

L’Évangéliste Mathieu met en relief  les deux autorités, dans l’Église, qui disposent de ce pouvoir de lier et de délier. Si on nous a surtout parlé de l’autorité de Pierre (Mt.16, 18-19), il n’en fut pas de même pour l’autorité des communautés chrétiennes qui disposent également de ce pouvoir (Mt.18, 15-18).

Le contexte de la transmission par Jésus aux communautés chrétiennes (Église) de ce pouvoir de lier et de délier est celui des relations d’entraide et de corrections mutuelles qui doivent exister entre les membres de ces communautés.

« Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S`il t`écoute, tu as gagné ton frère. Mais, s`il ne t`écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l`affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S`il refuse de les écouter, dis-le à l`Église; et s`il refuse aussi d`écouter l`Église, qu`il soit pour toi comme un païen et un publicain. Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. »

Ce pouvoir de l’Église, communauté de foi et de vie, est tout aussi réel que celui de Pierre, fondement de cette communauté de foi et de vie. Même si ce pouvoir n’a pas été mis en relief par les institutions ecclésiales, il est bien là et rappelle aux hiérarchies ecclésiales qu’ils n’ont pas l’exclusivité du pouvoir de Dieu, pas plus d’ailleurs de celui de l’Esprit saint. Sur ce dernier point, il importe de lire et de relire l’apôtre Paul dans sa lettre aux Éphésiens.

«A l'un, c'est un discours de sagesse qui est donné par l'Esprit ; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit ; à chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun; à un autre la foi, dans le même Esprit ; à tel autre les dons de guérisons, dans l'unique Esprit; à tel autre la puissance d'opérer des miracles ; à tel autre la prophétie ; à tel autre le discernement des esprits ; à un autre les diversités de langues, à tel autre le don de les interpréter. Mais tout cela, c'est l'unique et même Esprit qui l'opère, distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l'entend. » (1Cor.12, 7-11) Vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandirons de toute manière vers Celui qui est la Tête, le Christ, » Éphésien 4, 11-15

L’image du corps utilisée par Paul illustre bien la réalité fondamentale de l’Église dont le Ressuscité est toujours la Tête et l’Esprit saint, l’âme qui transforme chaque membre les rendant complémentaires les uns avec les autres dans cette grande mission de l’avènement du Règne du Père sur la terre comme dans les cieux. Un Corps, multicentrique et multipolaire par ses membres, le tout ordonné et animé par le Christ qui en est toujours la Tête bien vivante et l’Esprit saint qui en est le mouvement. L’un et l’autre sont irremplaçables et agissent sans devoir demander la permission à qui que ce soit.

Ephésiens 2:20-21 ^

Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus Christ lui-même étant la pierre angulaire.

En lui tout l`édifice, bien coordonné, s`élève pour être un temple saint dans le Seigneur.

Il est intéressant de relever dans ce texte la place des prophètes, tout aussi importante que celles des apôtres. Si ces derniers ont occupé dans la hiérarchie ecclésiale tout l’espace consenti aux successeurs des apôtres, il n’en fut pas de même pour les successeurs des prophètes mis à l’écart de ce pouvoir ecclésial. Ils en sont plus souvent que moins les victimes de ce pouvoir.


QUE CONCLURE ?

Le temps où les autorités ecclésiales se réservaient l’exclusivité de certains pouvoirs est périmé. L’Église comporte deux composantes irremplaçables que sont le Christ ressuscité, Tête de l’Église, et l’Esprit saint qui en est le moteur de vie. Ils sont au cœur de l’Église depuis ses origines jusqu’à nos jours.  Le pape, comme chef de l’Église n’est pas là pour se substituer ou pour remplacer le Christ, Tête de l’Église, pas plus d’ailleurs pour remplacer l’Esprit saint. L’Église demeure cette communauté de croyants qui témoigne de Jésus de Nazareth et qui agit dans le monde par l’action de l’Esprit saint lequel distribue ses dons comme bon il l’entend pour qu’advienne le règne du Père sur terre comme au ciel.

Les reproches que Jésus s’est permis de relever contre le Sanhédrin et les grands prêtres (Mt.23) sont les mêmes que nous pouvons formuler contre le Vatican et ceux qui y règnent en roi et maître. Ces derniers font partie d’un pouvoir maintes fois complice des pouvoirs impériaux de conquêtes et de domination. Le livre de l’Apocalypse en parle comme d’une grande prostituée (Ap.17).

Déjà, au temps des prophètes de l’A.T., cette tricherie était perçue et dénoncée, mais la conscience des peuples ne s’en était pas encore approprié pour l’éliminer complètement.

« Ainsi parle l'Éternel : pratiquez la justice et l'équité ; délivrez l'opprimé des mains de l'oppresseur ; ne maltraitez pas l'étranger, l'orphelin et la veuve ; n'usez pas de violence, et ne répandez point de sang innocent dans ce lieu. » (Jér.22 :3)

Un retour au langage des prophètes de l’Ancien Testament ne peut que redonner vigueur aux véritables artisans de la justice et de la paix dans le monde.

Pour conclure, il est évident que tous les sacrements de l’Église doivent être repensés et articulés dans la perspective d’une Église multipolaire et multicentrique sous la gouverne du Ressuscité et de son Esprit.

« Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux. » Mt.18,20

Oscar Fortin

Le 14 mai 2016

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