mardi 15 novembre 2016

L’ÉLECTION DE DONALD TRUMP


UN DÉFI POUR L’ÉGLISE ET L’ÉTAT DU VATICAN


L’idée de cet article m’est venue à l’esprit suite aux prises de position de l’épiscopat étasunien et du pape François devant le fait accompli de l’élection de Donald Trump. Ce n’est pas dans leurs habitudes de se prononcer aussi rapidement sur le résultat d’une élection et encore moins, de le faire d’une façon aussi négative comme si l’élection d’Hillary Clinton, candidate de la guerre et de la corruption, eut été une rosée du matin. Donald Trump, dans un de ses discours, avait pourtant dit bien clairement que cette élection n’était pas un simple changement de gouvernement, mais un changement de direction. Si l’Amérique profonde a élu Donald Trump, l’État profond en a perdu ses rêves ainsi que ceux qui en étaient ses alliés, dont l’État du Vatican. L’Église doit retrouver sa catholicité et l’État du Vatican se demander ce qu’il fait dans cette galère du pouvoir.

LA CATHOLICITÉ DE L’ÉGLISE SERAIT-ELLE VICTIME DE LA PARTISANERIE DE L’ÉTAT DU VATICAN ?

L’Église dont il est question ici est celle qui se caractérise par son universalité et rejoint, sous une forme ou une autre, tous les humains de la terre. C’est le sens véritable de la « catholicité » dont elle se réclame.

La catholicité exprime, avant tout, l’universalité qui est l'une des marques de la véritable Église. Effectivement, cette Église dont le Christ est la tête rejoint tous les humains de cette terre pour en faire des frères et des sœurs aimés d’un même Père. Pour le croyant, la vie, la passion et la mort de Jésus sont directement reliées à cette humanité blessée par le péché. Il a pris sur lui le fardeau de cette faute pour l’en libérer. Il ne s’agit donc pas d’une catholicité de sectes, de religions institutionnalisées ou encore de doctrines, mais d’une catholicité de vie nouvelle destinée à tous les humains de la terre. C’est en ce sens qu’il nous faut comprendre la véritable catholicité de l’Église à ne pas confondre avec la catholicité de l’État du Vatican.

Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on relève cette dichotomie profonde qui existe entre la foi des Évangiles et la foi dans les institutions vaticanes qui comprennent, entre autres, l’État du Vatican et tous les dicastères qui lui sont rattachés. La doctrine en arrive à se substituer aux Évangiles, le droit canon se substitue à la morale de conscience et les représentants politiques de cette institution se transforment en alliés inconditionnels des puissances dominantes de l’Occident au cœur duquel ils se trouvent. Leur catholicité se ramène à cet Occident  et à ceux qui en assurent les destinées. C’est ainsi que l’État du Vatican est devenu une dépendance de l’État profond qui domine et régit les gouvernements de cet Occident.

Il n’est pas surprenant que cet État du Vatican ne remette jamais en cause cet État profond dont il connaît très bien les avenants et aboutissants.

Au début des années 1960, alors que la conscience des peuples s’éveillait aux manipulations dont ils étaient les premières victimes et que ces derniers s’organisaient pour y mettre un terme, le langage de l’Église-institution s’est vite retrouvé dans la formulation magique « qu’il faut d’abord changer les cœurs avant de vouloir changer les structures ». C’était la manière de ralentir les mouvements révolutionnaires qui prenaient forme en Amérique latine, en Afrique et dans d’autres régions du monde.

Lorsque ces mêmes peuples arrivèrent à s’imposer par des voies démocratiques, le discours de l’Institution ecclésiale devint autre. Il s’agissait alors de combattre le communisme auquel ils étaient systématiquement identifiés, peu importe qu’ils soient des chrétiens préoccupés de justice sociale ou des non-chrétiens soucieux de la reprise en main, par leur peuple, du pouvoir de leur État.

Pour les habitués de l’Amérique latine, il y eut, entre autres, le coup d’État militaire du catholique Pinochet qui renversa le président légitime du Chili, Salvador Allende, le plan  Condor qui fit des dizaines de milliers de morts à travers tous les pays de l’Amérique latine. Que dire des coups d’État au Brésil, 1964 et 2016, de celui des généraux en Argentine  en 1976? Dans tous ces cas, l’Église-institution, au lieu d’élever haut et fort sa voix pour condamner ces crimes, elle s’est faite plutôt discrète et, avec l’arrivée du pape Jean-Paul II (1978), elle est devenue ouvertement complice de ces persécutions faites au nom de la lutte contre le communisme. Lors de son voyage au Chili, en 1987, il a été plutôt complaisant avec Pinochet qu’il visita en prenant bien garde de ne pas parler des milliers de prisonniers politiques et de l’usage sans retenue de la torture. Au Nicaragua, il s’était même donné pour mission de renverser le gouvernement sandiniste en comptant sur un peuple qui se laisserait influencer par sa parole. Ce ne fut pas le cas, car c’est lui qui dut prendre à toute vitesse son avion de retour à Rome. Son grand ami Reagan en fut certainement peiné. Cette histoire nous est racontée par le père Ernesto Cardenal, alors ministre de la Culture dans le gouvernement sandiniste.

Il est important de rappeler ici ce pacte secret, signé, en 1982, par Jean-Paul II et le président Reagan dans la bibliothèque du Vatican. Voici ce qu’en dit Eduardo Febbro :

Ce pacte, connu sous le nom de “Sainte-Alliance” doit son existence à l’un des personnages les plus sombres de la diplomatie du Vatican : Pio Laghi, ex-Nonce apostolique en Argentine (1974-1980) et artisan, dans les années 80, de la reprise des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Washington. Laghi était un homme de robe, ambiguë et à la main de fer, ami et protecteur de la Junte militaire argentine, réactionnaire et aveuglé par le spectre du communisme. »

Un second pacte sera signé, en 2014, par le pape François et Obama dans le cadre de la reprise des relations diplomatiques entre Cuba et Washington. Son contenu, étant secret, nous ne pouvons qu’en déchiffrer certains points à travers les comportements de certains épiscopats. Ces derniers peuvent nous en donner quelques indices. Au Venezuela, par exemple, l’épiscopat parle toujours du communisme, du marxisme qui contamine la vie politique du pays. Pour sa part, le cardinal Oscar Andres Rodriguez Maradiaga, ex-Cardenal du Honduras, complice du coup d’État militaire de 2009 contre le président, Manuel Zelaya dont ses sympathies pour Chavez étaient inacceptables, ne se gène pas pour décrier le chavisme comme un noyau de corruption et de ramener le peuple vénézuélien au niveau d’un populisme de basse cour. « Les populismes dont ce socialisme du XXIe siècle s’alimente ne sont que des feux de paille. »

Cette histoire de l’Église institution se poursuit avec les épiscopats en Bolivie qui ne manquent pas une occasion pour critiquer le gouvernement d’Évo Morales, il en va de même au Venezuela, où l’épiscopat s’est fait bien présent lors du coup d’État de 2002 et présentement contre le gouvernement de Maduro. C’est également le cas pour  l’Équateur et le Nicaragua. Je ne parle pas du cas de Cuba qui fut perçu par l’Église, dès les débuts de la révolution, avec les mêmes yeux de Washington.

Voilà ce qu’est la catholicité de l’État du Vatican. Elle n’a rien à voir avec la catholicité de l’Église dont le Christ est la Tête et l’Humanité ses membres. De fait, toute personne de bonne foi, anxieuse de justice, de paix, de solidarité, de vérité, de compassion et d’entraide sont nourries et soutenues par l’Esprit qui alimente ce corps auquel tous les humains de la terre se rattachent d’une façon ou d’une autre. Pour Jésus, l’important n’est pas tellement de croire en lui, mais de croire en ses œuvres qui sont des oeuvres qui rejoignent  les grandes valeurs qui permettent aux personnes humaines de se reconnaître, de se respecter, de se solidariser dans la justice et la vérité.

Je termine en interpellant particulièrement l’épiscopat étasunien.

Comment se fait-il que cet épiscopat ne se soit jamais manifesté avec autant d’audace pour dénoncer ces guerres interventionnistes des États-Unis qui ont fait et continuent de faire des millions de morts au Moyen-Orient et un peu partout dans le monde ? Qu’ont-ils à dire sur les 3 millions de Syriens qui ont dû quitter leur pays en raison, non pas du gouvernement légitime de Syrie, mais de cette guerre interventionniste des États-Unis  dans ce pays ? Que pensent-ils ces évêques de la formation et du financement des terroristes ainsi que des armes qui leur sont remises ?  Ces sujets, faut-il croire,  ne font pas partie de leur liste de priorités.

L’Église, à travers l’État du Vatican, est instrumentalisée pour servir les intérêts du nouvel ordre mondial, voulu et pensé par les grandes oligarchies.  Elle en fait partie. L’Église pour retrouver sa catholicité doit se débarrasser de l’État du Vatican, véritable boîte de Pandore du pouvoir.

Oscar Fortin

Le 15 novembre 2016




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