VIT TOUJOURS AVEC SES CONTRADICTIONS
Le
Conseil épiscopal latino-américain (Celam),
fondé en 1955, regroupe les présidents des Conférences épiscopales nationales
des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes. Tous les 4 ans, il y a une
assemblée générale ordinaire pour définir les orientations pastorales et élire
les différents dirigeants de l’assemblée. Du 3 au 9 mai 2017, s’est réalisée à
San Salvador la XXXVIe assemblée générale pour célébrer le centième
anniversaire de Mgr Romero, assassiné
le 24 mars 1980.
On
peut dire, sans trop se tromper, que l’ensemble de l’épiscopat latino-américain
se démarque, entre autres, par un certain conformisme religieux qui fait d’eux
des personnages prestigieux et importants dans l’Église, mais aussi dans la
société. Ils font partie de l’élite sociale et leur environnement de vie
s’ajuste à celle de ce milieu.
Il
faut toutefois reconnaître qu’un certain nombre de ces évêques ont eu la grâce
de répondre, par leur vie et leurs engagements, à la clameur de leur peuple,
soumis à des conditions de vie inhumaines, n’ayant d’autres voix pour se faire entendre
que celle de leurs propres souffrances.
Au Brésil, Don Helder
Camara est un de ceux-là, tout comme Mgr Oscar Romero
au San Salvador. Ces évêques, convertis à la pauvreté avec les pauvres pour en
devenir une voix qui éveille les consciences des nantis et des puissants, ne
sont pas légion. Par contre, beaucoup de prêtres, religieux et religieuses, ont
répondu à cet appel et sont devenus d’authentiques militants au service de la
cause des pauvres et des humiliés de la terre.
Ces
quelques évêques et missionnaires engagés auprès des pauvres ont redécouvert
une lecture des évangiles et une compréhension de l’engagement de foi. Ce fut
l’émergence de ce qu’on a dénommé la théologie
de libération que le père Gustavo
Gutierrez a formalisée de manière à ce que la mission de l’Église conduise
inévitablement à la promotion et à la libération des pauvres et des humbles.
En
1968, à Medellin, il y eut la rencontre du Conseil épiscopal de l’Amérique
latine avec la présence du pape Paul VI, grand ami de Don Helder Camara du
Brésil. Ce fut une rencontre où beaucoup d’éléments de cette approche
théologique d’être avec les pauvres et en solidarité avec ces derniers ont
donné une lueur d’espoir à ceux et celles qui avaient fait le choix d’être avec
les plus démunis et d’être solidaires, avec ces derniers, dans leur combat de
libération d'une pauvreté inhumaine. C’était, pratiquement, la sortie d’une
Église confinée à la sacristie, pour rejoindre une Église d’hommes et de femmes
parlant le langage des Évangiles par leurs souffrances, les injustices qui les
retenaient dans la misère, mais aussi par leur solidarité humaine qui en
faisait de véritables communautés.
Ce
tournant d’une certaine force vive de l’Église a généré bien des peurs et mis
en branles les lobbies nécessaires pour que les plus hautes autorités de
l’Église mettent fin à ces missionnaires militants qui œuvrent avec ces milieux
de vie pour qu’ils en sortent et retrouvent toute leur dignité. Washington
n’aimait pas ça et c’est avec grand soulagement qu’il a vu l’arrivée d’un
nouveau pape en la personne de Jean-Paul II. Avec ce dernier, anticommuniste
jusqu’à la moelle des os, cette théologie de libération qu’il confondait avec
ce communisme ne ferait pas long feu. De 1978 à 2005, il a pu prendre en main
le choix des évêques qui allaient prendre la relève. La lutte contre ce virus
malsain allait devenir l’objectif premier de l’action de l’église hiérarchique.
On continuera de parler des pauvres et de l’amour de l’Église à leur endroit,
mais la sacristie redeviendra l’endroit des retrouvailles de l’Église avec son
peuple.
Ce
ne sera qu’avec l’arrivée du pape François que certains de ces théologiens
pourront retrouver leur place dans l’Église. C’est le cas, entre autres, de Leonardo
Boff, de Miguel
d’Escoto et Gustavo Gutierrez dont j’ai parlé plus haut. Si le pape
François apporte un air frais avec son mode de vie, son Exhortation apostolique
Evangelii
gaudium et son Encyclique Laudato
si, il doit composer avec des évêques dont un grand nombre sont là depuis
Jean-Paul II. Tout ce qui résonne comme socialisme devient vite du communisme
et du marxisme. Ces derniers peuvent maintenir leurs discours pour les pauvres
et au service des pauvres, mais ces derniers ne sont pas crédibles, en raison
du fait que leurs actions vont à l’encontre des politiques qui favorisent le
bien commun de l’ensemble du peuple. Le cas de l’épiscopat du Venezuela en est
une illustration parfaite.
Le
régime politique, mis en place sous la gouvernance de Chavez, s’inspire d’un
socialisme, dit du XXIe siècle. Pour faire court, il s’agit d’un régime dont
la constitution a été élaborée avec le peuple et reconnue par ce dernier dans
le cadre d’un référendum, gagné avec 71% des voix. Cette constitution fait
appel à une démocratie participative et non représentative. Le peuple, par
diverses voies, est pris en considération dans les décisions prises et il peut
de lui-même, moyennant les signatures requises, demander la destitution du
Président ou de toute autre personne en autorité. Le bien commun du peuple est
l’objectif premier du partage des richesses du pays, dont le pétrole occupe une
toute première place. La Constitution prévoit les dates des élections. Pendant les 17 années sous direction du chavisme,
l’accès aux services de santé a été établi dans toutes les régions du pays et
ces soins sont gratuits. Il en va de même avec l’éducation devenue accessible à
tous et toutes, du primaire à l’universitaire. Plus de 1 600 000 logements ont
été livrés à autant de familles.
Le
conflit qui fait rage actuellement au Venezuela est en fermentation depuis
l’arrivée de cette révolution. L’opposition de l’époque qui s’était aventurée
en 2002 pour renverser le président Chavez est toujours les mêmes aujourd’hui.
Ils sont dominés par les oligarchies nationales et guidés par Washington qui n’a pas renoncé aux ressources
abondantes de pétrole ainsi que des mines, dont celles d’or. L’épiscopat
vénézuélien demeure toujours opposé à ce régime du socialisme du XXIe siècle
qu’elle décrit comme « système totalitaire, militariste, policier, violent
et oppresseur, lequel est à la source de tous les maux dont souffre notre
pays. » Cette compréhension de ce socialisme du XXIe siècle est, pratiquement,
partagée par l’ensemble des conférences épiscopales de l’Amérique latine et des
Caraïbes.
L’Oncle
Sam est bien heureux d’avoir à ses côtés ces épiscopats pour donner une valeur
morale à ses interventions pour renverser ce régime et y implanter un nouveau
sur lequel il aura tous les pouvoirs. En cela, le Celam porte une profonde
contradiction : celle de ne pas reconnaître dans le régime chaviste le
visage humain de la doctrine sociale de l’Église telle qu’exprimée, entre
autres, par Jean
XXIII dans ses Encycliques Mater et Magistra et Pacem in terris et d’autre
part d’ouvrir grande ouverte les portes à une intervention de Washington pour
s’emparer de l’État et de ses richesses. Ce dernier représente ce que la pape
François a qualifié de capitalisme sauvage dans Evangelii gaudium.
Dans
ce scénario du Venezuela, la conférence épiscopale et le Celam jouent un rôle
semblable à celui de l’Organisation des États américains (OEA). Ils ont pris
parti pour l’opposition violente qu’ils se sont bien gardés de dénoncer dans
leurs conclusions. Ils ont plutôt nommé un comité pour suivre le déroulement
des évènements. Aucun appel n’a été fait pour donner suite à la convocation du
Président pour une Assemblée nationale constituante et encore moins pour dénoncer
les crimes commis par une opposition devenue terroriste.
Ces
évêques peuvent toujours maintenir leurs discours d’une Église pauvre avec les
pauvres, mais leurs engagements politiques avec les oligarchies et l’empire en
annulent toute la crédibilité.
Oscar
Fortin
Le
15 mai 2017
Je
vous laisse avec cette dernière référence aux deux pactes signés entre le
Vatican et Washington.
J'y ajoute cette autre référence au pacte des Catacombes
http://nsae.fr/2015/11/30/limpact-du-pacte-des-catacombes-sur-leglise-daujourdhui/
http://nsae.fr/2015/11/30/limpact-du-pacte-des-catacombes-sur-leglise-daujourdhui/
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