samedi 12 août 2017

RÔLE DE L’ÉPISCOPAT VÉNÉZUÉLIEN DANS LA CRISE QUE VIT LE PAYS






Si nous nous en tenions à ce que notre presse officielle nous raconte sur le Venezuela, nous en serions à n’y voir qu’un dictateur sanguinaire, qui prend plaisir à faire souffrir son peuple en le privant de nourriture et de médicaments. Un peuple, finalement, au plus bas de la misère humaine, avec des ressources en pétrole et en minerais comme pas un au monde. Qui, devant un tel tableau, ne crierait pas au scandale et à une intervention de la communauté internationale pour mettre fin à un tel génocide. Déjà les États-Unis, ces gardiens fiables du respect des droits des personnes et des peuples dans le monde se disent prêts à une intervention militaire si nécessaire. Nous savons ce dont ils sont capables de faire: l’Irak, la Libye, la Syrie, l’Ukraine en sont de bons exemples. Avec des bombardements humanitaires, ils ont fait plus d’un million de morts en Irak, des centaines de milliers en Libye et tout autant ou sinon plus en Syrie.

MAIS QU’EN EST-IL VRAIMENT ?

Le Venezuela vit sous un régime de droit démocratique à laquelle sont invités à participer toutes les composantes de la société. Il est un des rares pays de s’être donné une constitution en y faisant participer des représentants de tous les milieux. En 1999, cette Constitution était validée par un vote référendaire majoritaire. Sa particularité est qu’elle définit  sa révolution dans le cadre d’un projet où la démocratie représentative, propre au néolibéralisme, est caractérisée par une démocratie participative à l’intérieur de laquelle le pouvoir du peuple a toujours un espace pour faire valoir son point de vue. Par exemple, le peuple, moyennant certaines conditions prévues à la Constitution, peut décider d’un référendum révocatoire pour déloger un président  ou n’importe quelle personne en autorité, s’il le juge nécessaire. Cette révolution se définit également dans le cadre d’un socialisme du XXI, inspiré des valeurs de Bolivar, le père de l’indépendance, et d’un humanisme qui rejoint sous bien des aspects la doctrine sociale de l’Église. Il s’agit également d’une révolution anti-impérialiste au sens ou le peuple et l’État sont souverains et n’ont de compte à rendre à aucun autre État qui se réclamerait de sa supériorité pour en faire un vassal.


Dans pareil contexte, pas surprenant que ceux qui ont toujours considéré l’Amérique latine et les Caraïbes comme leur Cour arrière l’aient mal pris, d’autant plus que le Venezuela regorge de pétrole, comme pas un pays au monde, et de riches minerais, dont l’or, en grande quantité. Cette révolution s’est amorcée par des élections libres, réalisées en 1998, lesquelles ont porté au pouvoir le charismatique Hugo Chavez. Dès le départ de ce nouveau règne, les forces de l’empire, jointes à celles des oligarchies nationales et de l’épiscopat vénézuélien, font front commun pour faire de cette révolution un échec, de quoi faire réfléchir les autres peuples à ne pas aller dans cette direction.

En avril 2002, il y eut un coup d’État militaire qui n’aura duré que quelques heures, le temps que le peuple et une partie de l’armée, restée fidèle au Président, se mobilisent spontanément pour venir à la rescousse de leur Président et pour y chasser les envahisseurs complotistes au milieu desquels se trouvait le cardinal de l’époque. Il y a eu, en 2004, un référendum révocatoire contre Chavez que ce dernier a gagné haut la main. L’offensive des adversaires a maintenu la pression avec des sabotages orchestrés pour affecter sérieusement l’industrie pétrolière et l’économie dans son ensemble. 

Le 5 mars 2013, Chavez meurt d’un cancer dont l’origine criminelle nous sera révélée un jour. On pensait qu’avec la mort de Chavez tout allait s’écrouler et que la vie normale de l’Empire allait reprendre ses fonctions de grand patron, mais tel ne fut pas le cas. C’était ignorer le peuple vénézuélien et son niveau de conscience sociale, politique, économique et militaire.

En novembre 2013, des élections à la présidence ont lieu et tout fut mis par les forces de l’opposition pour que le candidat de la révolution ne puisse gagner. Malheureusement pour eux,  Nicolas Maduro, candidat suggéré par Chavez, avant sa mort, a gagné cette élection avec 200 000 voix de plus que son adversaire, un certain Henrique Capriles, bien connu pour ses interventions criminelles à l’ambassade de Cuba, lors du coup d’État militaire de 2002. Il est également reconnu pour être un homme clef de Washington.


Celui que les médias officiels de l’Empire appellent le dictateur, n’est autre que ce Nicolas Maduro Moros, né un 23 novembre 1962 à Caracas, ancien chauffeur de bus puis leader syndical, il fut secrétaire d’État pour les relations extérieures sous la gouvernance de Chavez.  Il fut élu président, conformément aux dispositions de la constitution, par le peuple pour présider les destinées du Venezuela jusqu’en 2019. Inutile de dire que lui, pas plus que Chavez, n’a connu de répit. Il est vite devenu l’homme à abattre. Ce fut la mise en place d’une guerre économique, comme seul l’empire sait les préparer, en vue d’affecter directement les secteurs les plus démunis et une partie importante de la classe moyenne. L’objectif est de créer le plus de mécontentement dans la population par ces mesures de rationnement, en nourriture et en médicaments, voulues et planifiées par les forces de l’opposition dans le but d’en rendre responsable le gouvernement et de créer ainsi le rejet de cette révolution qui se révèle être un grand échec. Les médias s’acharnent à relever ces  files d’attente insupportables et à en accuser le gouvernement de crimes contre le droit des personnes à une alimentation saine. Il faut dire qu’au Venezuela, les médias privés de communication sont nombreux et bien encadrés par les oligarchies locales. À ce climat de désespérassions,  les forces de l’opposition ont ajouté des actes de violence que l’on présentait au national et à l’international comme étant des soulèvements du peuple qui n’en pouvait plus de cette révolution.

En 2015, il y a eu des élections législatives qui, pour une fois, assurèrent la majorité à des députés  de l’opposition. Contre mauvaise fortune, le gouvernement fit bon cœur et accepta sans questionnement les résultats de l’élection. Toutefois, les choses se gâtèrent lorsque le nouveau président de l’Assemblée nationale, Ramon Allup, déclara dès ses premiers mots que le sort de l’actuel président était décidé et qu’il ne serait plus là dans six mois. Une manière offensante de s’arroger un pouvoir qui n’appartient d’aucune manière à l’Assemblée nationale. Entre temps, le Conseil national électoral (CNE) a identifié trois députés, de la banquette de l’opposition, ayant été élus frauduleusement. Le tribunal suprême de justice (TSJ) ordonna la mise en place des dispositions nécessaires pour procéder à de nouvelles élections pour remplacer ces trois députés, élus frauduleusement. Plutôt que de donner suite à cette décision du plus haut tribunal du pays, le président de la l’Assemblée nationale, assermenta ces trois députés n’y ayant pas droit. Ce fut par la suite  la procédure pour un référendum révocatoire qui n’aboutit tout simplement pas pour des motifs d’irrégularités. De cette manière, la majorité de l’AN se plaçait hors la loi et rendait inopérantes les décisions qu’elle pouvait prendre. Il faut dire que cette situation entraîna de nombreux autres problèmes. Le message de l’opposition a toujours été que le gouvernement était responsable de tout, que Maduro contrôlait le TSP, le CNE  et qu’il ne reconnaissait pas le pouvoir de l’A.N.

En avril dernier, plus de trois millions de Vénézuéliens et Vénézuéliennes se sont regroupés dans les rues de Caracas pour apporter tout leur soutien au président Maduro et lui rappeler que le peuple était avec lui.Il faut dire qu’à ce moment le président Maduro faisait l’objet de critiques sévères à l’interne comme à l’externe et que des actions violentes, financées à même l’opposition, dirigée depuis Washington, avaient commencé à faire passablement de dommage.  Pour remédier à cette situation de violence, le Président, invoquant les dispositions de Constitution, décide, le 1er mai,  de convoquer une Assemblée nationale  constituante dans le but de mettre un terme à cette violence. Le 30 juillet, seront jour d’élection de cette ANC qui comprendra 545 personnes, lesquelles disposeront d’un pouvoir plénipotentiaire sur tous les autres pouvoirs.

L’Épiscopat vénézuélien a été un des premiers à dire qu’il ne reconnaîtrait pas cette ANC, suivi de près par l’opposition. Pendant que les forces gouvernementales mobilisaient  les divers secteurs de la société pour donner forme à cette ANC, la violence, fomentée par l’opposition, allait en s’accentuant.

Plus de 50 000 personnes présentèrent leur intérêt à participer, comme représentantes à cette ANC. Sur ce nombre près de 6 000 candidats purent remplir, à temps, les formulaires requis. Le 30 juillet, l’élection s’est réalisée en dépit de tous les efforts déployés par l’opposition et ses alliés nationaux et internationaux pour que cette élection ne puisse se réaliser. Plus de 8 089 023 Vénézuéliens et Vénézuéliennes parvinrent aux urnes pour y déposer leur bulletin de vote. Des milliers ont dû traverser montagnes, rivières, vaincre la pluie et faire la file pendant des heures. Un moment magique d’un peuple qui marche debout, la tête haute, le cœur gonflé pour sa révolution et sa démocratie, clairement exprimée dans cette ANC plénipotentiaire.  Je vous laisse sur la déclaration de l’épiscopat vénézuélien à l’annonce de cette convocation.


 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE DU VENEZUELA
30 JUILLET 2017

Il importe de signaler, ici, que ceux qui se proclament démocratiques ont tout fait, en ce jour, pour que le peuple ne puisse aller voter. Des milliers de témoignages ont été recueillis de personnes dont on  a menacé de brûler leur maison, de tuer leurs enfants.  En somme, des choses incroyables. Ce sont ces mêmes personnes qui diffusent mondialement le portrait du Venezuela que je vous ai tracé dans le premier paragraphe de cet article. Mentir, manipuler, menacer, font partie de la morale de ces gens.

C’est triste à dire, mais l’épiscopat vénézuélien fait partie de ces mensonges, de cette manipulation, de ces menaces et s’il y a guerre il fera partie de cette guerre.  L’opposition a beau jeu avec cet épiscopat de la bouche duquel ne sortira rien de négatif à son endroit. Il ne relèvera jamais la violence, les mensonges, les tricheries de cette dernière. Dans ses déclarations, il s’applique à rendre responsable le gouvernement de Maduro de tous les maux dont souffre le pays. IIl s’agit d’un épiscopat qui peut compter sur le Secrétaire général de l’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, ex-Nonce apostolique du Venezuela.

Cette alliance des intérêts du Vatican avec les intérêts de Washington peut se comprendre dans le cadre de deux Pactes qui les unissent l’un à l’autre.  Pour le Vatican, en la personne de Pietro Parolin, et pour l’épiscopat vénézuélien, il s’agit d’une lutte à finir contre le communisme et le marxisme qu’ils continuent de voir dans toutes les révolutions sociales.  Pour Washington, il s’agit d’une reprise du pouvoir perdu sur l’État vénézuélien et ses richesses. L’épiscopat et le Vatican, en voulant se débarrasser du soi-disant communisme marxiste, deviennent un allié de première main de Washington pour soutenir le capitalisme sauvage dont parle le pape François dans son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium. Une autre des grandes contradictions d’une Église demeurée accrochée au siècle dernier pour les uns et déjà engagée dans le  XXIe siècle pour les autres.

Je vous laisse avec un texte portant sur ces deux pactes secrets du Vatican avec Washington.


Mon point de vue est que l’Église, l’authentique Église n’est plus avec ces hiérarchies ecclésiales, transformées en complices de pouvoirs que dénoncent les Évangiles et la Doctrine sociale de l’Église. En Amérique latine, aucun coup d’État ne serait possible si l’Église s’y opposait avec fermeté. Ce n’est évidemment pas le cas, Washington le sait et les peuples comptent de moins en moins sur cette Église contaminée par le pouvoir. Il retrouve en lui une Église vivante et confiante pour mener à bien sa destinée.

Pour ceux et celles qui se débrouillent en espagnol,  je recommande deux liens sur internet qui vous ouvrent les portes au Venezuela à deux centres de nouvelles télévisuelles qui vous diront ce que nos médias ne nous disent pas.



Oscar Fortin
Le 12 juillet 2017



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