lundi 16 décembre 2019

APPEL À LA PAIX DU PAPE FRANÇOIS


CRÉDIBLE OU NON CRÉDIBLE ?



Chaque année, le premier jour de janvier, le Vatican, par la voix du pape, fait un appel au monde pour que la paix se substitue aux guerres et aux multiples confrontations entre les peuples et les nations.  Ce message, pour 2020, vient d’être porté à la connaissance des médias et du grand public. Il va de soi qu’il reflète la perception qu’a le Vatican des diverses forces qui existent et des multiples intérêts au service desquels elles se portent. Il sait les avenants et aboutissants des divers conflits qui éclatent un peu partout à travers le monde, que ce soit en Amérique latine, au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie. Sa capacité d’information est énorme et ses représentants sont là pour analyser les faits, pour en discerner les intérêts  et en identifier les principaux acteurs. Toutefois, le traitement qu’il fait de toutes ces connaissances répondra, avant tout, à des objectifs qui lui sont propres et à des intérêts auxquels il se doit de répondre.

En tant que chef d’État du Vatican, il fait partie de la communauté internationale des États regroupés au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il se doit, également, de prendre en compte le respect des accords, convenus avec certaines puissances,  dont les deux plus importants sont, sans nul doute, ceux signés avec les États-Unis. Le premier fut signé entre le pape J.P.II et le président Reagan, le 7 juin 1982. Le second fut signé le 21 mars 2014 entre le pape François et Obama. Pour l’essentiel, ces accords permettent aux deux États de collaborer dans leur lutte, menée contre le communisme, le socialisme et toute idéologie s’en inspirant. Pour plus de précisions, voir le lien qui suit. Ce sont des Pactes qui permettent de comprendre bien des choses dans les relations de l’un et l’autre.


Par exemple, si l’on s’arrête quelque peu sur ce qui se passe en Amérique latine et dans les Caraïbes, nous réalisons que de nombreux peuples se soulèvent pour réclamer plus de justice et de respect de leurs droits.  C’est présentement le cas au Chili, en Colombie, en Bolivie et récemment en Équateur. Dans le cas du Venezuela  et du Nicaragua, il y a également des soulèvements, caractérisés, cette fois, par des forces d’opposition, appuyées et soutenues financièrement par les États-Unis. Il faut se rappeler que  pour ce dernier l’Amérique latine est « sa cour arrière » sur laquelle il a plein pouvoir. Le traitement médiatique sera différent selon qu’il s’agit d’un véritable soulèvement du peuple ou selon qu’il s’agit d’un soulèvement commandé par les intérêts de Washington. Dans le premier cas, le peuple qui se soulève sera considéré comme des délinquants, des faiseurs de trouble. Des communistes et socialistes. L’armée et la police seront utilisées pour réprimer avec force ce peuple « délinquant ». Dans le second cas, ce sera le gouvernement qui sera déclaré dictature socialiste, maltraitant, torturant et tuant ses citoyens. Dans l’ensemble des cas, le Vatican et les épiscopats régionaux interprèteront les évènements  dans le sens des intérêts de Washington et seront plus réceptifs aux médias qui vont dans le même sens. Le pape François n’y échappe pas.  Dans le cas des premiers, il fera appel à la négociation, se gardant bien de dénoncer la répression armée contre le peuple. Dans le cas des seconds, il réclamera des gouvernements concernés qu’ils respectent les droits humains et qu’ils s’abstiennent de toute violence. Il s’agit d’un comportement du pape et des épiscopats qui répond aux ententes convenues entre les deux États.


Il est évident que le pape François est au fait de toutes ces choses et des dessous qui en sont l’origine et la motivation. Il a vécu la dictature en Argentine, il a assisté au génocide du Plan Condor et a vu, au-delà la cordillère des Andes, le dictateur Pinochet faire le grand ménage dans tout ce qui était opposition à l’Empire. Cette opposition dans le discours officiel des dictatures et des épiscopats ne pouvait être que de fanatiques communistes, des athées, sans , ni morale, des révolutionnaires sans conscience. Les appels et les mises en garde des Nations Unies sont, dans pareilles circonstances, sans écho alors que les maitres du jeu (l’Empire et le Vatican) font ce que bon leur semble. 

C’est dans pareil contexte que le pape François s’adresse au monde pour promouvoir la paix entre tous les peuples et toutes les personnes.

Il y a deux grandes Institutions dont le regard porte sur l’ensemble de l’humanité et qui se font les apôtres du respect des droits des personnes, des peuples, des laissés pour compte : ce sont les Nations Unieset l’Église catholique. On ne peut que concevoir une relation étroite et fortement unie entre ces deux Institutions. Toutefois les faits démontrent, toutefois, que ce n’est pas nécessairement le cas. 

Le message du pape François


À deux reprises, j’ai lu ce message pour bien m’assurer que je ne me trompais pas en disant qu’en aucun moment il ne s’est référé aux Nations Unies comme instance importante pour la paix dans le monde. Pas plus, d’ailleurs, qu’il ne se réfère à la Charte des droits des Nations Unies que les États membres se sont donnée et qu’ils se doivent de respecter. C’est dans cette Charte qu’on interdit toute forme d’interventionnisme dans d’autres pays de nature à nuire à leur développement et au caractère souverain de leur indépendance. Dans son intervention, le pape François ne trouve pas nécessaire de rappeler aux puissances mondiales l’importance de respecter ce droit fondamental des peuples à disposer de leur propre destin.  Seule, l’ONU, a ce pouvoir d’apprécier et de décider de toute intervention dans un autre pays.  Aucune puissance mondiale dispose de ce droit qui s’applique tout autant aux  États-Unis qu’à tous ceux qui seraient tentés d’en faire tout autant.

Je trouve malheureux le fait que le pape François n’ait pas accordé, dans cette déclaration, tout son appui à l’ONU  et à sa Charte des droits.  Une occasion unique pour rappeler à Washington et à toutes les autres puissances que le Vatican appuie les Nations Unies et reconnait pleinement la Charte des droits que les pays du monde se sont donnée. Le respect de cette Charte est une voie qui ne peut que conduire à plus de paix et de justice. L’interventionnisme, sous toutes ses formes, doit être éliminé, à moins que ce soit sous l’autorité des Nations Unies. Dans la situation présente, Washington se place au-dessus de cette Charte et décide lui-même ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, ce qui est démocratie de ce qui ne l’est pas, etc. 


Aussi curieusement que cela puisse paraitre, tant le Vatican que les épiscopats latino-américains, loin de dénoncer cet interventionnisme de Washington dans les affaires internes d’autres pays, s’en font pratiquement des complices. C’est le cas au Venezuela, ce fut le cas en Bolivie, en Équateur, en Colombie, au Chili, etc.. 

Les parrains de la Mafia se donnent ces pouvoirs dans leur milieu et le pape François n’a pas hésité à les dénoncer et excommunier.  Ce qu’il a fait avec cette Mafia sicilienne, il n’ose le faire avec les États qui agissent sur la base des mêmes principes que les Mafias communes. 


Conclusion

Le monde dans lequel nous vivons est présentement dominé par des forces qui se fondent sur le pouvoir de l’argent et de tout ce que ce pouvoir rend possible. Le pape François qui a écrit l’Exhortation apostolique Evangelii gaudiumsait tout cela. Il a tracé le portrait du capitalisme sauvageainsi que ses effets néfastes sur la majorité de l’Humanité. Il sait que dans le cadre d’un tel système aucune paix ne sera possible et, pourtant, il n’en dit mot.

Seul le réveil des peuples tel que nous le percevons de nos jours permettra de briser ce cercle du pouvoir dominant pour l’étendre à l’Humanité entière. Pour ce faire, toutes les forces de bonne foi, toutes les institutions qui se donnent une vocation humanitaire doivent s’aligner avec ces peuples et non en devenir des obstacles. S’il y a une véritable conversion à espérer du Vatican et de tous ceux qui en vivent, c’est celle qui conduit à cette solidarité humanitaire en faveur de tous les peuples. Cette conversion nous interpelle tous et toutes ainsi que les institutions cléricales, sociales et politiques.

Comme le dit l’Évangile, on ne peut servir deux maitres à la fois, Dieu et Mammon. Il faut choisir pour de vrai la voie qui conduit à la vérité, à la justice, à la solidarité humaine.

Joyeux Noël et bonne et heureuse année 2020.

Que la paix enracinée dans la justice et la vérité vous accompagne.

Oscar Fortin