Au moment où le monde se débat avec la plus grande crise économique de son histoire, le peuple le plus pauvre de l’Amérique du Sud vient de tourner ce qui deviendra une des plus belles pages de son histoire en donnant l’exemple à l’humanité entière de ce qu’est le courage, la détermination, la persévérance et le respect.
La plus vieille civilisation de nos Amériques, celle qui avait gravé dans les pierres des Andes la sagesse de ses ancêtres et qui était devenue, avec les conquêtes du Nord, une référence de main d’œuvre au service des empires à la recherche des trésors cachés des montagnes et des bas plateaux, REPREND LE FLAMBEAU DU DEVENIR DE L'HUMANITÉ. Ignacio Ramonet, Directeur du Monde Diplomatique, décrivait, en 2003, cette situation en ces termes :
« En Bolivie, pays d’à peine 8,5 millions d’habitants disposant d’un des sous-sols les plus généreux de la planète, une poignée de nantis accaparent les richesses et le pouvoir politique depuis deux cents ans, tandis que 60 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les Amérindiens majoritaires demeurent discriminés, la mortalité infantile atteint des taux indécents, le chômage est endémique, l’analphabétisme domine et 51 % des gens ne disposent toujours pas d’électricité. Mais cela ne modifie pas l’essentiel : il s’agit d’une « démocratie. »
Chaque fois que ce peuple s’est levé pour reprendre sa place sur cette terre qu’est la sienne, les coups d’état se succédaient, laissant aux militaires de faire les purges au sein des leaders ouvriers ou des professeurs d’université trop près des préoccupations de ces Amérindiens. En 1971, alors que j’étais au Chili, un coup d’État militaire, dirigé par le général Hugo Banzer, se produisit. Le père Maurice Lefebvre, missionnaire québécois, œuvrant comme professeur de sociologie à l’Université de la Paz, avait été froidement assassiné avec des centaines d’autres alors qu’il allait secourir des blessés. La stabilité et l’ordre étaient nécessaires pour assurer le pillage dans la paix et dans la plus grande sécurité.
De nombreuses années passèrent et, en 2005, le premier indien, de l’histoire des conquêtes, est élu Président de la Bolivie. Evo Morales est ce militant syndical dont toute la carrière se résume en une lutte constante pour obtenir justice, respect, et plein pouvoir de son peuple sur les richesses de la Bolivie afin de les mettre au service du développement de tous et de toutes. Depuis ce jour, les tentatives d’assassinat se sont multipliés, les campagnes de dénigrement se sont faites toujours plus intensives et les tentatives de déstabilisation du gouvernement y incluant cette toute dernière tentative de le renverser par une guerre civile.
Toujours est-il que le 13 octobre dernier des milliers de boliviens et boliviennes ont pris le chemin, au pas de marche et sandales aux pieds, en direction du Parlement à plus de 200 kilomètres, pour exiger de l’opposition leur droit à se prononcer sur la nouvelle constitution, celle-là même qui leur reconnaîtra tous leurs droits. Après une semaine de cette longue marche, les rangs se sont gonflés et un peuple tout entier s’est reconnu. Plus de 200 000 personnes ont occupé le centre de La Paz pour y attendre le vote autorisant le Président à leur soumette cette nouvelle constitution. Ce n’est qu’à 14h00, ce mardi, 21 octobre, que le Congrès a donné son accord. C’est le Président lui-même qui était en compagnie de ses compatriotes, depuis plus de 21 heures sans dormir, qui donna lecture de la loi de convocation. UN MOMENT MAGIQUE, PLEIN D’HUMANITÉ ET D’HISTOIRE. Ce furent des larmes de souffrance converties en larmes d’espérance, ce furent des accolades qui se transformèrent en une nouvelle solidarité. Un exemple de démocratie que bien peu de celles que nous vantons tant arriveraient à égaler. Et dire que nous avons été de ceux qui avons tout fait pour miner la crédibilité de cette démocratie montante, par nos médias, nos influences politiques et économiques.
C’est vraiment avec une grande émotion que je partage cette victoire courageuse de ce peuple de qui nous avons tellement à apprendre. Les martyrs des siècles derniers et ceux encore tout récents sont certainement de la fête. Leur sang n’aura pas été versé en vain. Vive le peuple bolivien, vive Evo Morales et tous ceux et celles qui le secondent.
QUEL EXEMPLE !
Oscar Fortin
21 octobre 2008