Voilà le personnage sans lequel aucune foi chrétienne ne saurait exister. Il en est le fondement et l’inspiration. Paul de Tarse déclarait aux Corinthiens que « si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine » (1 Cor. 15, 14). Aujourd’hui, avec autant de vigueur et de certitude, nous devons déclarer que « si Jésus de Nazareth, ce Jésus de l’histoire, n’existe pas notre foi est vide».
Il y a évidemment plusieurs façons de témoigner de cette certitude. De toute évidence, tous les chrétiens croient en l’existence de ce Jésus de Nazareth que les liturgies font revivre de sa naissance à sa mort sur une croix. Cependant, cette foi en l’existence de ce Jésus peut facilement conduire à un vide historique. En effet, n’y a-t-il pas une manière subtile d’en ignorer l’existence en en faisant un icône sans prise dans l’histoire des humains? N’est-ce pas ce qui se produit lorsque nous en faisons un personnage central de nos liturgies, de notre culte, tout en le soustrayant à l’histoire humaine dans laquelle nous vivons?
Le Jésus de l’histoire parcourt les routes de la Palestine, a soif et pleure. Il est bouleversé par la mort de Lazare, se retire à l’écart pour prier, voit les gens venir à lui pour l‘entendre parler de cette libération à laquelle ils aspirent, de ce royaume de justice et de paix auquel ils sont conviés. Il est cette voix qui se fait entendre, dénonçant les hypocrisies des uns et le manque de compassion des faiseurs de lois et des profiteurs. Il déclare bienheureux ceux qui œuvrent pour la paix tout comme ceux, solidaires des pauvres et des humbles de la terre, qui sont persécutés pour lutter en faveur de la justice. Il déclare bienheureux les cœurs purs, ceux et celles qui agissent sans arrière pensée, de bonne foi. Il est celui qui prend par la main cette femme adultère que les pharisiens se préparent à lapider, il la soustrait à ses juges et la renvoie avec amour et compassion. Ses accusateurs retournent chacun chez-soi avec ce message : « que celui qui est sans péché, lui tire la première pierre».
Ce Jésus de l’histoire a également laissé un enseignement qu’illustrent de nombreuses paraboles : celles de l’ivraie et du bon grain, de Lazare et de l’homme riche, du bon samaritain, des vignerons meurtriers, du vrai disciple, de la semence, de la lumière mettant au grand jour tous les secrets, de l’enfant prodigue que le Père accueille les bras grands ouverts. À ses disciples qui le suivent, il donne des consignes : le plus grand se fera le plus petit, le maître se fera le serviteur, qu’ils ne se munissent que du nécessaire, partageant tout superflu. Pour que ces consignes soient prises au sérieux, lui le maître, il lave les pieds de ses disciples les invitant à s’aimer les uns les autres comme lui-même les a aimés. À la dernière cène, il leur rappelle qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux et celles que l’on aime, sachant déjà que les grands-prêtres, les pharisiens, les docteurs de la loi ainsi que les puissances de ce monde caractérisées par l’hypocrisie, le mensonge, la manipulation complotaient déjà son arrestation et sa mise à mort. Sans doute le prix à payer pour avoir fait réalité la volonté de son Père sur terre. « Qui me voit, voit le Père. »
C’est ce Jésus de Nazareth qui continue de vivre, d’enseigner et de témoigner en tous ceux et celles qui s’en réclament non pas comme d’un icône mais comme d’un vivant dans notre histoire humaine. Il est toujours là parcourant le monde, ayant soif et pleurant devant autant de misère, autant d’incompréhension, de fanatisme, d’hypocrisies, de mensonges, d’injustices. Il est là, déclarant bienheureux ceux et celles qui luttent pour la justice, dénonçant les prédateurs et manipulateurs de toute espèce. Celui qui s’est défini « la Voie, la Vérité et la Vie » n’a pas baissé les bras et intercède toujours son Père pour que « sa volonté soit faite sur terre comme elle l’est dans le ciel». Dans la représentation qu’il nous donne du jugement dernier, il nous confirme sa présence dans tous ces recoins d’humanité où espèrent toujours les humbles de la terre à ce royaume de justice et de paix. Il rappelle que ceux et celles qui voudront le suivre le rencontreront là, au cœur de ce monde pour y témoigner de la solidarité, de la vérité, de la compassion et de l’amour.
Se questionner aujourd’hui sur notre foi et sur ce qu’elle est devenue dans les institutions ecclésiales auxquelles nous nous identifions ne peut se faire sérieusement sans revenir à ce Jésus de l’histoire et nous demander quel engagement serait le sien dans le monde qu’est le nôtre. Notre foi en ce Jésus de l’histoire ne peut plus être celle dont la principale expression se confine au monde du culte et des liturgies. L’ensemble des Églises chrétiennes doivent se repenser en totalité à la lumière de ce Jésus de l’histoire. N’est-ce pas lui qui dit aux hommes et femmes de tous les temps ce qu’est véritablement la volonté du Père pour l’Humanité. « Qui me voit le Père et qui me suit, aura la vie éternelle.» Il est l’HOMME NOUVEAU en qui l’humanité entière peut se reconnaître et trouver la vie.
« Le Parvis », situé entre l’église cultuelle et l’église de la diaspora, devrait, me semble-t-il, servir de passage pour mieux saisir l’importance de rejoindre ce Jésus de l’histoire toujours présent dans le monde qu’est le nôtre. « Ce que vous faites au plus petit des miens c’est à moi que vous le faites. » L’engagement de la foi demeurera toujours un engagement radical.
Oscar Fortin
Québec, le 3 novembre 2010
http://humanisme.blogspot.com
3 commentaires:
À la suite de ce texte, je me permets une petite réflexion. Célébrer la foi qui engage dans des œuvres d’amour et de justice, oui; pratiquer la religion pour satisfaire une divinité, non! Jésus dans l’Évangile de Luc est très clair (18, 9-14), le pharisien est l’excellent disciple de la loi-religion qui monte prier au temple et qui dit à Dieu sa joie d’être fidèle à ses exigences morales et cultuelles. Le publicain en retrait prend conscience de sa classe sociale inférieure, que l’on montre du doigt. Il dit à Dieu son besoin de salut et de pardon. Ce dernier, dit Jésus, retourne chez lui justifié, alors que le pharisien doit tout remettre en question et se reprendre.
Mon vrai baptême a eu lieu le jour où on m'a demandé de suivre ce Jésus dans la peine et la souffrance, avec ceux qui peinent et souffrent. J'ai dit oui, mais il m'est arrivé de revenir sur ma parole. J'aime notre Église et ses prophètes qui, comme toi, me rappellent cet appel avec des mots qui parlent à notre vie d'aujourd'hui. Poursuis ton témoignage, Oscar.
Merci Michel pour ton commentaire. Je le reçois comme une invitation à poursuivre sur la voie du partage des réflexions en relation à ce grand mystère de l'engagement de Jésus de Nazareth dans notre histoire .
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