lundi 17 juin 2013

WASHINGTON ET LE VATICAN



 
C’est un secret pour personne que Washington, centre du pouvoir de l’empire, s’intéresse particulièrement à l’État du Vatican, centre du pouvoir religieux et politique des catholiques dans le monde.

Sous les deux derniers papes, l’alliance entre ces deux pouvoirs a été particulièrement intense et indéfectible. On n’a qu’à penser à la remise par le président G.W. Bush de la médaille de liberté au pape Jean-Paul II ou encore à cet anniversaire de Benoît XVI, célébrée dans les jardins de la  Maison-Blanche. Pour ceux et celles qui voudraient en voir toutes les ramifications et subtilités, je vous invite à lire cet autre article que vous trouverez ici.

L’arrivée du pape François  n’est pas sans susciter quelques inquiétudes à Washington. Son amour des pauvres devient de plus en plus dérangeant, d’autant plus qu’il commence à en identifier les causes structurelles, dont le capitalisme sauvage, l’individualisme, la cupidité et les ambitions de pouvoir. Les inégalités sociales sont de plus en plus criantes et la paix par les armes ne peut qu’engendrer plus de guerres.

Washington ne saurait demeurer les bras croisés comme si rien ne se passait. Il lui faut, comme il le fait dans la majorité des gouvernements du monde, placer de ses hommes sur qui il pourra compter à des postes stratégiques du pouvoir. Au Vatican, ce sont les postes près du pape. Le plus important de ceux-ci, après celui du pape, est celui de Secrétaire d’État du Vatican. Un poste central, comme l’est celui d’un premier ministre. Voici ce qu’en dit la Constitution Pastor Bonus :

« Relèvent de sa compétence les relations diplomatiques du Saint-Siège avec les États, y compris l'établissement de Concordats ou d'accords similaires, la représentation du Saint-Siège auprès des conférences et des organismes internationaux; dans des circonstances particulières, sur mandat du Souverain Pontife et après consultation des Dicastères compétents de la Curie, la préparation des nominations dans les Églises particulières, ainsi que la constitution de ces dernières ou leur modification; les nominations des évêques dans les pays qui ont conclu avec le Saint-Siège des traités ou des accords de droit international, en collaboration avec la Congrégation pour les Évêques. » 

Qui sera l’élu du pape François pour occuper ce poste stratégique dans la gestion et les orientations de l’État du Vatican?

Une des figures de plus en plus mises de l’avant est celle du cardinal du Honduras, Oscar Andres Rodriguez Maradiaga. Son nom est apparu une première fois lors de la nomination des six (6) cardinaux choisis par le pape François  pour lui suggérer les réformes à apporter à la Curie romaine.

QU’EST-IL DONC CE CARDINAL DU HONDURAS ?

Pour certains, dont je suis, il est le cardinal qui a soutenu le coup d’État militaire au Honduras, en juin 2009. Un coup d’État qui a chassé de la Présidence du pays Manuel Zelaya, démocratiquement élu en 2005. Un coup d’État téléguidé de Washington. Ce fut donc un moment clef où s’est fissurée l’image qu’il projetait d’être avec les pauvres et sympathisant  de la théologie de libération. Il s’est plutôt affirmé comme fidèle aux politiques de Washington et à celles des oligarchies nationales.

IL a été impliqué dans des rencontres préparatoires à ce coup d’État. Aucun coup d’État ne serait possible en Amérique latine sans la complicité de la cupule hiérarchique de l’Église catholique. Le Honduras n’y échappe pas.

Le cardinal, que l’on dit intelligent et bien informé, ne pouvait ignorer que le motif invoqué pour le renversement du président légitime, à savoir une consultation non contraignante sur la pertinence de faire voter la formation d’une constituante lors du prochain scrutin présidentiel, ne comportait aucune intention de la part de ce dernier de demander un second mandat. Dans les circonstances, c’était même impossible. Il n’était aucunement candidat à cette élection. Ceci ne modifia en rien son appui à ce coup d’État militaire, jugé tout à fait légale par lui et la conférence des Évêques.

Il ne pouvait ignorer que la signature au bas de la soi-disant lettre de démission du Président, était une falsification de la signature de ce dernier et une manœuvre déloyale pour faire avaler cette couleuvre (coup d’État) à l’opinion mondiale. Loin d’en dénoncer le caractère criminel, il fit comme si rien n’en était.

Il savait que les États-Unis, à travers sa base militaire au Honduras et son ambassadeur, étaient directement impliqués dans ce coup d’État. Il n’en dira rien.

Pendant toute la période de répression qui a suivi, il s’est fait bien silencieux sur les crimes commis. Des journalistes ont été assassinés et des dirigeants syndicaux éliminés. On ne l’a pas vu s’élever contre des militaires et ces élites qui menaient l’État comme bon leur semblait. Pour un sympathisant de la théologie de libération, comme certains aimaient à le dire, c’était une volte-face à la démocratie et aux laissés pour compte.

En janvier 2010, suite à l’élection du nouveau président Porfirio Lobo, au profil oligarchique acceptable, le cardinal Maradiaga a ces mots d’encouragement lors de la messe d’assermentation :

« Réjouissez-vous, chers frères et chères sœurs, vous qui êtes appelés à diriger ce pays. Dieu vous a choisis, car Dieu bénit le Honduras ».

« Nous voulons que règnent parmi nous la communion, la fraternité, la réconciliation et la paix ».
« Nous nous réjouissons dans le Seigneur quand un Hondurien respecte un autre qui pense différemment, quand nous ne nous traitons pas comme des ennemis, mais comme des frères, quand nous nous regardons dans les yeux et nous reconnaissons le fils de Dieu, du même père, du Honduras et de Notre-Dame de Suyapa ».
« Nous sommes pleins d'espérance, car nous savons que l'humanisme chrétien guidera cette nouvelle étape du Honduras, et souhaitons pouvoir tous collaborer à ce projet pour le bien de la nation ».

Voilà bien un discours qui mériterait à lui seul une analyse approfondie. Toutefois, on peut se poser dès maintenant une question de fond. Pourquoi n’avoir pas tenu ce discours aux oligarchies et aux putschistes avant qu’ils commettent leurs crimes en juin 2009? Loin de là, il suggère même que les élus de Dieu, que sont les nouveaux dirigeants oligarchiques, sont les authentiques porteurs de l’humanisme chrétien et que les autres, ceux qui les ont précédés, n’étaient ni les élus de Dieu, ni les porteurs de l’humanisme chrétien. De quoi faire réfléchir sur l’idéologie qui le guide.

Je vous réfère à un article, écrit sur le sujet en juillet 2009. Il y a aussi ce débat qu’a suscité cette invitation de l’Institut catholique de Paris au cardinal Maradiaga pour en faire un Docteur honoris causa. Sur cette question, je vous réfère également à cet article de Golias. Cette cérémonie, suite aux nombreuses protestations, a été annulée.

Nous sommes évidemment loin de la présentation que nous en fait Wikipédia.

QUE CONCLURE ?

Comme croyant, je crois à la conversion, celle qui transforme radicalement une personne. Je crois également qu’il est relativement facile de se couvrir de l’homme nouveau sans en être vraiment. Sur le pape François, je n’ai aucun doute de l’authenticité de son engagement et de son désir profond de servir d’abord et avant tout les humbles de la terre en vivant le message évangélique. Sur le cardinal Oscar Àndres Rodriguez Maradiaga, c’est autre chose.

Si Washington est à la recherche d’un candidat pour bien le représenter au sein de l’État du Vatican, il n’a qu’à continuer subtilement à en aire la promotion. Ce dernier a le profil de la fonction pour ménager les intérêts de Washington et des oligarchies.

Pour le pape François, la nomination d’un nouveau secrétaire d’État est une décision cruciale qu’il devra prendre dans les semaines ou les mois qui viennent. S’il veut poursuivre sur la voie qu’il a prise, il lui faut, comme secrétaire d’État, un converti aux évangiles et un témoin qui en assume pleinement les réalités dans son quotidien.
L’Église n’en est plus à des changements cosmétiques, mais à des changements radicaux.  Elle doit se reconvertir aux impératifs évangéliques de la vérité, de la justice, du service, de la solidarité et de la compassion. Il n’y a pas de place pour un entre deux. L’heure est comme arrivée oz on ne peut plus servir deux maitres à la fois.

Oscar Fortin

Québec, le 16 juin 2013




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