Manuel Zelaya, candidat soutenu par le Parti libéral, est élu, le 27 novembre 2005, Président du Honduras avec plus de 50% des voix. Il prendra officiellement ses fonctions le 27 janvier 2006. Que s’est-il donc passé depuis cette prise du pouvoir et le Coup d’État militaire qui l’a sorti du pays le 28 juin 2009? Des éléments d’explication sont relevés dans une étude réalisée par Cecilia Baeza et Nicanor Madueño et dont je reprends ici de grands extraits.
« Pour la journaliste hondurienne Thelma Mejia (2006), « le pouvoir économique [est aux mains] de familles traditionnelles qui se sont rénovées et qui se sont accaparées des structures partisanes et des postes de décision au gouvernement [5] ». Il faut pour compléter le tableau ajouter les médias, dans la mesure où ceux-ci, les plus grands titres de presse comme les principaux canaux de télévision, appartiennent à ces familles. Cette endogamie est remarquablement illustrée par la famille Facussé : Miguel Facussé est un industriel tegucigalpin et actuellement l'homme le plus fortuné du pays ; Carlos Flores Facussé, son neveu, a été Président de la République de 1998 à 2002 ; la famille Flores est fondatrice et propriétaire du journal El Heraldo, l'un des trois premiers titre de presse du pays.
Manuel Zelaya n'est pas issu d'un milieu très différent du reste de la classe politique hondurienne. Né en 1952 dans le département d'Olancho, une des régions les plus pauvres du centre-est du pays, il vient d'une famille de propriétaires terriens. Les Zelaya sont des notables: magistrats, hommes de lettres, politiciens... Ils participent activement et depuis plusieurs générations à la vie publique du pays et sont de tradition libérale. "Mel" s'engage dans les années 1970 au sein du Parti Libéral, et rallie comme son père la faction "rodiste" du parti (Modesto Rodas incarne l'opposition au pouvoir de l'Armée). Il entame alors une carrière politique sans jamais cependant délaisser sa carrière d'entrepreneur agricole, dans le secteur de l'exploitation forestière. Il rentre d'ailleurs en 1987 dans le directoire du COHEP et préside l'Association Nationale des Entreprises de Transformation du Bois (ANETRAMA). Zelaya accède pour la première fois au gouvernement en 1993, sous le mandat de Carlos Roberto Reina, le leader de l'aile la plus progressiste du parti. Cette promotion est la suite logique de son implication dans les organisations patronales. Il dirige le Fonds Hondurien d'Investissement Social et se fait remarquer pendant la gestion de l'après Ouragan Mitch. Il conserve son portefeuille dans le gouvernement de Carlos Flores Facussé (1998-2002). Ses ambitions vont alors en croissant au sein du parti. Il crée sa propre tendance et cultive une image de cow-boy honnête et simple, lié à la terre et aimant les chevaux. C'est grâce à cette image qu'il gagne les élections internes de son parti et se présente en 2005 aux présidentielles, qu'il gagne face au très conservateur Porfirio Lobo Sosa.
Cette interpénétration des milieux politiques, économiques et médiatiques a considérablement verrouillé le champ politique hondurien qui ne s'est pas professionnalisé de façon autonome. Comme le regrette l'historien hondurien Jorge Alberto Amaya dans sa lettre ouverte, ce système s'est révélé très exclusif, dans un pays où 70% de la population vit dans la pauvreté. Ce sont précisément ces secteurs que Zelaya a tenté de convoquer à partir de 2008 dans un style populiste jusqu'alors inconnu dans le pays. Dès lors, rien d'étonnant selon nous à voir les milieux d'affaires peser de tout leur poids en faveur du coup de force contre Zelaya. »
Les déclarations récentes du putschiste Michelletti au journaliste argentin du quotidien Clarin viennent confirmer cette version : « Il (Zelaya) a pris le chemin de la gauche, a transformé les gens en « communistes », ça nous a préoccupés. » Par cette déclaration, Michelletti confirme que la démocratie, la seule valable à leurs yeux, est celle sur laquelle la classe oligarchique (le « nous ») garde le plein contrôle. En somme, une démocratie faite sur mesure pour les oligarchies et qui n’a rien à voir avec cette définition qu’en donne les dictionnaires : « régime politique dans lequel le peuple exerce sa souveraineté lui-même, soit directement ou par représentants interposés. »
À la lumière de ce qui se passe au Honduras, faut-il comprendre que la démocratie représentative, assumée par les partis politiques et contrôlée par les oligarchies, a cessé depuis longtemps d’être représentative de la volonté du peuple et du fait même d’être une « véritable démocratie »? Il s’agit en fait d’un régime politique qui permet aux oligarchies d’exercer leur pleine souveraineté sur le peuple ». L’opposition de ces dernières à tout projet de « démocratie participative » et à toute « constituante » voulue et votée par le peuple, s’expliquerait par cette perte du pouvoir qui leur permet actuellement de tout contrôler.
La suite de l’histoire nous dira bientôt si le peuple parviendra à reprendre le contrôle de son système politique, économique, judiciaire et social. Les élections annoncées et organisées par les putschistes ne sauraient en aucune façon permettre cette reprise du pouvoir par le peuple. Seuls, le retour du Président constitutionnel et la mise en place d’un espace de liberté social, permettront la tenue d’élections libres.
Oscar Fortin
Québec, le 1ier octobre 2009
http://humanisme.blogspot.com
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