Il est normal que toute organisation ait une référence fondamentale à laquelle adhèrent ceux et celles qui s’y joignent. C’est vrai pour les Partis politiques, les Organisations nationales et internationales. Chaque pays a sa Constitution, l’Organisation des Nations Unies sa charte des droits des personnes, des peuples et des nations. Il en va ainsi pour l’Église catholique. Cette dernière trouve sa référence principale tout particulièrement (1) dans la personne de Jésus, ressuscité et vivant, (2) dans l’Esprit Saint qui distribue ses dons « comme bon il l’entend », (3) dans les Évangiles et les Lettres des apôtres. C’est cet héritage, reçu dans la foi et actualisé tout au long des 20 siècles de son histoire qu’il revient aux croyants d’aujourd’hui de vivre et de transmettre pour les temps que sont les nôtres.
le problème qui se pose actuellement à l’Église universelle n’est pas d’abord un problème de foi, mais un problème de pouvoir au sein de sa propre organisation. C’est qu’avec les siècles Pierre, Jacques, Jean et tous les autres, à la fois porteurs de la Bonne Nouvelle aux pauvres, aux persécutés pour la justice, aux laissés pour compte, aux gens de bonne foi, et pasteurs à l’écoute de l’Esprit Saint s’exprimant à travers les communautés, sont devenus progressivement des personnages d’un pouvoir organisé et structuré sur le modèle des royaumes. L’apôtre est devenu un chef de gouvernement puis d’État. Ses collaborateurs sont devenus des cardinaux, des évêques et des prêtres. Le pasteur, quant à lui, est devenu un maître de discipline, ayant en main son Petit catéchisme et le Droit canon.
Aujourd’hui, il serait bien difficile pour Paul de Tarse d’interpeller Pierre et de le confronter, comme il l’avait fait, il y a deux mille ans, sur les positions de ce dernier en rapport à certaines coutumes juives, devenues insoutenables dans le contexte d’une évangélisation ouverte à toutes les nations. S’il n’a jamais été facile pour les prophètes de prendre la parole, le plus souvent adressée aux autorités religieuses et civiles, leur rappelant le retour à l’essentiel du message révélé, ce l’est encore moins aujourd’hui pour ceux et celles qui font ce rappel. Ils seront vite ramenés à l’ordre par le pouvoir en place, censurés ou mis au silence. Sinon, ce sera la condamnation et l’expulsion.
QUE S’EST-IL DONC PASSÉ POUR EN ARRIVER LÀ?
L’accès aux Évangiles, devenus, de nos jours, disponibles dans toutes les langues, permet à des millions de personnes de revenir au cœur du message évangélique et du témoignage de Jésus de Nazareth. Ces derniers deviennent de plus en plus la source première de leur foi et l’inspiration de leur vie. Cet accès direct aux fondements de la foi chrétienne fait passer au second plan tout autant la figure de tous les personnages de cette organisation qu’est devenue l’Église institutionnelle que la nomenclature des doctrines développées au cours des siècles. Ces millions de gens peuvent lire les Lettres de Paul dans lesquelles il nous parle de l’Église, Corps du Christ, de son Esprit qui distribue ses dons comme bon il l’entend, de ses fondations que constituent les apôtres et les prophètes. Dans les Évangiles, ils entendent Jésus dire que « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux », « que ceux qui commandent se fassent des serviteurs, que les plus grands cèdent la place aux plus jeunes », « qu’il n’est pas venu pour juger ou condamner, mais pour sauver », « que celui qui est sans péché tire la première pierre », etc. C’est comme si s’actualisaient pour le monde d’aujourd’hui l’esprit de Jésus, celui des apôtres et des premières communautés chrétiennes. Chacun, selon les dons reçus, prend conscience de ses responsabilités et de sa mission dans son milieu pour témoigner de cet esprit nouveau et œuvrer ainsi à un monde nouveau. Cette situation nouvelle donne lieu, pour les autorités vaticanes, au relativisme, au subjectivisme, à l’anarchie dans la foi. Toutefois, à y regarder de plus près, c’est surtout la perte d’une autorité absolue sur la communauté des croyants qui les dérange le plus.
Ceux qui régnaient en maîtres depuis près de 1700 ans réalisent que leur prestige diminue, que leur autorité n’a plus l’emprise qu’elle avait et que, dans plusieurs cas, ils sont devenus pour plusieurs un contre-témoignage au message évangélique et à ce qu’est véritablement la foi. Pour eux, l’urgence n’est plus tellement de sauver la foi, qui est sans doute plus vivante que jamais, mais plutôt de sauver leur pouvoir et leur emprise sur ceux et celles qui se proclament croyants et croyantes de l’Église catholique.
Ce sera sans doute à cette fin, qu’en 1989, les autorités vaticanes ont ajouté un serment que tous les prêtres et évêques doivent prononcer au moment d’assumer leurs fonctions. Bien que de texture doctrinale et non évangélique, la première partie ne pose, en soi, aucun problème. Il s’agit pour l’essentiel du Credo de Nice. Là où le bât blesse, c’est dans la seconde partie où les personnages du pouvoir ecclésial s’arrogent l’exclusivité de définir l’authenticité du message évangélique et doctrinal, même en relation à des questions qui ne sont pas encore clairement clarifiées sur le plan exégétique ou encore sur des questions de morale à propos desquelles la science n’a pas encore dit son dernier mot. En somme, le bâillon sur des questions qui restent ouvertes aux débats des spécialistes. Voyez par vous-mêmes.
«Je ,...., avec une foi ferme, crois et professe tout collectivement et individuellement, ce qui est contenu dans le Symbole de la Foi, à savoir:
(Première partie qui ne pose aucun problème)
Je crois en un Dieu unique et tout-puissant Père, Créateur du ciel et la terre, de tout ce qui est visible et invisible, et le Seigneur Jésus-Christ seul, l'unique Fils de Dieu, qui est né du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, la vie de la vie, vrai Dieu né du vrai Dieu, né non pas créé, consubstantiel au Père par qui tout a été fait. Qui à cause de nous des êtres humains et de notre salut, il descendit du ciel et s'est fait chair par l'Esprit Saint de la Vierge Marie et s'est fait homme, il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, est mort et enterré. Il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, et il monta au ciel, est assis à la droite du Père et il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts et son règne n'aura pas de fin. Je crois aussi en l'Esprit Saint le Seigneur et qui donne la vie, qui procède du Père et du Fils, qui avec le Père et le Fils est adoré et glorifié, qui a parlé aux prophètes. Et je crois en l'Église une, sainte, catholique et apostolique. Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés et attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir Amen.
(Seconde partie très problématique et à toute fin pratique inacceptable)
Avec une foi inébranlable je crois aussi à tout ce qui est contenu et transmis dans la Parole écrite de Dieu et tout ce qui est proposé par l'Église pour être cru comme divinement révélé, que ce soit par un jugement solennel ou par un magistère ordinaire et universel.
J’embrasse tout aussi fermement et retiens pour vrai tout ce qui concerne la doctrine de la foi et la morale définitivement proposé par la même autorité.
Tout particulièrement, avec un respect religieux de la volonté et de l’intellect, j’adhère aux doctrines énoncées par le Pontife Romain ou par le Collège des Évêques, lorsqu’ils exercent le magistère authentique, même s’ils n’entendent pas les proclamer par un acte définitif.
Ce type de serment, particulièrement dans sa seconde partie, bâillonne, pour ainsi dire les prêtres et les évêques qui, à divers titres, participent aux débats sur des sujets litigieux, que ce soit en relation à des questions doctrinales, internes à l’Église, ou à des questions de morale étroitement liées au développement des sciences et des connaissances.
Nous savons que l’Esprit Saint distribue ses dons comme bon il lui semble, mais avec ce serment, imposé aux prêtres et aux évêques, Il est placé en situation plutôt inconfortable. Comment, en effet accorder le don de prophétie à des prêtres et évêques pour dénoncer et rappeler à ces mêmes autorités la priorité des exigences évangéliques sur celles des doctrines et mettre en relief certaines incohérences qui s'y manifestent? Comment peuvent-ils, ces mêmes prêtres et évêques donner suite aux dons de la science, du savoir et des connaissances, qui mettent en lumière des manières nouvelles de comprendre différemment certaines interprétations de la doctrine et même des Écritures, alors que la guillotine plane sur leur tête? Comment prendre librement la Parole, sans avoir peur d’être mis à la porte? Il est certain que l’Esprit ne se laisse pas conditionner par ces mesures.
C’est cruel à dire, mais nous avons une Église, dirigée, dans ses institutions, par des autorités dont on est en droit de se demander, parfois, si elles ont vraiment la foi en Jésus de Nazareth, en sa résurrection et en son Esprit. Elles agissent souvent comme si elles étaient celles qui édifient l’Église alors que nous savons que c’est le Christ ressuscité, Tête de cette Église, qui en assure l’édification. Elles s’enveloppent d’un protocole qui ferait rougir Jésus de honte. Leur confiance dans la présence et la protection du Ressuscité est à la hauteur des précautions qu’elles prennent pour assurer la protection de leurs hauts responsables et garantir, par des réserves monétaires substantielles, leurs lendemains. Nous sommes loin de la confiance que Jésus avait en son Père. Il s’en remettait à ce dernier pour assurer sa sécurité et sa subsistance. En somme, elles agissent souvent comme si le Ressuscité n’existait pas ou n’était tout simplement pas là. Pourtant, s’il y a une réalité fondamentale dans la foi chrétienne c’est bien cette résurrection de Jésus et sa présence à la tête de son Église."Je serai avec vous jusqu'à la fin des temps."
Heureusement des voix se font entendre aux quatre coins de la planète pour dénoncer les abus de pouvoir et rappeler l’essentiel du message évangélique. Il faut croire que le Ressuscité et son Esprit sont toujours là, bien actifs, agissant à travers des millions de personnes au service d’une Humanité nouvelle à bâtir.
«A l'un, c'est un discours de sagesse qui est donné par l'Esprit ; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit ; A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun; à un autre la foi, dans le même Esprit ; à tel autre les dons de guérisons, dans l'unique Esprit; à tel autre la puissance d'opérer des miracles ; à tel autre la prophétie ; à tel autre le discernement des esprits ; à un autre les diversités de langues, à tel autre le don de les interpréter. Mais tout cela, c'est l'unique et même Esprit qui l'opère, distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l'entend. » (1Cor.12, 7-11) Vivant selon la vérité et dans la charité, nous grandirons de toutes manières vers Celui qui est la Tête, le Christ, » Éphésien 4, 11-15)
Je connais de nombreux prêtres qui se sentent prisonniers, non pas du message évangélique ni de leur mission, mais de ce bâillon qu’on leur a imposé pour devenir des marionnettes d’une autorité et d’une institution qui s’accrochent à des pouvoirs qui de toute manière lui échapperont comme du sable dans la main. Plusieurs, en dépit de ce bâillon, prennent la parole et agissent, avec d’autres, au service des grandes valeurs du Royaume que sont la justice, la vérité, la solidarité, la compassion et la miséricorde. Ils sont un témoignage vivant de cette Église, CORPS DU CHRIST, toujours bien vivante et présente dans le monde d’aujourd’hui.
Serait-ce que se réalise en ces jours que sont les nôtres cette prophétie du prophète Jérémie :
« Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l'écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. » Jérémie. 31,33
Oscar Fortin
Québec, le 4 août 2010
http://humanisme.blogspot.com
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