La naissance de Jésus de Nazareth que les liturgies chrétiennes célèbrent en chantant « Un sauveur nous est né » est tout à la fois une bonne nouvelle pour les bergers et les mages de ce monde mais une bien mauvaise nouvelle pour tous les Hérode de la terre.
L’enveloppe culturelle à l’intérieur de laquelle on a cacheté le « mystère » ne permet plus de dissocier ceux et celles pour qui Noël est vraiment une bonne nouvelle de ceux et celles pour qui il ne peut être qu’une mauvaise nouvelle. D’ailleurs ce sont ces derniers qui, les premiers, tirent les meilleurs profits et retombés de cette fête, à la fois célébrée au pied des sapins, brillant de toutes leurs lumières, et portée par ces mélodies qui élèvent les cœurs jusqu’au plus haut des cieux. Le Noël que nous célébrons dans l’ambiance de nos sociétés de consommation n’est plus tout à fait le même que celui célébré par les bergers et les mages. Il n’est plus porteur du message des prophètes qui annonçaient le libérateur, le Messie, le sauveur des humbles de la terre.
Je termine tout juste de lire le livre d’Yves Carrier sur Mgr Romero, HISTOIRE D'UN PEUPLE, DESTINÉE D'UN HOMME. Il est évident que la conversion de ce dernier à l’Évangile et à une pastorale de libération des pauvres en a fait un symbole d’espérance pour ces derniers et immanquablement un ennemi à abattre pour les pouvoirs en place. Le jour où il a cessé d’être un personnage dans le décor des oligarchies et des pouvoirs en place (Hérode), il est devenu alors le témoin de l’avènement du règne de Dieu, porteur d’espérance et incompatible, du fait même avec les pouvoirs dominants.
La naissance de Jésus de Nazareth marque le début de la fin du règne des puissances de ce monde caractérisées par la domination des peuples et l’asservissement des humbles, par l’hypocrisie et le mensonge, par l’orgueil et la suffisance. N’allons pas croire que les guerres menées ouvertement en Afghanistan, en Palestine, pas plus que celles menées sournoisement dans divers pays de l’Amérique latine, de l’Afrique et de l’Asie, sont là pour libérer les pauvres, pour apporter la paix aux humbles, la liberté aux prisonniers, la vérité et la transparence au monde. Ces guerres visent essentiellement le renforcement des pouvoirs dominants, le contrôle des richesses, l’élimination de ceux et celles qui leur résistent. Il est évident que de tels objectifs ne sont pas dits crument comme ça au monde. Par l’intermédiaire des médias à leur disposition, ils sont enveloppés des causes les plus nobles que sont la démocratie, les droits humains, et surtout la lutte contre ces « monstres » qui appartiennent immanquablement à l’axe du mal. Ainsi ils en arrivent à se transformer en de véritables sauveurs. Leur importent peu les tortures, les assassinats, les coups d’états militaires dont ils sont les artisans. Encore là les moyens de dissimuler leurs ignominies leur permettent de les transformer à leur avantage. Il semble toutefois que l’heure de la vérité a déjà commencé à briser ce mur de la tricherie.
Le message de Noël devrait mettre à nue ces forces qui se résistent toujours à l’avènement du règne de Dieu. Il faut lamenter que le courage du prophète ne soit pas toujours au rendez-vous de ceux qui dominent actuellement l’institution ecclésiale. Ces derniers préfèrent le langage des lieux communs, une terminologie abstraite, sortie du terroir de l’histoire. Les mots « amour »-« justice »-«vérité »-« paix » deviennent, dans leur bouche, sans âme et sans contenu. Ils sont devenus des personnages d’un système qui sait leur faire jouer un rôle qui soit de nature à le renforcer et non à le démolir. Ils n’ont rien à craindre de ces puissants. Ils font partie de la famille et ils peuvent dormir tranquilles.
Noël est cette espérance que Marie a pressentie lors de sa visite à sa cousine Élisabeth :
« Il a déployé la force de son bras, il a dispersé les hommes au cœur superbe
Il a renversé les potentats de leurs trônes et élevé les humbles,
Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides » (Lc. 51-53)
Si nous regardons le monde dans lequel nous vivons, celui du Québec, des États-Unis, de l’Europe, de l’Amérique latine, de l’Afrique, de l’Asie et du Moyen Orient et que nous nous demandons où sont les forces qui visent à disperser les hommes au cœur superbe, à renverser les potentats de leurs trônes et à élever les humbles, à combler de biens les affamés et à renvoyer les riches les mains vides, quelle sera notre réponse? C’est sans doute une autre manière de poser la question de savoir « à qui profite les actions qui sont entreprises » par nos gouvernements, nos oligarchies, nos forces armées et celles des puissances. Où vont nos solidarités locales, régionales, nationales et internationales?
La naissance de Jésus de Nazareth est une bonne nouvelle pour toutes les personnes de bonne volonté, pour les humbles de la terre et les artisans de justice, de vérité, seuls fondements d’une véritable paix. En tant que croyants et croyantes en ce Jésus nous assumons cette conviction et nous en témoignons selon les dons de l’Esprit. Plusieurs y ont déjà laissé leur vie, d’autres n’ont cessé de répondre aux appels de l’Histoire. Noël est la convocation de toutes les personnes de bonne volonté à oeuvrer pour un monde de justice, de vérité, de respect et de solidarité.
Joyeux Noël dans l’esprit de la promesse.
Oscar Fortin
Québec, le 12 décembre 2010
1 commentaire:
Je garde l’espoir qu’il existe une issue vers un monde meilleur. Mais ce n’est pas acquis. En méditant le merveilleux mystère de la nuit de Noël et la pauvreté de l’enfant de la crèche, je me rends compte de l’urgence de vivre ensemble dans la vérité, la justice, l’amour et la liberté. « Dès lors, plus de mensonge : que chacun dise la vérité à son prochain…que le soleil ne se couche pas sur votre colère. Que celui qui volait ne vole plus ; qu'il prenne plutôt la peine de travailler de ses mains, au point de pouvoir faire le bien en secourant les nécessiteux. De votre bouche ne doit sortir aucun mauvais propos, mais plutôt toute bonne parole capable d'édifier, quand il le faut, et de faire du bien à ceux qui l'entendent. » Voilà ce que conseillait saint Paul aux Éphésiens (Ep 4,25-29)
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