PLEUREZ PLUTÔT SUR VOUS ET VOS ENFANTS
« NE PLEUREZ PAS SUR MOI, MAIS PLEUREZ PLUTÔT SUR VOUS ET VOS ENFANTS. »
Oscar Fortin
Québec, le 19 avril 2011
http://humanisme.blogspot.com
Cette phrase, prononcée, il y a plus de 2000 ans, par un condamné à mort, alors qu’il portait la croix sur laquelle il allait être exécuté, a de quoi interpeller croyants et non croyants. C’est que cette condamnation répondait à la volonté des pouvoirs religieux et politiques de se débarrasser de ce personnage dont la solidarité et les discours rejoignaient les humbles et les déshérités de la terre. Qui plus est, il ne se gênait pas pour démasquer l’hypocrisie et la cupidité de ceux qui vivaient de ces pouvoirs. Sa condamnation à mort signifiait le refus de ces derniers de reconnaître d’une part les crimes dont ils étaient les auteurs et d’autre part les ambitions dont ils se gavaient secrètement sous des dehors de fidélité à la loi de Moise et à celle de l’Empereur.
Caïphe, le grand-prêtre, Hérode, le roi des juifs, et Pilate, le gouverneur romain, sont ceux qui ont organisé et planifié l’arrestation et la condamnation de ce personnage jugé trop dérangeant et encombrant. Originaire de Nazareth, il avait parcouru la Judée et la Galilée, se faisant proche des malades, des pécheurs, des gens humbles, proclamant un message d’espérance sur l’avènement d’un monde de justice, de solidarité, de compassion, de vérité. Autant il mettait en évidence la sincérité et l’honnêteté qui habitaient le cœur des gens humbles, autant il se faisait critique à l’endroit de ceux qui se donnaient en modèles tout en s’enveloppant d’un légalisme sans vie, détaché du quotidien humain.
Il savait que Caïphe et les Grands Prêtres avaient monté la tête des gens présents au procès pour qu’ils réclament la libération de Barabbas, un voleur de grand chemin, et exigent plutôt sa condamnation. L’usage de la manipulation et du chantage était utilisé en ces temps là comme il l'est encore de nos jours. Sur le chemin qui le conduisait au Golgotha, où il devait être crucifié, il croisa des femmes qui pleuraient à le voir porter si douloureusement sa croix. Il s’arrêta et il leur dit « Ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et vos enfants. »
Il savait que les véritables motifs pour lesquels il était condamné à mort seraient utilisés pendant des siècles, pour arrêter, torturer et condamner à mort des millions de personnes. S’il faut pleurer c’est plutôt sur cette cupidité et hypocrisie, qui empoisonnent la conscience des personnes et des peuples et qui sont sources d’autant de souffrances et de malheurs. S’Il faut pleurer c’est tout autant sur ceux qui s’en font les auteurs que sur ceux qui, envoutés par la manipulation de ces derniers, en deviennent des promoteurs. Quant à ceux et celles qui, comme lui, sacrifieront tout pour briser ce cercle infernal des injustices et des mensonges, il leur aura déjà dit : ‘Heureux les persécutés pour la justice, le royaume des cieux est à eux. »
Par ces paroles, ce condamné à mort, du nom de Jésus de Nazareth, nous renvoie à nous-mêmes, à ce que nous sommes et à ce que nous faisons. Rien ne sert de pleurer sur la misère et les souffrances des autres si par nos comportements et engagements nous en sommes responsables.
Que faisons-nous de ces guerres qui tuent, torturent, emprisonnent par milliers hommes, femmes et enfants et que nos gouvernements alimentent en soldats, en armes et que vous, moi finançons sans poser de questions ? Quels critiques avons-nous par rapport à tout ce qui nous est dit et raconté dans nos parlements et médias? Combien de fois avons-nous réalisé qu’on nous mentait carrément sur des motifs de guerre sans que nous y réagissions vraiment? Les guerres en Irak, en Afghanistan et maintenant au Moyen Orient et en Afrique du Nord, sont justifiées par des tissus de mensonges, de demi-vérités qui cachent mal les ambitions de conquête et de domination des grandes puissances auxquelles nous appartenons. Ces questions ne font guère l’enjeu des élections qui amusent le bon peuple avec des promesses d’un peu de sel, de poivre et de sucre dans l’assiette de chacun et chacune.
Que font les Églises qui se réclament de ce Jésus? Là encore, il y a de quoi pleurer sur nous-mêmes. On ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre les synagogues et les grands prêtres du temps de ce Jésus et les Églises et les hiérarchies ecclésiales d’aujourd’hui. En dépit du fait que la foi de ces dernières porte sur ce Jésus de Nazareth, qu’elles connaissent son message de justice, de vérité et de service auprès de gens humbles et de bonne volonté, elles n’en continuent pas moins à se faire tout autant solidaires des puissances oligarchiques que discrètes sur les questions pouvant en ternir l’action. L’Église hiérarchique de l’Amérique latine, entre autres, en est l’illustration par excellence. Comment y reconnaître ce Jésus en la regardant dans ses institutions et ses personnages? Il y a évidemment des exceptions qui nous rappellent les véritables appartenances de l’Église. Mgr Oscar Romero, Don Elder Camara et certains autres de la hiérarchie ecclésiale ont témoigné de leur vie ces valeurs évangéliques.
L’authenticité et la radicalité du message évangélique commandent la transformation des attitudes et comportements de toute personne de bonne volonté dans le sens d’une justice étendue à tous les humains de la terre, d’une transparence de vie qui rend hommage à la vérité, d’une solidarité faite de compassion, de bonté, de miséricorde. Rien à voir avec la haine alimentée par tous les «… ismes » y inclut le catholicisme, l’islamisme, le protestantisme, l’athéisme, le capitalisme, le communisme, le sionisme etc.
Pour les chrétiens du monde, la semaine que nous vivons est célébrée comme la semaine sainte. Elle fait revivre les principaux moments de l’arrestation, du jugement et de la mise à mort de ce Jésus de Nazareth qui, selon le témoignage de ses disciples, est ressuscité le dimanche de Pâque aux petites heures du matin. Une occasion pour les croyants d’aller à l’essentiel de ce message et d’entendre de nouveau ces paroles du condamné à mort, portant sa croix, leur dire :
« NE PLEUREZ PAS SUR MOI, MAIS PLEUREZ PLUTÔT SUR VOUS ET VOS ENFANTS. »
C'est le temps d'un examen de conscience en profondeur sur les véritables enjeux du monde dans lequel nous vivons et sur nos engagements, autant comme croyants que non croyants, pour lui donner un visage d'humanité, respirant la justice, la vérité et la vie.
Oscar Fortin
Québec, le 19 avril 2011
http://humanisme.blogspot.com
2 commentaires:
En effet, ceux qui ont organisé et planifié l’arrestation et la condamnation de Jésus de Nazareth, jugé trop dérangeant et encombrant, ont été Caïphe, le grand-prêtre, Hérode, le roi des juifs, et Pilate, le gouverneur romain et j’ajouterais l’apôtre Judas qui a été complice et qui a vendu Jésus pour de l’argent. Combien de gens de confiance et souvent proches de nous sont prêts à nous trahir pour de l’argent? Cette histoire se répète encore aujourd’hui et la Passion de Jésus continue!
Il ne fait aucun doute que ces grands maîtres s'assurent la collaboration de certains personnages et l'appui, autant faire se peut, de la population. C'est un peu ce à quoi je pensais en écrivant:"S’Il faut pleurer c’est tout autant sur ceux qui s’en font les auteurs que sur ceux qui, envoutés par la manipulation de ces derniers, en deviennent des promoteurs." Merci M. Morin pour l'intérêt que vous portez à mes réflexions.
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