VÉRITABLE
PÉCHÉ ORIGINEL
Nous sommes soudainement scandalisés d’entendre tout ce que la Commission
Charbonneau met à jour sur les systèmes de magouillage qui permettent à
certains bons serviteurs de l’État et à de généreux entrepreneurs de s’accorder
des revenus supplémentaires pour leurs bons services, à même les impôts et les
taxes des citoyens et citoyennes.
Nous sommes scandalisés, mais pas surpris du fait que nous savons que la
nature humaine, étant ce qu’elle est, a un fort penchant pour tout ce qui a
pour effet d’améliorer les conditions de vie individuelles, rendant possible la
jouissance de tous les bienfaits que la société de consommation met à la
disposition des mieux placés.
La corruption, objet du présent article, ne se présente jamais comme une
« peste » à fuir, mais comme un parfum à délecter. Elle ouvre des
espaces et des horizons qui deviennent, tout d’un coup, accessibles à certains
et non à d’autres. Les dommages collatéraux qu’elle peut comporter sont vite
noyés dans les nombreux bienfaits qu’elle génère à moins, comme c’est
actuellement le cas avec la Commission Charbonneau, qu’on remette en évidence
les dommages collatéraux que de tels comportements génèrent. Dans ce dernier
cas, les principaux inculpés auront toujours un « mais » qui
rappellera, tout de même, certains bienfaits dont ceux provenant de la qualité
de leur travail et de certains avantages dont la population aura pu bénéficier.
La corruption a deux grands apôtres sans lesquels elle ne pourrait
exister : le corrupteur et le corrompu. Le premier répond à des intérêts
qui lui sont propres et dispose de ressources qui lui assurent la puissance
nécessaire pour corrompre. Le second représente un intérêt certain pour le
corrupteur et n’est pas insensible aux bienfaits qui lui sont présentés. Dans
un cas comme dans l’autre, ils se vendent l’idée qu’ils agissent pour le
mieux-être de tout le monde. Si le scandale éclate et met à nue leur cupidité
et les crimes qui s’y rattachent, ce sera alors, non pas une faute
individuelle, mais une faute collective, partagée par plusieurs. Ce sera une
sorte de péché originel qu’ils n’ont pas vraiment commis, mais auquel ils ont
succombés « en toute bonne foi », l’élasticité de leur conscience
leur facilitant la tâche.
Trois appâts se prêtent merveilleusement bien à ce genre d’opération :
l’avoir, le pouvoir, le paraître. Le premier donne accès à tout ce qui se
consomme, le second fait goûter au plaisir de dominer et le troisième permet de
s’extasier devant l’admiration qu’il suscite. L’usage d’un de ces trois appâts
donnera, en général, de bons résultats. Force est de constater que seule une
minorité, soumise à pareilles tentations, parviendra à y résister.
La « corruption » est à tous les niveaux et prend toutes les
formes possibles pour répondre aux objectifs recherchés. Elle se caractérise
par la mise en place d’un système où corrupteurs et corrompus utilisent leur
zone d’influence pour détourner, illégalement, de leurs fins des avoirs et des
pouvoirs.
L’organisation des partis politiques, le choix de ceux qui en seront les
leaders n’échappent pas à ce « virus » qui contamine tout ou à peu
près tout. Les « lobbys », ces spécialistes de la corruption, jouent
un rôle prédominant dans la mise en place de privilèges négociés et partagés
avec ceux-là mêmes qui les rendent possibles. Les campagnes électorales sont un
autre moment fort où la corruption se répand comme un parfum aux mille vertus.
L’argent des commanditaires est là pour obtenir, le temps venu, la complicité
des élus. L’argent des partis politiques est également là, entre autres, pour
acheter des votes, pour corrompre des militants en vue de truquer le comptage
et recomptage de ces mêmes votes, etc.
On dit que la présente élection présidentielle aux États-Unis a coûté, à ce
jour, plus de 2 milliards de dollars. Qui va penser que cet argent est pour
informer les électeurs et électrices des grands problèmes que vit la société
étasunienne et pour convaincre que le programme politique de chacun des candidats est la
meilleure réponse aux intérêts du peuple étasunien, à ses grandes valeurs de
liberté, de respect, de solidarité et de démocratie ? Sans être un grand spécialiste de la question,
j’avancerais que les 2/3 de ces deux milliards servent à corrompre et à tromper
les électeurs et électrices. Il n’est pas surprenant qu’une fois au pouvoir,
ils répondent, d’abord et avant tout, aux grands intérêts de leurs bailleurs de
fonds. Il en va également de même pour le Canada où les vraies questions sont escamotées,
comme celles des armements et des guerres.
Hier, le 1er novembre, on annonçait que la restauration d’un des édifices
de la colline parlementaire à Ottawa, en était rendue à un milliard de dollars,
dépassant de beaucoup l’estimation initiale. Qui va soulever la question des
extra et des gonflements de prix ? Qui va demander qu’une enquête soit menée sur ces travaux et les prix astronomiques
qu’ils ont atteints ? Avec ce qui est révélé à la Commission Charbonneau, n’y a-t-il pas de
quoi poser des questions ? Que dire, maintenant, de ces contrats d’achat
d’avions de plusieurs milliards de dollars par le Gouvernement canadien ? Là encore, ce sont des
centaines de millions de dollars en pots-de-vin et en corruption qui y passent.
Évidemment, tous les politiciens, tous les fonctionnaires, tous les
lobbyistes et tous les partis politiques ne sont pas tous des corrupteurs et
des corrompus, mais à eux maintenant de se faire entendre et de dire tout ce
qu’ils savent sur ces systèmes de magouillage. Ils n’ont pas à porter sur leurs
épaules les tares dont ils sont d’innocentes victimes. Il faut qu’ils prennent
la parole et dénoncent ce qu’ils savent. La ligne de partie ne peut les obliger
à en devenir complices.
La « corruption » est là comme la peste qui contamine tout. Elle
détruit la solidarité citoyenne, elle chloroforme les consciences, elle détruit
toute humanité. La confiance devient une denrée rare et la gratuité ne se
laisse vraiment découvrir qu’à travers la bonne foi et la solidarité spontanée
qui caractérisent et fondent le "bien vivre ensemble".
Je
laisse en référence un
article qui rappelle que le débat sur la corruption ne
doit pas conduire à des dérives qui finissent par tuer l'âme de toute relation
humaine. Qu’on commence à s’attaquer à ces gros systèmes bien rôdés où mafia, hommes
politiques, fonctionnaires et gens d’affaires ramènent à eux ce qui devrait servir
au bien commun du peuple. L’État est là pour défendre et assurer ce bien commun
et non celui d’oligarchies peu scrupuleuses.
Oscar Fortin
Québec, le 2 novembre 2012
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