jeudi 26 janvier 2006

BENOÏT XVI ET L'AMOUR

Le jour de la publication de l’encyclique de Benoît XVI sur l’amour je visitais un centre de santé dans une des zones les plus pauvres et criminalisées de Santiago du Chili. Là, j’y ai rencontré des hommes et des femmes de tout âge, de toute croyance se dévouer avec une vitalité, une joie et un professionnalisme exceptionnel auprès d’une clientèle aux mille visages. Ces personnes, aujourd’hui employées de l’État, étaient, il n’y a pas encore longtemps, des bénévoles ou á peu prés, au service d’organismes de charité. Cette prise en charge par la collectivité ne s’est pas fait toute seule. C’est suite á des luttes, menées socialement et politiquement, que l’État a été amené á assumer cette responsabilité. Ces dernières ont ainsi donné à la charité son véritable visage : un service á la justice, á la vérité, á la solidarité et á la compassion.

Il n’y a pas moins d’amour et de dévouement maintenant que l’État en assume la responsabilité que lorsque c’était des –églises ou des organismes de charité. En ce sens « les persécutés pour la justice » qui ont mené ces combats et dont nous parlent les Béatitudes sont tout autant des témoins de la charité et de l’amour que ne l’ont été mère Teresa et des milliers d’autres oeuvrant dans « de bonnes œuvres. En effet, une charité qui ne serait pas au service de la vérité, de la justice, de la solidarité humaine et de la compassion serait á toute fin pratique une caution donnant bonne conscience aux manipulateurs du monde.

Ce n’est pas la voie prise par Mgr Romero au Salvador, l’abbé Pierre en France et combien d’autres á travers le monde qui ont témoigné d’une charité engagée sur tous les fronts allant dans certains cas jusqu’au don de leur vie. Ils n’ont pas cautionné les injustices, les mensonges, les manipulations de toute nature. Ils se sont élevés á temps et á contre temps pour les dénoncer sans égard au prestige des personnes concernées et aux conséquences pour eux-mêmes et leurs organisations.

Séparer la charité des œuvres de justice et de solidarité humaine c’est la transformer en bonne conscience des responsables de ces mêmes malheurs. Ce serait comme un accord plus ou moins tacite entre ceux qui cassent les plats et ceux qui essaient de les recoller. Les dons des premiers aidant les seconds á faire du recollage. Il y a une sorte de cercle vicieux et d’interdépendance qui transforment la charité en un placage artificiel. C’est la substituer á la véritable charité chrétienne qui plonge ses racines dans « les béatitudes » dont nous rend compte le Sermon sur la montagne. »

On n’a pas crucifié Jésus parce qu’il faisait de bonnes œuvres, mais bien plutót parce qu’il secouait les colonnes des pouvoirs religieux et politiques. Caïphe, Hérode et Pilate ont préféré s’en débarrasser parce qu’il était devenu trop menaçant. Ses sorties contre l’hypocrisie des pharisiens, contre l’usage étroit de la loi hébraïque et des pratiques religieuses se substituant au véritable culte qui plaie á Dieu, sont autant d’appels á sortir du cercle de nos pensées rationnelles pour entrer dans celui de l’existence qui donne tous les jours l’occasion de vivre l’amour. Il suffit de relire la seconde lettre de Paul aux Corinthiens, au chapitre 13, pour découvrir que l’amour n’est pas une morale mais une manière d’être.

Les réponses indispensables á apporter aux souffrances humaines laissées de coté par les responsables politiques et économiques ne doivent pas laisser dans l’ombre les réponses á apporter aux causes de ces malheurs et de bien d’autres.

Oscar Fortin

De Santiago du Chili
Le 25 janvier 2006

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