Le message papal du premier janvier est l’occasion pour l’Église de faire entendre sa voix sur la paix dans le monde et de rappeler les conditions qui doivent la fonder. Benoît XVI ne s’est pas soustrait à cette tradition et a fait porter son intervention du 1ier janvier 2006, sur la paix. Elle était d’autant plus attendue que c’était la première fois, en tant que Pape, qu’il avait l’occasion de donner son point de vue sur les problèmes qui alimentent les guerres et rendent si difficile l’avènement de la paix dans le monde. Il a énoncé des principes, condamné des actions et encouragé d’autres. Toutefois, ses silences sur des questions pourtant importantes réduisent fortement la portée de son message.
Benoît XVI parle du MENSONGE comme source principale des conflits dans les relations des peuples et des personnes : « Dehors ... tous ceux qui aiment et pratiquent le mensonge » (22,15). » Mais, pas un mot de la guerre en Irak, pourtant fondée sur le « mensonge ». Ne s’agit-il pas de la guerre la plus sanglante du début de ce présent siècle? Des milliers de morts et des centaines de milliers de blessés en marquent déjà l’histoire. Pas un mot non plus sur les moyens de communication. Ne sont-ils pas le véhicule tout indiqué pour diffuser tout autant le mensonge que la vérité et influencer ainsi l’opinion publique mondiale ? Il y a la vérité que l’on veut bien diffuser et celle que l’on préfère taire. Il y a des emballages qui font passer plus facilement certains points de vue et d’autres qui les rendent abjects. Les moyens de communication peuvent faire « de certains des dieux » et de « certains autres des diables ». Une manière évidemment pour dire toute la puissance que représentent ces moyens de communication et la force qu’ils assurent à ceux qui en ont le contrôle. Dans pareil contexte la Vérité, celle qui fonde la Paix, devient cette aiguille que l’on doit trouver dans une meule de foin. Un rappel des responsabilités de ceux et celles qui contrôlent ces moyens de communication aurait sûrement servi les droits de tout citoyen à la vérité.
Benoît XVI parle également de la JUSTICE comme source et fondement à la Paix : « La paix apparaît alors sous un jour nouveau: non comme une simple absence de guerre, mais comme la convivialité des citoyens dans une société gouvernée par la justice, société dans laquelle se réalise aussi le bien pour chacun d'entre eux, autant que faire se peut. » Cette rare référence à la justice n’en fait pas moins un point fondamental et indispensable à l’avènement de la paix. C’eût été une occasion toute indiquée pour partager ses réflexions sur la mondialisation et les diverses tendances qui interpellent toujours davantage la communauté internationale et la conscience humanitaire. Il y a les tenants d’une mondialisation fondée sur la prédominance de l’ « économique » et les tenants d’une mondialisation fondée sur la prédominance du « social ». Il eût été intéressant d’entendre Benoît XVI parler des effets du libéralisme économique sur la société gouvernée par la justice. Il en eût été de même pour la société solidaire. Il n’y a pas de doute que les réflexions de Benoît XVI, entourant ce débat, eurent été fort pertinentes.
Benoît XVI, dans son intervention, se porte à la défense du droit humanitaire international ainsi que de l’Organisation des Nations Unies. Il se fait l’avocat d’une communauté internationale forte : « Le souhait qui monte du plus profond du coeur est que la Communauté internationale sache retrouver le courage et la sagesse de relancer résolument et collectivement le désarmement, donnant une application concrète au droit à la paix, qui est pour tout homme et pour tout peuple. En s'engageant à sauvegarder le bien de la paix, les divers Organismes de la Communauté internationale pourront retrouver l'autorité qui est indispensable pour rendre leurs initiatives crédibles et incisives. » (14) Cet appui accordé à la communauté internationale ne s’accompagne toutefois pas d’une analyse des pratiques de certains États qui enlèvent à cette même communauté le pouvoir de donner suite à son mandat de paix. Cette analyse ferait sûrement ressortir que ce ne sont ni le courage, ni la sagesse qui manquent aux Nations Unies mais bel et bien la volonté de la Super Puissance, que sont les Etats-Unis, de s’en remettre à la Communauté internationale pour assurer la défense et le respect de certains droits fondamentaux. Comment, en effet, faire respecter le droit humanitaire international lorsque cette même Super Puissance se soustrait de certaines institutions qui ont justement pour mandat de faire respecter ces mêmes droits ? Comment avoir de la crédibilité lorsque cette même Puissance agit comme elle l’entend selon ses intérêts nationaux et internationaux indépendamment du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée générale des Nations Unies ? Cette dernière ne peut, à elle seule, faire le poids. Benoît XVI se garde bien de relever ces contradictions et de rappeler à cette Super puissance ses devoirs et obligations en ce sens. Il choisit plutôt de la « ménager ».
Benoît XVI aborde évidemment le problème du TERRORISME : « la vérité de la paix continue d'être compromise et niée de façon dramatique par le terrorisme qui, par ses menaces et ses actes criminels, est en mesure de tenir le monde dans un état d'angoisse et d'insécurité. » Son analyse des fondements de ce phénomène est empruntée à Jean-Paul II qui l’a stigmatisé comme étant soit une forme de haine contre l’humanité qu’il qualifie de nihilisme ou soit une volonté d’imposer par la force et la violence une façon de voir et de vivre qu’il qualifie de fondamentalisme religieux. Cette analyse demeure relativement étroite et n’est pas sans comporter certaines ambiguïtés. Nous aurions souhaité que Benoît XVI aille plus profondément et largement dans sa réflexion sur ce phénomène DU TERRORISME. Par exemple : y a-t-il une façon humaine de tuer des innocents? Quelle différence y a-t-il entre une bombe larguée d’un bombardier sur un quartier résidentiel et un kamikaze qui se fait exploser dans un marché populaire? Y a-t-il une différence entre le terrorisme d’État qui attaque au nom de la sécurité nationale et le terrorisme clandestin qui attaque pour défendre ses valeurs de vie ? L’intervention des Etats-Unis en Irak est-elle une forme de terrorisme? Les actions de sabotage visant la chute du Gouvernement cubain sont-elles des actions terroristes? Les initiatives visant l’élimination physique du Président du Venezuela sont-elles également du terrorisme? Autant de questions dont les réponses auraient pu s’alimenter à partir des réflexions de Benoît XVI.
Dans son tour d’horizon mondial, Benoît XVI parle d’une certaine pacification en Afrique, du conflit toujours présent en Palestine, des forces de paix en Afghanistan. Il ne parle toutefois pas de l’Irak et ne fait aucune référence à l’Amérique latine, pourtant en pleine transformation sociale, politique et économique. Un silence d’autant plus frappant qu’il s’agit du Continent à plus forte densité catholique. Il eût été intéressant qu’il analyse quelque peu les expériences qui se vivent au Brésil, au Venezuela, en Argentine, à Cuba et dans d’autres pays comme Haïti, République Dominicaine, le Mexique, le Guatemala etc. à la lumière du concept de "société gouvernée par la justice". Peut-être y aurions-nous trouvé des pistes intéressantes pour bâtir la paix. d’autant plus que l’interventionnisme se fait de plus en plus menaçant dans cette partie du monde.
CONCLUSION
Le MESSAGE de Benoît XVI aura laissé beaucoup de ses interlocuteurs sur leur faim. La parole prophétique, transcendante et signifiante pour toute personne de bonne volonté n’aura pas été au rendez-vous de la journée mondiale de la Paix. Nous avons eu droit au rappel de certains principes mais leurs incidences sur les pratiques de ceux qui tiennent les ficelles du pouvoir n’auront pas été relevées. Ainsi, le mensonge continuera de se présenter sous les apparats de la vérité, les gouvernements poursuivront leur route sous la tutelle de ceux qui tirent les ficelles de leur survie économique, les révolutionnaires, les anarchistes et les non-conformistes poursuivront à leur manière leur combat. Le sous-développement continuera de s’imposer aux deux tiers de l’humanité.
Oscar Fortin
Benoît XVI parle du MENSONGE comme source principale des conflits dans les relations des peuples et des personnes : « Dehors ... tous ceux qui aiment et pratiquent le mensonge » (22,15). » Mais, pas un mot de la guerre en Irak, pourtant fondée sur le « mensonge ». Ne s’agit-il pas de la guerre la plus sanglante du début de ce présent siècle? Des milliers de morts et des centaines de milliers de blessés en marquent déjà l’histoire. Pas un mot non plus sur les moyens de communication. Ne sont-ils pas le véhicule tout indiqué pour diffuser tout autant le mensonge que la vérité et influencer ainsi l’opinion publique mondiale ? Il y a la vérité que l’on veut bien diffuser et celle que l’on préfère taire. Il y a des emballages qui font passer plus facilement certains points de vue et d’autres qui les rendent abjects. Les moyens de communication peuvent faire « de certains des dieux » et de « certains autres des diables ». Une manière évidemment pour dire toute la puissance que représentent ces moyens de communication et la force qu’ils assurent à ceux qui en ont le contrôle. Dans pareil contexte la Vérité, celle qui fonde la Paix, devient cette aiguille que l’on doit trouver dans une meule de foin. Un rappel des responsabilités de ceux et celles qui contrôlent ces moyens de communication aurait sûrement servi les droits de tout citoyen à la vérité.
Benoît XVI parle également de la JUSTICE comme source et fondement à la Paix : « La paix apparaît alors sous un jour nouveau: non comme une simple absence de guerre, mais comme la convivialité des citoyens dans une société gouvernée par la justice, société dans laquelle se réalise aussi le bien pour chacun d'entre eux, autant que faire se peut. » Cette rare référence à la justice n’en fait pas moins un point fondamental et indispensable à l’avènement de la paix. C’eût été une occasion toute indiquée pour partager ses réflexions sur la mondialisation et les diverses tendances qui interpellent toujours davantage la communauté internationale et la conscience humanitaire. Il y a les tenants d’une mondialisation fondée sur la prédominance de l’ « économique » et les tenants d’une mondialisation fondée sur la prédominance du « social ». Il eût été intéressant d’entendre Benoît XVI parler des effets du libéralisme économique sur la société gouvernée par la justice. Il en eût été de même pour la société solidaire. Il n’y a pas de doute que les réflexions de Benoît XVI, entourant ce débat, eurent été fort pertinentes.
Benoît XVI, dans son intervention, se porte à la défense du droit humanitaire international ainsi que de l’Organisation des Nations Unies. Il se fait l’avocat d’une communauté internationale forte : « Le souhait qui monte du plus profond du coeur est que la Communauté internationale sache retrouver le courage et la sagesse de relancer résolument et collectivement le désarmement, donnant une application concrète au droit à la paix, qui est pour tout homme et pour tout peuple. En s'engageant à sauvegarder le bien de la paix, les divers Organismes de la Communauté internationale pourront retrouver l'autorité qui est indispensable pour rendre leurs initiatives crédibles et incisives. » (14) Cet appui accordé à la communauté internationale ne s’accompagne toutefois pas d’une analyse des pratiques de certains États qui enlèvent à cette même communauté le pouvoir de donner suite à son mandat de paix. Cette analyse ferait sûrement ressortir que ce ne sont ni le courage, ni la sagesse qui manquent aux Nations Unies mais bel et bien la volonté de la Super Puissance, que sont les Etats-Unis, de s’en remettre à la Communauté internationale pour assurer la défense et le respect de certains droits fondamentaux. Comment, en effet, faire respecter le droit humanitaire international lorsque cette même Super Puissance se soustrait de certaines institutions qui ont justement pour mandat de faire respecter ces mêmes droits ? Comment avoir de la crédibilité lorsque cette même Puissance agit comme elle l’entend selon ses intérêts nationaux et internationaux indépendamment du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée générale des Nations Unies ? Cette dernière ne peut, à elle seule, faire le poids. Benoît XVI se garde bien de relever ces contradictions et de rappeler à cette Super puissance ses devoirs et obligations en ce sens. Il choisit plutôt de la « ménager ».
Benoît XVI aborde évidemment le problème du TERRORISME : « la vérité de la paix continue d'être compromise et niée de façon dramatique par le terrorisme qui, par ses menaces et ses actes criminels, est en mesure de tenir le monde dans un état d'angoisse et d'insécurité. » Son analyse des fondements de ce phénomène est empruntée à Jean-Paul II qui l’a stigmatisé comme étant soit une forme de haine contre l’humanité qu’il qualifie de nihilisme ou soit une volonté d’imposer par la force et la violence une façon de voir et de vivre qu’il qualifie de fondamentalisme religieux. Cette analyse demeure relativement étroite et n’est pas sans comporter certaines ambiguïtés. Nous aurions souhaité que Benoît XVI aille plus profondément et largement dans sa réflexion sur ce phénomène DU TERRORISME. Par exemple : y a-t-il une façon humaine de tuer des innocents? Quelle différence y a-t-il entre une bombe larguée d’un bombardier sur un quartier résidentiel et un kamikaze qui se fait exploser dans un marché populaire? Y a-t-il une différence entre le terrorisme d’État qui attaque au nom de la sécurité nationale et le terrorisme clandestin qui attaque pour défendre ses valeurs de vie ? L’intervention des Etats-Unis en Irak est-elle une forme de terrorisme? Les actions de sabotage visant la chute du Gouvernement cubain sont-elles des actions terroristes? Les initiatives visant l’élimination physique du Président du Venezuela sont-elles également du terrorisme? Autant de questions dont les réponses auraient pu s’alimenter à partir des réflexions de Benoît XVI.
Dans son tour d’horizon mondial, Benoît XVI parle d’une certaine pacification en Afrique, du conflit toujours présent en Palestine, des forces de paix en Afghanistan. Il ne parle toutefois pas de l’Irak et ne fait aucune référence à l’Amérique latine, pourtant en pleine transformation sociale, politique et économique. Un silence d’autant plus frappant qu’il s’agit du Continent à plus forte densité catholique. Il eût été intéressant qu’il analyse quelque peu les expériences qui se vivent au Brésil, au Venezuela, en Argentine, à Cuba et dans d’autres pays comme Haïti, République Dominicaine, le Mexique, le Guatemala etc. à la lumière du concept de "société gouvernée par la justice". Peut-être y aurions-nous trouvé des pistes intéressantes pour bâtir la paix. d’autant plus que l’interventionnisme se fait de plus en plus menaçant dans cette partie du monde.
CONCLUSION
Le MESSAGE de Benoît XVI aura laissé beaucoup de ses interlocuteurs sur leur faim. La parole prophétique, transcendante et signifiante pour toute personne de bonne volonté n’aura pas été au rendez-vous de la journée mondiale de la Paix. Nous avons eu droit au rappel de certains principes mais leurs incidences sur les pratiques de ceux qui tiennent les ficelles du pouvoir n’auront pas été relevées. Ainsi, le mensonge continuera de se présenter sous les apparats de la vérité, les gouvernements poursuivront leur route sous la tutelle de ceux qui tirent les ficelles de leur survie économique, les révolutionnaires, les anarchistes et les non-conformistes poursuivront à leur manière leur combat. Le sous-développement continuera de s’imposer aux deux tiers de l’humanité.
Oscar Fortin
1 commentaire:
Merci de votre opinion, très interessante lecture!
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