mardi 3 novembre 2015

SCANDALE AU VATICAN: DOCUMENTS SECRETS FILTRÉS (IOR)




NOTE : Le 13 octobre 2013, j’avais publié un article portant sur les nominations de ceux et de celle qui allaient occuper des postes de premier plan dans cette grande réforme, voulue par le pape François. Suite au scandale des derniers jours, impliquant ces personnages et dénoncé avec force par le Vatican, j’ai pensé remettre à la UNE cet article.  Le scandale porte sur le filtrage de documents ultras secrets, mis entre les mains de deux auteurs italiens. Deux livres, tout fraîchement édités, font état du contenu de ces documents. Le lien plus haut indiqué vous en dira plus sur le sujet.


il n`est rien de caché qui ne doive être découvert, rien de secret qui ne doive être mis au jour. » Marc, 4,22





Suite aux nombreux scandales,  rapportés par Vatileaks,  entre autres ceux de la Banque du Vatican et de l’existence d’un lobby gay, une réforme radicale s’impose, non seulement de la Curie romaine, mais aussi et de façon prioritaire de la Banque du Vatican, dénommé « Institut des œuvres religieuses » (I0R).

Comment une institution comme celle de l’Église peut-elle continuer de proclamer au monde un message de justice, de vérité, de solidarité,  de compassion, de partage, etc. tout en incarnant dans ses rouages administratifs ce qu’il y de plus contraire à ces valeurs? L’Église, porteuse du message évangélique et du témoignage de Jésus de Nazareth, se retrouve, dans sa façon d’être, aux antipodes tant du message que du témoignage.  Benoît XVI en a pris conscience et n’a eu d’autre alternative honorable que celle de démissionner comme pape. Toutefois, quelques jours précédant sa démission, il a procédé à la nomination d’un nouveau directeur général de la Banque du Vatican en la personne du baron  Ernst von Freyberg.

« Cinquante-cinq ans, avocat marié à une Française, aristocrate de grande lignée, chevalier de l'ordre de Malte, von Freyberg a une grande expérience de la finance internationale. Mais il est également président des chantiers navals Blohm & Voss de Hambourg, qui fabriquent des yachts de luxe et... des navires de guerre. Le site de l'entreprise arbore fièrement les photos de frégates lourdement armées. Une activité que beaucoup jugent incompatible avec une responsabilité aussi stratégique que la présidence de l'IOR. …»

Une nomination qui demeure suspecte et qui n’est pas sans soulever la question des secteurs d’investissement de ces centaines de millions d’euros. Servent-ils à construire des bateaux de guerre, à financer des activités de mercenaires au service de forces politiques et économiques, etc. ? Ce capital énorme, à qui et à quoi sert-il vraiment ?

LE PAPE FRANÇOIS PASSE À L’ACTION

Dès ses premiers mots, le pape François a fait entendre qu’il voulait une Église pauvre avec les pauvres. Le nom adopté, le rattachant à François d’Assise, en est un signal de taille. Ce dernier est reconnu pour son choix de vie de pauvre avec les pauvres et surtout par ces paroles entendues de la bouche du Christ : « François, reconstruis mon Église qui est tombée en ruine »

Il va de soi que ces ruines dont il est ici question n’ont rien à voir avec la situation matérielle de l’Église, mais bien avec le vide moral et l’abandon des grandes consignes laissées par Jésus à ses disciples.

Trois commissions furent rapidement mises en place pour procéder aux réformes les plus urgentes, sans exclure qu’elles puissent conduire à une véritable révolution dans l’Église. 

Il y a celle visant les réformes de la Curie, appelée le G8, en référence aux huit (8) membres qui intègrent cette commission. J’aurai l’occasion de revenir sur cette commission dans un autre article.

Il y a celle, se référant à l’Institut des œuvres religieuses (Banque du Vatican), qui comprend cinq (5) membres.

Finalement il y a celle portant sur  les services économiques et administratifs du Vatican, intégrée par huit (8) membres.

Ces trois commissions ont en commun de relever directement du pape et d’être au service de ce dernier. Les deux  dernières, ont en commun de disposer des pouvoirs nécessaires pour accéder aux archives de l’IOR ainsi qu’aux principaux intervenants impliqués dans la gestion de cette dernière.  Il s’agit donc, pour ces deux dernières commissions,  de treize (13) personnes, mandatées par le Pape pour pénétrer dans les entrailles de l’Institut pour les œuvres religieuses.

LA COMMISSION VISANT L’INSTITUT DES ŒUVRES RELIGIEUSES

Dès le mois de juin, le pape François a procédé à la création d’une commission spéciale pour faire toute la lumière sur les activités de la banque du Vatican. Cette commission a pour mandat exclusif de recueillir toutes les informations pertinentes ainsi que les documents de toute nature relatifs à la provenance et à la gestion des fonds qui s’y retrouvent. La collaboration des autorités et employés est sollicitée pour que cette commission puisse mener à bien son mandat. Une fois compilées toutes ces informations, elles seront remises au Pape et ladite commission sera dissoute.

Les membres de cette commission sont : le cardinal italien Raffaele Farina, ex-responsable des archives secrètes du Vatican; le cardinal Jean-Louis_Tauran; Mgr Juan Ignacio Arrieta Ochoa de Chinchetru, un spécialiste espagnol de la législation du Vatican, désigné comme coordinateur;  un Américain membre de la Secrétairerie d’État, Mgr Peter Bryan Wells, en tant que secrétaire; la professeure étasunienne Mary Ann Glendon, spécialiste en droit de Harvard.


L’IOR gère 19.000 comptes appartenant en majorité au clergé catholique, soit environ 7 milliards d'euros.
Dans un rapport récent, on parle d’un rendement de capital de 86.6 millions d’euros pour l’année 2012, soit près de 4 fois les revenus de 2011. On signale également la présence d’un millier de comptes, représentant plus de 300 millions d’euros, qui ne répondent à aucun des membres pour lesquels l’IOR existe. Ces comptes devront être fermés. On suppose qu’il s’agit d’une couverture pour le lavage d’argent noir. On dit également que plus de 2000 clients se sont retirés au cours de la dernière année.

Pour le moment la commission poursuit son travail de cueillette des données et le nouveau directeur général, baron  Ernst von Freyberg, produit des communiqués qui vont dans le sens d’une plus grande transparence.

LA COMMISSION VISANT LA RÉFORME DES SERVICES ÉCONOMIQUES ET ADMINISTRATIFS DU VATICAN

Cette commission a été créée le 19 juillet 2013, un mois après celle portant sur l’IOR. Ses membres sont nommés directement par le Pape et c’est à ce dernier qu’ils auront à faire rapport. Ses membres, tous laïcs, à l’exception du coordonnateur, sont des experts des affaires économiques et financières, de la gestion et des questions juridiques. Ils viennent d'Espagne, d'Allemagne, de France, de Singapour, de Malte et d'Italie.

Les membres de la Commission sont Jean-Baptiste de Franssu (France), Jean Videlain-Sevestre (France), Joseph FX Zahra (Malte), Président, Enrique Llano (Espagne), Jochen Messemer (Allemagne), Francesca Immacolata Chaouqui (Italie) et George Yeo (Singapour).

Deux noms sont particulièrement à retenir : celui du coordinateur, Mgr Lucio Angel Vallejo Balda, et celui de cette jeune dame, Francesca Immacolata Chaouqui.

Mgr Lucio Angel Vallejo Balda est un prêtre espagnol de 52 ans avec plus de 25 ans d’expérience dans le secteur économique.  Secrétaire de la Préfecture des Affaires économiques du Vatican, il devient, avec cette nomination, coordinateur de cette commission, une référence incontournable dans ce processus des réformes amorcées par le pape François. Il s’était démarqué de façon particulière comme responsable de l’organisation des Journées mondiales de la jeunesse, réalisées en Espagne, en 2011. À n’en pas douter, il est un homme de confiance de premier plan du pape François.


Francesca Chaouqui, 30 ans, née de père marocain et de mère italienne, mariée, a derrière elle une carrière dans le domaine des relations publiques en Italie. Avant sa nomination, elle était directrice des communications et relations extérieures de la branche italienne du prestigieux cabinet Ernst&Young. Mgr Vallejo Balda résumait ainsi son CV et ses qualités professionnelles à l’intention du Pape:
« Expérience de plusieurs années dans le domaine du conseil en gestion de la communication d’entreprise et en management des relations extérieures et institutionnelles; leadership faisant autorité; fondé sur de grandes aptitudes en matière de relations publiques et de communication, et forte capacité à finaliser les contacts au niveau business; guidée par des principes et des valeurs éthiques et moraux très forts. »

Elle n’a pas froid aux yeux et sa participation à cette commission lui donne le pouvoir de scruter tous les dossiers rattachés à la gestion économique et financière du Vatican. Son arrivée dans ce milieu d’hommes et de secrets en dérange plusieurs. Déjà, elle fait l’objet d’attaques sournoises qui visent toutes à la discréditer. Le pape François ne bronche pas et maintient le cap.


LE CAS DE MGR BATTISTA RICCA

Je ne saurais terminer cette section portant sur ces commissions reliées à l’IOR et à la gestion économique et financière sans parler du cas de Mgr Battista.

Au début du mois de juin, le pape François, après consultation et vérification du dossier personnel de Mgr Battista Ricca, le nomme « prélat » de l’IOR.  Un poste qui permet de participer à toutes les rencontres du Conseil d’Administration et de consulter tous les documents.

Ce dernier avait gagné la confiance de Bergoglio : d’abord en tant que directeur de la résidence de la via della Scrofa, où l'archevêque de Buenos Aires logeait lorsqu’il se rendait en visite à Rome, et actuellement en tant que directeur de la Domus Sanctæ Marthæ, où le pape François a choisi d’habiter depuis qu’il est pape.

Or,  voici qu’au moment où le pape François est au Brésil pour les Journées mondiales de la jeunesse, on apprend que ce prélat est « gay » et qu’il a eu diverses aventures amoureuses alors qu’il était diplomate.

Cette nouvelle explique l’insistance des journalistes, dans l’avion de retour du Brésil, à interroger le pape sur l’homosexualité. Nous connaissons la réponse du pape qui a été amplement commentée.

Toujours est-il que le pape ne fut pas heureux du fait qu’on ne l’ait pas informé de ces choses dans les rapports qui lui avaient été remis avant qu’il procède à sa nomination  Ni le Secrétaire d’État, ni les autres sources consultées n’ont fait allusion à cette situation du personnage. A-t-on voulu piéger le pape pour mieux le discréditer ?

Le pape François a passé outre à cette révélation et a maintenu le Mgr Ricca à son poste.

CONCLUSION

Là où est le trésor, les intrigues ne se font pas attendre. Le pape François, en s’attaquant à ce trésor doit s’attendre, tout comme ceux et celles qui l’accompagnent dans cette opération, à être la cible des magouilleurs et des tricheurs.


Le 8 octobre dernier une nouvelle loi a été adoptée par la Commission pontificale pour l’État de la ville du Vatican « pour les normes en matière de transparence, de vigilance et d’information financière. Elle donne suite au « motu proprio du pape François, du 8 août dernier. En voici les principaux éléments :



-  mesures préventives contre le blanchissement d’argent et le financement du terrorisme;

-  supervision et régulation des entités qui réalisent des activités de caractère financier;
-  des mesures contre les sujets qui mettent en danger la paix et la sécurité internationale;
- coopération et échange d’information de la part de l’Autorité de l’information financière, tant au niveau national qu'international ;                 
-  déclaration de la circulation transfrontière d’argent en effectifs;

Remarque : Bien des points demeurent imprécis, comme la référence au terrorisme, aux activités qui mettent en danger la paix ainsi que la sécurité internationale. Sur ces questions, le Vatican opère-t-il avec le dictionnaire de Washington ou avec celui du droit international des Nations Unies ? Ces points devront être clarifiés.

Dans son entrevue accordée aux revues jésuites, le pape François répond à la question « Qui est Jorge Mario Bergoglio? »


 « Si, je peux peut-être dire que je suis un peu rusé, que je sais manoeuvrer, mais il est vrai que je suis aussi un peu ingénu. Oui, mais la meilleure synthèse, celle qui est la plus intérieure et que je ressens comme étant la plus vraie est bien celle-ci : Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. »

RUSÉ-MANŒUVRER-INGÉNUE-PÉCHEUR

Il a de quoi mettre à profit toutes ces caractéristiques.

Une histoire à suivre.





Oscar Fortin
Québec, le 13 octobre 2013 





2 commentaires:

Marius MORIN a dit...

« Sur ces questions, le Vatican opère-t-il avec le dictionnaire de Washington ou avec celui du droit international des Nations Unies ? Ces points devront être clarifiés. » Les Nations Unies sont-elles un organisme souverain, autonome ou une instance menottée par Washington et les multinationales ? Merci de pouvoir communiquer avec toi par courriel.

Oscar Fortin a dit...

Merci Marius, le plaisir est réciproque