LE PAPE FRANÇOIS RÉSISTE AUX PRESSIONS DE WASHINGTON
Comment ne pas parler de cette visite
historique du président Vladimir Poutine au Vatican? Ce n’est pas la première
fois que le président Poutine rencontre le pape François, mais c’est la
première fois dans un contexte aussi explosif.
Washington et ses alliés accusent ce
Président d’être le grand responsable des guerres, particulièrement en Ukraine
et au Moyen-Orient. Si nous tenons pour acquis le message que nous livre la
presse officielle dont Washington est le maitre d‘œuvre, nous comprendrons que
c’est l’Occident qui fait tout pour qu’il n’y ait pas de guerres alors que
Poutine ne cesse de menacer d’invasion les pays pacifiques de l’Europe. À les
entendre, Poutine est une menace terrible, véritable épée de Damoclès, suspendue au-dessus de tous ces pays qui ne
veulent que la paix. Comment, en pareille circonstance, ne pas déployer tous
les moyens et les forces nécessaires pour faire entendre raison à ce Président
menaçant et envahisseur? D’où suit, évidemment, l’armement le plus complet de
tous ces peuples par l’envoi d’armes les plus sophistiquées et d’instructeurs
militaires pour assurer leur formation à la guerre.
On parle de transport
en Europe d’armements lourds et de préparatifs pour une guerre en
Europe. Du 26 septembre au 6 novembre, l’OTAN et Washington réaliseront le
plus important exercice
militaire depuis la fin de la guerre froide.
« Il se déroulera en Italie, Espagne et Portugal du 28 septembre au 6
novembre, avec des unités terrestres,
aériennes et navales et avec des forces spéciales de 33 pays (28 OTAN plus 5
alliés) : plus de 35mille militaires, 200 avions, 50 navires de guerre. Y
participeront aussi les industries militaires de 15 pays pour évaluer de
quelles autres armes a besoin l’OTAN. »
Cette mise en scène avec tout ce qu’elle comporte
de conditionnement et manipulation de l’opinion publique risque de perdre
beaucoup de crédibilité avec cette visite du président Poutine au pape
François. Ce dernier sera en contact direct avec le principal accusé de
l’Occident et entendra la version non censurée de ce dernier. Il y a risque à
ce que le pape François décode la manœuvre et découvre le caractère guerrier et
manipulateur de cet Occident.
Cette situation explique toutes les initiatives,
prises par les représentants de cet Occident auprès du Vatican, pour que le
pape ne reçoive pas Poutine. Ces initiatives, de toute évidence, n’ont pas
donné les résultats escomptés. D’autres initiatives furent prises pour encadrer
de plus près cette rencontre. Les conseils et consignes ne manquèrent pas pour
que le pape ne se laisse pas tromper. Rien n’y fit. Le pape a reçu le président
Poutine et la rencontre s’est réalisée à huit-clos avec la seule présence des
deux traducteurs, choisis par chacun des interlocuteurs.
Il importe de rappeler que le pape François ne
s’était pas compromis avec Washington et l’Occident sur la question de
l’Ukraine et que cela les inquiétait déjà beaucoup. Habituellement, cette
collaboration du Vatican avec ses partenaires occidentaux allait de soi, mais
voilà que ce pape François veut en savoir plus et que sa porte est ouverte à
ceux qui peuvent lui donner de première main l’information la plus ample sur ce
qui se passe dans le monde. En cela, cette rencontre du pape François avec le
président Poutine est vraiment historique. Le pape s’affirme comme indépendant
et souverain par rapport à Washington.
Conscient des pressions exercées sur lui et
auxquelles il a su résister, le pape François a accueilli comme prévu le
président Poutine au Vatican. Après les photos et les salutations d’usage, les
deux hommes se sont retirés dans une pièce à part pour aborder les grands et
graves problèmes qui interpellent notre monde.
La réalité est que les deux hommes sont sortis
avec le sourire, après plus de 50 minutes de dialogue. Il ne fait aucun doute
que le président Poutine, a exprimé son point de vue et remis les pendules à
l’heure quant au conflit en Ukraine. Il aura rappelé que l’actuel gouvernement
est le résultat d’un coup d’État préparé de longue main par Washington et
l’OTAN. Il aura également précisé que l’actuel conflit met en cause le
gouvernement de Kiev avec une partie de la population ukrainienne qui est de
souche et de culture russes. Ces derniers n’ont pas accepté ce changement
inconstitutionnel du gouvernement. Depuis, ils sont la cible d’attaques qui ont
fait à ce jour plus de 6000 morts et de mesures législatives qui les privent de
leurs droits les plus fondamentaux. La langue russe ne fait plus partie du
décor législatif et les pensions destinées aux personnes âgées et en nécessité
de subsistance ont été éliminées. Une occasion, tout indiquée, pour rappeler au
pape François, ses
propos lors de sa visite récente en Bosnie-Serbie. Une approche avec
laquelle il ne peut qu’être entièrement d’accord.
« La
coexistence de trois communautés, les serbes orthodoxes, les musulmans
bosniaques et les croates catholiques, «témoigne au monde entier que la
collaboration entre diverses ethnies et religions en vue du bien commun est
possible», a-t-il dit dans son premier discours de la journée. »
Déjà,
le cardinal Parolin, secrétaire d’État du Vatican avait évoqué cet aspect dans un
document préparatoire à cette visite.
« Il est
nécessaire d’assurer une égalité fondamentale entre tous les citoyens et entre
toutes les classes sociales, culturelles et politiques qui font partie de ce
pays, de telle manière que tous se sentent des citoyens avec une identité
spécifique, indépendamment du nombre. (Traduction de l’auteur)
Les accords de Minsk insistent pour que le
gouvernement de Kiev aborde cette question avec les populations du Donbass, de
manière à en arriver à une nouvelle constitution qui saura leur reconnaître
tous leurs droits dans une Ukraine remodelée. Il faut noter que sur ce point, gouvernement
de Kiev, non seulement, il n’a rien fait, mais il a durci les mesures
législatives à l’endroit de ces populations.
Le président Poutine aura certainement mis
l’accent sur le fait que le conflit en Ukraine n’est pas un conflit entre la
Russie et l’Ukraine, mais entre le gouvernement de Kiev, sous tutelle de
Washington, et les populations de source russe du Donbass.
Il ne fait pas de doute que le pape
François a eu une oreille attentive aux divers propos du président Poutine et
que ce dernier en a fait tout autant.
Je vois comme un symbole prophétique la
remise au Président Poutine du médaillon de l’Ange de la paix qui vainc toutes
les guerres. Chacun peut, évidemment, avoir sa petite idée sur le sujet, mais
dans mon cas, je vois dans ce président, pas tout à fait comme les autres, une
figure qui transcende ce monde du mensonge, de la tromperie et d’ambition de conquêtes
et de domination dans lequel nous vivons. Je pense que le pape François a vu en
Poutine un homme sincère, qui veut vraiment la paix et qui agit pour faciliter
l’émergence d’un monde multipolaire et multicentrique.
Un moment historique qui marque
l’affranchissement du pape François de l’autorité dominante de Washington et de
ses politiques dans le monde. Dans cette rencontre, il se révèle davantage
comme le pasteur d’une Église, patrimoine d’humanité que comme un chef d’État
au service de politiques douteuses.
Oscar Fortin
Le 17 juin, 2015
Aucun commentaire:
Publier un commentaire