dimanche 7 mai 2017

DÉCLARATION DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU VENEZUELA QUI NOUS RAMÈNE AU SIÈCLE DERNIER


SUITE À LA CONVOCATION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE  CONSTITUANTE



Le 1er mai dernier, le président du Venezuela, Nicolas Maduro, conformément aux dispositions de l’article 347 de la constitution, a signé le décret par lequel il convoque à une Assemblée nationale constituante, comme voie de sortie à une situation où les représentants de l’opposition officielle se refusent à s’asseoir à une table de concertation y de négociation avec les représentants du gouvernement.

Il faut dire que l’actuation de cette opposition va plus dans le sens de créer les conditions pour renverser le gouvernement par un coup d’État, fomenté de l’extérieur, que de procéder par les voies politiques  et constitutionnelles. La convocation de l’Assemblée nationale constituante se veut une réponse pacifique à cette situation de fait. Elle constitue le pouvoir suprême du peuple qui sera en mesure d’étudier les alternatives et de procéder aux ajustements institutionnels nécessaires de manière à résoudre les problèmes qui se présentent. Selon l’article 349, aucun pouvoir institutionnel ne pourra en modifier les décisions.


Il importe de rappeler que l’opposition vénézuélienne maintient des relations privilégiées avec Washington et le secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), Luis Almagro. Ces relations lui permirent, d’une part,  le promouvoir l’actualisation de la Charte démocratique de l’OEA, ouvrant ainsi la porte à une intervention militaire étrangère et , d’autre part , diffuser à grande échelle à travers les médias, au service des intérêts de l’Empire, une image du gouvernement de Nicolas Maduro qui en fait le grand responsable de tous les maux que connaît le pays.

À ces deux alliés de l’opposition, il faut également ajouter l’appui infatigable et persistant de la Conférence épiscopale du Venezuela. Elle sait utiliser tous les moyens à sa portée pour dénigrer l’actuel gouvernement, en confirmer la faillite dans sa tâche gouvernementale, incapable de résoudre les problèmes que vit la population vénézuélienne. Voici ce qu’on peut lire dans leur Déclaration que je me permets de traduire : « Pt 6 : On ne peut oublier ni laisser de coté la tristesse et la souffrance que ce régime génère chez à notre peuple. »

Dans ce scénario de l’opposition et de l’Épiscopat, on ne parle évidemment pas des conquêtes révolutionnaires  dans les secteurs de la santé, de l’éducation, du logement, pas plus, qu’on parle des autres facteurs qui génèrent ces problèmes d’accès aux produits essentiels, tels ceux de l’alimentation et des médicaments. Ils ne disent rien de cette guerre économique qui joue un rôle important dans la distribution de ces biens essentiels, dans le climat social, politique et économique.  Tout est dit et fait pour couvrir ces facteurs extérieurs par leur silence et pour reporter sur le gouvernement la source de tous ces maux. L’objectif recherché est que le peuple se retourne contre son gouvernement et rende plus facile le changement de régime recherché. Il y a un coupable, un seul coupable et c’est le gouvernement bolivarien et socialiste.

En dépit de tous ces camouflages, le peuple vénézuélien maintient un appui fort à son gouvernement et sur le régime sur lequel il s’appuie. La Conférence épiscopale, dans sa Déclaration, ne voit pas les trois millions de vénézuéliens et Vénézuéliennes qui  ont gonflé les rues du centre de Caracas, le 19 avril dernier. Ils n’étaient pas là pour tirer des pierres à Nicolas Maduro,  mais pour le conforter de leur appui dans la lutte qu’il mène pour assurer la paix et le mieux-être du peuple vénézuélien. Ils sont également là pour l’appuyer dans son appel incessant à l’opposition pour qu’elle vienne s’asseoir à une table de concertation et de discussion en vue de trouver des solutions constitutionnelles pour résoudre les problèmes et retrouver la paix.

Il faut noter que ce qui intéresse le plus cette opposition et ses principaux alliés,  auxquels figure au premier rang Washington, c’est la prise de contrôle de l’État par une intervention militaire qui peut compter avec la quatrième flotte étasunienne à proximité dans le Pacifique et les sept bases militaires étasuniennes en Colombie, pays voisin du Venezuela. Par cette action militaire,  la constitution serait remplacée par une autre, rédigée, cette fois, depuis Washington, de sorte que l’État serait entièrement sous contrôle de l’Empire et ses richesses  seraient gérées en fonction des intérêts  de ce dernier.

La violence dont est victime le Venezuela est de même nature que celle utilisée dans d’autres pays, telles l’Ukraine, la Libye, la Syrie, entre autres. L’empire ne peut tolérer des gouvernements récalcitrants à ses volontés et à ses intérêts, surtout s’ils disposent de grandes richesses. Contrairement aux guerres anciennes, l’approche privilégiée est de créer subtilement le mécontentement de la population et générer par diverses astuces le chaos dans le pays. Il faut voir ce qu’on en dit dans le cadre des révolutions de couleurs, fabriquées de toute pièce.

Dans le cas présent du Venezuela, le président Maduro met à l’épreuve la démocratie de ceux qui veulent intervenir militairement au nom même de la démocratie. Sa convocation à une Assemblée nationale constituante est une manière de faire appel au peuple lui-même,  fondement de toute démocratie, pour résoudre les problèmes. Cette constituante sera formée de 500 personnes, élues par vote direct. Elles viendront de toutes les régions, de tous les secteurs d’activité sociaux, politiques, économiques. Cette Assemblée disposera du pouvoir suprême du peuple pour résoudre les problèmes qui se retrouvent dans un cul-de-sac. Aucun autre pouvoir ne pourra s’opposer aux décisions prises qui tiendront lieu de constituantes (art.349). Quoi de plus démocratique que le pouvoir du peuple pour le peuple?

C’est dans ce contexte que la Conférence épiscopale a transmis, ce 5 mais 2017, ses commentaires relatifs à cette Assemblée constituante, réclamée par le président Maduro. Dans sa Déclaration,  elle considère que l’immense majorité de la population perçoit cette initiative comme une diversion pour détourner les yeux des urgentes nécessités du pays et comme un pas de plus  dans la remise en cause de l'État de droit prévu par la Constitution actuelle ( Pt.2)


À la lumière de cette approche, tout laisse entendre qu’elle n’a rien vu passer de ces trois millions de personnes qui ont apporté leur soutien au Gouvernement, pas plus qu’elle n’a vu les centaines de milliers de travailleurs et travailleuses se joindre au Président pour célébrer la fête du Travail.

Il faut reconnaître que derrière tous ces discours, il y a toujours cette obsession idéologique contre tout ce qui peut s’apparenter à communisme, socialisme, marxisme, etc. Là se trouve l’objectif principal des interventions de cet épiscopat.  Il lutte pour faire disparaître, ce que Chavez a qualifié de  « socialisme du XXIe siècle ». Au point 4 de leur intervention, la Conférence épiscopale qualifie ce socialisme du XXIe s. et, par le fait même, le gouvernement,  « de système totalitaire, militariste, policier, violent, oppresseur qui est à l’origine de tous les maux dont souffre le pays. »

Avec cette déclaration, les évêques nous renvoient au siècle dernier. Comment peuvent-ils confondre le gouvernement du Venezuela avec un régime totalitaire, militariste, policier, violent et oppresseur ? On a comme l’impression de revenir à l’époque de Reagan et de Jean-Paul II dans leur combat conjoint contre le communisme. Aujourd’hui, nous savons tous ces crimes auxquels cette lutte anticommuniste a donné lieu. À cette époque, les dictateurs étaient les bienvenus, les tortionnaires et les assassinats faisaient partie des dommages collatéraux. Les femmes en blanc d’Argentine nous rappellent avec force en ces jours-ci, les drames vécus, la douleur supportée, souvent sans réconfort de ces autorités épiscopales, plus près des dictateurs que de leurs victimes. Ce que nous révèle le Plan Condor devrait faire réfléchir ces nouvelles générations d’évêques. Il faut bien admettre que celle qui préside présentement l’Épiscopat au Venezuela est loin d’avoir tiré les conclusions de ces drames.

Cette complicité de l’Église avec l’Empire pour lutter contre le communisme est confirmée par un premier pacte signé, en juin 1982, entre le pape Jean-Paul II et le président Reagan. La levée du secret sur ce pacte nous permet d’en connaître le contenu.  Le second pacte, signé en mars 2014, nous en suggère plus qu’il nous en révèle le contenu. Toutefois, selon l’analyse que j’en fais, tout semble aller dans la même direction. Il ne fait pas de doute que la position des évêques du Venezuela et ceux dans les pays émergents vont en ce sens.

Dans ce contexte et dans l’esprit suggéré par ces Pactes, comment comprendre une telle coopération de l’Église avec le grand maître du capitalisme sauvage que condamne avec force le pape François dans son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium ? D’une part, l’Église s’attaque à ceux qui luttent justement contre ce capitalisme sauvage, ce qui est le cas du Venezuela, de la Bolivie, de l’Équateur et d’autre part elle dénonce avec force ce capitalisme et invite les peuples et les gouvernements à y mettre fin. Il faut dire que l’Église n’en est pas à ses premières contradictions.

Les positions prises par la cupule de la Conférence épiscopale vont totalement dans le sens inverse de l’Exhortation apostolique du pape François. Plutôt que d’appuyer un gouvernement qui vise à détruire ce capitalisme sauvage, elle se place en situation de collaboration pour ouvrir la voie aux grands acteurs de ce capitalisme sauvage.

N’est-il pas scandaleux que ces évêques, que l’on considère comme instruits, voués à la proclamation du message des Évangiles et à la promotion de la doctrine sociale de l’Église n’aient pas trouvé le temps pour approfondir cette doctrine sociale de l’Église pas plus d’ailleurs pour approfondir ce socialisme du XXIe siècle que le catholique Chavez voyait comme une expression concrète de la doctrine sociale de l’Église?

Je m’exprime de cette manière parce que je me suis prêté à l’exercice visant à approfondir le lien entre ce socialisme et la doctrine sociale de l’Église. Pour se faire, j’ai ’analysé les politiques développées par la révolution bolivarienne et je les ai confrontées avec la pensée sociale du pape Jean XXIII, tel qu’exprimé dans ses deux Encycliques,  Mater et Magistra et dans celle portant le titre merveilleux de Pacem in terris. Vous trouverez tous les liens pertinents à cet exercice en lisant cet article sous le titre : JEAN XXIII PRÉCURSEUR DU SOCIALISME DU XXIe s.


De toute évidence ,l’idée que se font les évêques vénézuéliens du socialisme du XXIe siècle est loin de la réalité. Quant à la pensée sociale du pape Jean XXIII, on peut  se demander s’ils en ont pris connaissance.

En conclusion de leur intervention, les évêques ordonnent de ne pas respecter cette décision constitutionnelle du président Maduro et terminent en présentant, hypocritement, le gouvernement comme source de la violence que vit le pays.

  Nous rejetons la convocation à cette Assemblée constituante, et nous exhortons la population en générale à ne pas se résigner, à élever sa voix de protestation, sans tomber toutefois dans le jeu ce ceux qui génèrent cette violence dans le but de conduire le pays dans un scénario de plus grandes confrontations en vue d’aggraver la situation et de garder le pouvoir. » Pt. 7

UNE POSITION QUI VA COMPLÈTEMENT À L'ENCONTRE DE L'INTERVENTION DU PAPE FRANÇOIS QUI LEUR DEMANDE DE SERVIR DE PONT ENTRE LE GOUVERNEMENT ET L'OPPOSITION.


À vous d’en juger !



Oscar Fortin
Le 7 mai, 2017



LA VERSION ESPAGOLE DE CET ARTICLE PEUT ÊTRE LUE ICI ET 


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