ÉCLYPSE DU BIEN
Depuis quelques années, de nombreux scandales de nature sexuelle et
financière ébranlent fortement l’Église catholique et de nombreuses communautés
religieuses. La pédophilie, le viol d’innocentes victimes tout comme l’usage de
certains fonds à des fins autres que celles auxquelles ils étaient destinés
sont de plus en plus mises en évidence et font, comme c’est normal, la une de
nos médias. Je partage avec les victimes la dénonciation de ces crimes tout en
souhaitant que les institutions responsables de ceux qui en ont été les auteurs
permettent aux victimes de retrouver leur dignité et le respect auquel elles
ont droit.
Cette prise de position sans équivoque de ma part s’accompagne de cette
autre prise de position qui ne prête à aucune équivoque, celle de l’apport
incontestable des communautés religieuses et de l’Église catholique auprès des
communautés autochtones, Inuits et des francophones du Québec. Je me permets
d’affirmer, en toute certitude, que la majorité des missionnaires a apporté aux
diverses communautés de leur port d’attache des contenus de vie et des
tremplins de dépassement leur permettant de trouver leur place dans la société.
Personnellement, j’ai eu de grandes amitiés avec des Indiens en provenance de
diverses réserves indiennes du Québec et de l’Ouest canadien, alors que nous
poursuivions nos études à l’Université d’Ottawa.
Ce sont par centaines et milliers ceux et celles qui ont pu briser les
préjugés et les frontières ethniques pour se faire une place respectable à tous
les niveaux de la société. Plusieurs ont fait et continuent de faire carrière
dans les professions comme la médecine, le droit, l’économie, les sciences
politiques, etc. Il n’y a pas que les
peuples autochtones qui ont pu bénéficier de ces services offerts par l’Église
et ses missionnaires, mais également le peuple du Québec. J’appartiens à une
famille de treize enfants et c’est grâce aux communautés religieuses de notre
temps que nous avons pu accéder aux études supérieures et faire notre chemin dans la vie. Les prêtres,
les Frères et les Religieuses de l’époque ont tout donné pour que ceux et
celles qui leur étaient confiés atteignent des sommets dans les divers secteurs
de la vie humaine : sociabilité, respect, solidarité, sens des
responsabilités, honnêteté, etc.
Que dire maintenant de ces religieuses qui ont fait vivre de nombreux
hôpitaux et centres d’hébergement ? Ces milliers de religieuses hospitalières
et ces centres d’hébergement et d’accompagnement des personnes en difficulté
témoignent de leur générosité et de leur
compétence.
Tout cela ne fait évidemment pas la UNE
de nos médias, même pas un rappel, alors que le comportement d’une
minorité de ces missionnaires se révèle des plus scandaleux. Que ces faits
soient condamnés, que leurs auteurs aient à répondre de leurs méfaits, que les
victimes puissent recevoir toute l’aide nécessaire à leur récupération est ce
qui m’apparaît le plus normal.
Nous vivons une période où rien de caché ne puisse être révélé. C’est,
me semble-t-il, une très bonne chose.
Il n’y a pas que l’Église et les
communautés religieuses qui voient émerger aux yeux du monde les scandales qui
mettent à l’épreuve l’esprit profond qui est à l’origine de leur existence.
C’est également le cas des institutions politiques minées par la corruption de
certains de leurs membres, par les abus de
pouvoir qui leur donnent tous les droits sur les plus faibles. Les chroniques
politiques sont là pour nous en révéler les multiples formes qu’elles peuvent
prendre, minant, de l’intérieur, la crédibilité des institutions politiques
tant au niveau des pouvoirs exécutifs, législatifs que judiciaires. Si nous savions
tout ce qui se passe derrière les rideaux, nous aurions de quoi nous en
scandaliser.
L’Église a des missionnaires et pasteurs un peu partout à travers le
monde tout comme les gouvernements ont leurs programmes de coopération et leur
armée. Il ne fait aucun doute que les intentions et les objectifs de ces
missions visent un mieux-être des milieux visés. Toutefois, les faits ne vont pas toujours en
ce sens et de plus en plus de ces faits sont
portés à la connaissance du grand public. Si nos soldats en mission à l’étranger ont
pour objectifs la sécurité et la paix,
le comportement de certains déshonore ces
grands idéaux de nos forces armées. Leur situation de pouvoir contraignant en
conduit à des abus de pouvoir pour violer, torturer et tuer gratuitement
d’innocentes victimes. Le Canada comme tant d’autres États auraient bien des
pardons à demander et des excuses à formuler.
J’écris ceci non pas pour diminuer la gravité des gestes posés par une
minorité de l’Église et des Institutions religieuses, mais pour mettre en
évidence l’éclatement d’une vérité qui s’impose à tous et à toutes. Les médias sociaux et le déliement des langues,
de plus en plus fréquent, font que ces crimes, gardés secrets ou ignorés par les
autorités, viennent nous interpeller au plus intime de nos croyances et de nos
sentiments.
À cette table des mises en accusation, le gouvernement fédéral, en tant que responsable des communautés Inuits
et autochtones, a un mea culpa à faire. Les communautés religieuses ont
participé au développement des politiques du gouvernement fédéral de création
des réserves et de la mise en place de programmes de formation. Il ne peut pas
se laver les mains à la manière d’un Pilate
des erreurs commises et des crimes commis. Il en va de même pour les communautés
religieuses et les évêques qui en répondaient.
« NE PAS JETER LE BÉBÉ
AVEC L’EAU DU BAIN »
Si les scandales constituent une onde de choc pour les institutions
religieuses, politiques, économiques et sociales, leurs effets peuvent les
conduire à un renouvellement en profondeur de ce qu’elles sont et de ce
qu’elles font. L’histoire n’est-elle pas
un continu qui donne au passé un visage nouveau et qui génère dans nos sociétés
une conscience nouvelle.
Sachons respecter les victimes de ces minorités religieuses tout en
reconnaissant cette majorité qui aura rendu possible l’éclosion de communautés
humaines toujours plus intégrées dans la société sociale, politique, économique
et religieuse.
Pardon pour les crimes commis par cette minorité et honneur à ceux et
celles qui auront mené à terme leur mission dans le respect et l’amour de leur
prochain.
Oscar Fortin
Québec, le 28 mars 2018
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