LA DOUCEUR DE DIEU PARTAGÉE ENTRE FIDEL
ET FRANCISCO
Il
y a de ces moments dans l’Histoire qui transcendent le temps et qui nous
interpellent dans ce que nous avons de plus humain en chacun de nous. Ici, nous
voyons deux hommes dont les chemins, pour différents qu’ils furent, les
conduisirent vers un monde plus humain, plus solidaire avec les pauvres et les
humbles, libéré du poids de l’ « avoir » pour laisser toute la
place à l’ « être », à la personne, à la solidarité, à la
justice, à la douceur et à la miséricorde.
Fidel,
de famille aisée, laissa ses privilèges de classe pour se consacrer à la libération des pauvres et humbles de son
peuple. Très jeune, il a compris les lois d’un système qui fait toujours plus
riche une minorité et toujours plus pauvre une majorité. Dans un premier temps,
il a voulu procéder à des changements fondamentaux en empruntant la voie
démocratique. Au moment où son organisation politique prenait de l’ampleur et
qu’il devenait une menace réelle au pouvoir en place, Batista, ex-président de
Cuba, renverse le gouvernement de Carlos Prío Socarrás, le 10 mars 1952, trois mois avant
la tenue des élections présidentielles. La seule alternative qui restait à
Fidel et à ses compagnons était celle de la lutte armée.
Ce fut le début d’une guerre qui allait les
conduire, après de multiples péripéties, jusqu’à la victoire du 1er janvier
1959. Il faut relever ici cette attaque, en juillet 1953, à la caserne de la
Moncada. Une attaque qui coûta la vie à plusieurs compagnons de combat et où la
majorité fut fait prisonniers, au nombre desquels figurait Fidel Castro. En
1956, après une amnistie des prisonniers, réclamée par les clameurs du peuple,
ces derniers prirent le chemin de la Sierra Maestra
d’où ils allaient vaincre le dictateur Batista le premier de janvier
1959. Suite à cette victoire, Fidel n’a pas voulu être le Premier ministre.
C’est le peuple qui est allé le chercher pour qu’il soit à tête de cette
révolution et qu’il en dirige le gouvernement. Pour qui connaît Fidel, l’homme
qu’il est, il n’y a jamais eu une quelconque ambition de richesse pas plus que
de pouvoir personnel. Son ambition et son devoir le plus sacré ont toujours été
celui de faire de son peuple la conscience d’un monde solidaire et humain.
Ses ennemis, les grands propriétaires
fonciers, les multinationales, les pouvoirs politiques et économiques dominants
ne tardèrent pas à transformer Fidel en un véritable diable dont les ambitions
personnelles n’étaient rien d’autre que celles de s’enrichir, de tuer tous ceux
qui se mettaient de travers sur son chemin, à emprisonner sans jugement ses
adversaires, à torturer sans aucun respect des droits humains et à tuer chaque
fois qu’il en avait le goût. Encore aujourd’hui, il y a de ces journalistes qui
continuent à en parler comme un dictateur aux mains remplies de sang.
Heureusement, à sa décharge, d’autres prennent également la parole dont
Miguel D‘Escoto, ex-président de
l’Assemblée générale des Nations Unies, qui parle de Fidel Castro comme l’homme
d’État le plus solidaire qu’il ait jamais rencontré. Qu’il suffise de rappeler
la Mission miracle qui
a permis à des millions de personnes à travers tout l’Amérique latine à
recouvrer la vue. Que dire de ces milliers de médecins toujours les premiers
arrivés sur les lieux de catastrophe ou d’épidémie mortelle? On peut en dire
tout autant de ces milliers de professeurs cubains envoyés dans les régions les
plus éloignées pour alphabétiser avec la méthode « Moi, si je peux » et développer la conscience à des
valeurs de paix et de solidarité.
Jorge Bergolio, d’une famille d’immigrants,
s’est consacré, après des études en chimie, à la vie sacerdotale, chez les
Jésuites. Avant d’être évêque et Cardinal, il a été Provincial des jésuites de
la région de Buenos Aires. Une période qui fut particulièrement difficile pour
lui. Elle coïncidait avec l’arrivée au pouvoir d’une junte militaire qui ne se
fit pas scrupule à renverser le gouvernement légitime pour y imposer leurs lois
de dictateurs. Ce ne sera que quelques années plus tard que certains en feront
un collaborateur de cette Junte militaire qu’on lui reprochera entre autres de n’avoir
jamais critiquée.
Toute cette histoire a refait surface au
moment de son élection comme pape. Des voix personnalités importantes sont
venues contredire ces accusations et ont permis de dissiper toute collaboration
directe de Jorge Bergoglio avec cette Junte militaire. Une de ces voix des plus
crédibles est celle de Adolfo Perez Esquivel, Nobel de la paix, qui confirme le fait
que Bergoglio n’a pas eu de liens avec la Junte militaire. Toute cette histoire
représente une expérience douloureuse qui lui a permis de vivre dans sa chair
ce que c’est que la diabolisation d’une personne et le discrédit que l’on fait
de sa personne. Une expérience qui lui permet de comprendre le chemin de croix
qu’a été celui de Fidel à travers la presse dominante de l’Occident.
À peine élu pape, Jorge Bergoglio a choisi
le nom de François et il s’est aussitôt présenté au balcon de la Place
Saint-Pierre pour demander à la foule et au monde entier de le bénir et de
prier pour lui. Un geste simple qui porte avec lui un changement profond dans
la manière de comprendre l’exercice de l’autorité dans l’Église. En renvoyant
au peuple le pouvoir de le bénir, il en reconnaît toute l’autorité dont il
dispose. Le nouveau pape Francisco ne se présente plus comme une autorité de
pouvoir, mais comme un Pasteur de service et d’accompagnement d’un peuple en
qui l’Esprit est déjà à l’œuvre. Dans on Exhortation Apostolique Gaudium Évangelii et dans son Encyclique Laudato si, le pape François reconnaît que le système
qui domine les relations entre les personnes et les peuples est pervers,
générant toujours plus de pauvreté pour la multitude et toujours plus de
richesses pour une minorité. Sur ce point, les deux hommes, Fidel et Francisco,
se retrouvent parfaitement. Les deux savent qu’un changement de système
s’impose et qu’une nouvelle conscience humaine doit émerger et conduire à la
naissance d’un monde nouveau. En cela Fidel et le pape François partagent une
même aspiration : celle d’un monde nouveau basé sur le respect de la
nature à laquelle fait partie l’humanité. Un monde dans lequel les personnes et
les peuples peuvent avoir confiance en la justice et dans le respect de leurs
droits. Un monde qui laisse tout l’espace nécessaire au « bien
vivre » que nous enseigne les Mayas. Un monde que le pape François veut de
douceur et de miséricorde et que Fidel veut de solidarité et de paix.
Comment ne pas rappeler ces paroles
prophétiques de Fidel lorsqu’en 1953 il assuma lui-même sa propre défense
devant des juges qui allaient le condamner. Il a à leur endroit certains propos
qui n’ont pas perdu toute leur acuité.
« Je vous avertis que tout ne
fait que commencer. Si dans vos âmes il y a encore un brin d’amour pour la
patrie, pour l’humanité, pour la justice, alors écoutez-moi avec attention. Je
sais que vous allez me contraindre au silence pendant de nombreuses années. Je
sais que vous ferez tout en votre pouvoir pour
cacher la vérité. Je sais que la conspiration contre moi visera à ce que
je passe à l'oubli. Mais ma voix ne s’éteindra pas pour autant : elle
prend toujours plus de force dans ma poitrine lorsque je me sens seul et elle
apporte à mon cœur toute la chaleur que lui nient les âmes lâches.
Lorsque
vous jugez un accusé pour vol qualifié, Honorables Juges, vous ne lui demandez
pas combien de temps il est sans travail, combien d'enfants il a, quels jours
de la semaine il a mangé et ceux où il n’avait rien à manger. Vous ne vous
préoccupez pas du tout des conditions sociales de l'environnement dans lequel
il vit. Vous les envoyés en prison sans plus de considération. Par contre, vous
ne voyez pas les riches qui mettent le feu à leur commerce et à leur boutique
pour réclamer des polices d’assurance, même si, dans ces feux, des êtres
humains y périssent. Ils ont suffisamment d’argent pour payer des avocats et
corrompre les juges. Vous envoyez en prison le malheureux qui vole parce qu’il
a faim, mais aucun, des centaines de voleurs qui s’emparent de millions à
l'État, ne passera une une seule nuit derrière les barreaux. Vous mangez avec
eux à la fin de l’année dans quelque lieu aristocratique et ils ont ainsi votre
respect.
« Je terminerai ma plaidoirie d'une manière peu
commune à certains magistrats en ne demandant pas la clémence de ce tribunal.
Comment pourrais-je le faire alors que mes compagnons subissent en ce moment
une ignominieuse captivité sur l'île des Pins? Je vous demande simplement la
permission d'aller les rejoindre, puisqu'il est normal que des hommes de valeur
soient emprisonnés ou assassinés dans une République dirigée par un voleur et un criminel. Condamnez-moi,
cela n'a aucune importance. L'histoire m'absoudra."
Hier, le 20 septembre 2015, l’Histoire a émis son
jugement à l’endroit de Fidel. Le pape François est allé à sa rencontre dans sa
petite résidence à la Havane. Tous les deux se sont reconnus comme des frères
amant d’un monde nouveau, d’une Humanité où s’imposent la vérité, la justice,
la solidarité, la compassion et la miséricorde.
Oscar Fortin
Le 20 septembre 2015-09-21
Note :
Je tiens à souligner que la traduction du texte emprunté au discours de Fidel,
est de moi et que j’ai récupéré de mon mieux ses propos, sans toutefois y être
parvenu comme l’aurait fait un traducteur professionnel.
Je
me permets de vous laisser quelques liens sur des articles publiés
antérieurement sur Fidel.
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