Le temps des pouvoirs impériaux, tant politique
que religieux, semble tirer à sa fin. Déjà, sur le plan politique, nous
assistons à cette grande confrontation entre les tenants d’un monde
multipolaire et multicentrique ,que sont les pays MEMBRES du BRICS,
et les tenants d’un monde unipolaire et uni centrique, que sont les États-Unis
et ses alliés de l’OTAN.
Sur le plan religieux, l’Église catholique, dont
le pouvoir impérial trouve sa source d’inspiration dans le pouvoir impérial
politique, se voit confrontée également à ce questionnement d’une gouvernance
impériale versus une gouvernance décentralisée et multipolaire. Il faut reconnaître
que la présence et l’action du pape François ouvrent les portes à ce
questionnement. En réponse à une lettre toute récente du grand théologien Hans
Kung qui lui demandait d’ouvrir un débat sur l’infaillibilité papale, le pape François lui aurait répondu qu’il partageait cette même préoccupation. De
toute évidence, l’image de ce dernier ne nous renvoie pas à celle d’un pape tout-puissant
et infaillible, mais plutôt à celle d’un pape, serviteur et faillible. Ne
proclame-t-il pas à qui veut l’entendre qu’il est surtout un pécheur ?
« Qui suis-je pour juger ? » répondait-il aux journalistes qui
l’interrogeaient dans l’avion, à son retour du
Brésil, sur la question de
l’homosexualité.
L’Église, comme institution et communauté de
foi, entre dans une phase qui va au-delà des réformes cosmétiques qui visent à
la faire apparaître plus transparente, plus attentive aux préoccupations des
temps que nous vivons. Les changements qui l’attendent portent sur les
structures mêmes du pouvoir que le Vatican, la Curie romaine, les Évêques
s’approprient, en exclusivité, pour diriger la vie des chrétiens à travers le
monde.
Pour peu qu’on s’y attarde, le message de Jésus,
relaté dans les Évangiles, et celui de Paul de Tarse, exprimé dans ses lettres
aux diverses communautés chrétiennes, nous révèlent que l’exclusivité réclamée
de certains pouvoirs par les autorités
ecclésiales, ne leur sont pas exclusifs. Il en est ainsi, entre autres, pour le
pouvoir de lier et de délier.
L’Évangéliste Mathieu met en relief les deux autorités, dans l’Église, qui
disposent de ce pouvoir de lier et de délier. Si on nous a surtout parlé de
l’autorité de Pierre (Mt.16, 18-19), il n’en fut pas de même pour l’autorité
des communautés chrétiennes qui disposent également de ce pouvoir (Mt.18,
15-18).
Le
contexte de la transmission par Jésus aux communautés chrétiennes (Église) de
ce pouvoir de lier et de délier est celui des relations d’entraide et de
corrections mutuelles qui doivent exister entre les membres de ces communautés.
« Si ton frère a
péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S`il t`écoute, tu as gagné ton
frère. Mais, s`il ne t`écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin
que toute l`affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins.
S`il refuse de les écouter, dis-le à l`Église; et s`il refuse aussi d`écouter
l`Église, qu`il soit pour toi comme un païen et un publicain. Je vous le dis en
vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce
que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. »
Ce pouvoir de l’Église, communauté de foi et de vie, est tout aussi réel que celui de
Pierre, fondement de cette communauté de foi et de vie. Même si ce pouvoir n’a
pas été mis en relief par les institutions
ecclésiales, il est bien là et rappelle aux hiérarchies ecclésiales qu’ils n’ont pas l’exclusivité du
pouvoir de Dieu, pas plus d’ailleurs de celui de l’Esprit saint. Sur ce dernier
point, il importe de lire et de relire l’apôtre Paul dans sa lettre aux
Éphésiens.
«A l'un, c'est un discours de sagesse qui est donné par
l'Esprit ; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit ; à chacun
la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun; à un autre la
foi, dans le même Esprit ; à tel autre les dons de guérisons, dans l'unique
Esprit; à tel autre la puissance d'opérer des miracles ; à tel autre la
prophétie ; à tel autre le discernement des esprits ; à un autre les diversités
de langues, à tel autre le don de les interpréter. Mais tout cela, c'est
l'unique et même Esprit qui l'opère, distribuant ses dons à chacun en
particulier comme il l'entend. » (1Cor.12, 7-11) Vivant selon la vérité et
dans la charité, nous grandirons de toute manière vers Celui qui est la Tête,
le Christ, » Éphésien 4, 11-15
L’image du corps utilisée par Paul illustre bien la réalité
fondamentale de l’Église dont le Ressuscité est toujours la Tête et l’Esprit
saint, l’âme qui transforme chaque membre les rendant complémentaires les uns
avec les autres dans cette grande mission de l’avènement du Règne du Père sur
la terre comme dans les cieux. Un Corps, multicentrique et multipolaire par ses
membres, le tout ordonné et animé par le Christ qui en est toujours la Tête bien
vivante et l’Esprit saint qui en est le mouvement. L’un et l’autre sont
irremplaçables et agissent sans devoir demander la permission à qui que ce
soit.
Vous avez été
édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus Christ lui-même
étant la pierre angulaire.
En lui tout
l`édifice, bien coordonné, s`élève pour être un temple saint dans le Seigneur.
Il est intéressant de relever dans ce
texte la place des prophètes, tout aussi importante que celles des apôtres. Si
ces derniers ont occupé dans la hiérarchie ecclésiale tout l’espace consenti
aux successeurs des apôtres, il n’en fut pas de même pour les successeurs des
prophètes mis à l’écart de ce pouvoir ecclésial. Ils en sont plus souvent que
moins les victimes de ce pouvoir.
QUE CONCLURE ?
Le temps où les autorités ecclésiales se réservaient l’exclusivité de
certains pouvoirs est périmé. L’Église comporte deux composantes irremplaçables
que sont le Christ ressuscité, Tête de l’Église, et l’Esprit saint qui en est
le moteur de vie. Ils sont au cœur de l’Église depuis ses origines jusqu’à nos
jours. Le pape, comme chef de l’Église
n’est pas là pour se substituer ou pour remplacer le Christ, Tête de l’Église,
pas plus d’ailleurs pour remplacer l’Esprit saint. L’Église demeure cette
communauté de croyants qui témoigne de Jésus de Nazareth et qui agit dans le
monde par l’action de l’Esprit saint lequel distribue ses dons comme bon il
l’entend pour qu’advienne le règne du Père sur terre comme au ciel.
Les reproches que Jésus s’est permis de relever contre le Sanhédrin et
les grands prêtres (Mt.23) sont les mêmes que nous pouvons formuler contre le
Vatican et ceux qui y règnent en roi et maître. Ces derniers font partie d’un
pouvoir maintes fois complice des pouvoirs impériaux de conquêtes et de
domination. Le livre de l’Apocalypse en parle comme d’une grande prostituée
(Ap.17).
Déjà, au temps des prophètes de l’A.T., cette tricherie était perçue et
dénoncée, mais la conscience des peuples ne s’en était pas encore approprié
pour l’éliminer complètement.
«
Ainsi parle l'Éternel : pratiquez la justice et l'équité ; délivrez l'opprimé
des mains de l'oppresseur ; ne maltraitez pas l'étranger, l'orphelin et la
veuve ; n'usez pas de violence, et ne répandez point de sang innocent dans ce
lieu. » (Jér.22 :3)
Un retour au
langage des prophètes de l’Ancien Testament ne peut que redonner vigueur aux
véritables artisans de la justice et de la paix dans le monde.
Pour conclure,
il est évident que tous les sacrements de l’Église doivent être repensés et
articulés dans la perspective d’une Église multipolaire et multicentrique sous
la gouverne du Ressuscité et de son Esprit.
« Là où
deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux. »
Mt.18,20
Oscar Fortin
Le 14 mai 2016
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