ÉGLISE ET WASHINGTON : UN MÊME COMBAT
La présente situation que vit certains pays
de l’Amérique latine n’est pas sans nous rappeler cette période de la fin du XXe
siècle où l’Église et Washington ont uni leurs forces respectives pour contrer
tout mouvement révolutionnaire et toutes réformes sociales et politiques visant
à redonner vigueur aux droits des peuples à vivre dans la dignité et aux États
à être maîtres de leurs richesses et de leurs régimes politiques. L’Église,
celle qui s’identifie aux hiérarchies ecclésiales, n’a rien négligé pour contrer
ces mouvements qu’elle qualifiait, avec son partenaire étasunien, de « communistes ». Rien ne pouvait mieux servir les intérêts de
Washington et faire en sorte que l’Amérique latine demeure, comme prévu dans la
doctrine
Monroe, sa cour arrière. Cette
prétention de domination sur le continent latino-américain est à l’origine de
plus de cent coups d’état militaire .
L’alliance
de l’Église institutionnelle avec les prétentions de Washington s’est maintenue
tout au long de ces décennies. Les dictateurs reconnus par Washington étaient
respectés par les hiérarchies catholiques. Que ce soit Stroessner au Paraguay,
Pinochet au Chili, Videla en Argentine, Somoza au Nicaragua, Papa doc Duvalier
en Haïti, et les autres. Ils étaient
tous de bons chrétiens, appréciés par les autorités cléricales. Des centaines
de milliers de personnes sont mortes, des centaines d’autres ont été torturées
et emprisonnées sous ces régimes qui régnaient en maître sur leur peuple. Pour en savoir un peu plus, je vous réfère à cet article et à cet autre. Plus que tout, je vous réfère à
l’opération
Condor qui nous révèle l’atrocité et l’inhumanité dont sont capables ces
gens.
Avec l’émergence de nouvelles démocraties
en Amérique latine (Nicaragua, Venezuela, Équateur, Bolivie), la configuration
du climat politique entre ces démocraties et Washington apporte des éléments
nouveaux qui échappent au contrôle de Washington. Ces nouvelles démocraties
sont portées par des élus qui se donnent comme priorité de répondre avant tout
aux intérêts et attentes de leur peuple. Leur allégeance aux intérêts de
Washington passe au deuxième ou au troisième plan. Elles accordent une grande
importance à leurs souveraineté et indépendance, ce qui n’est pas sans
indisposer Washington, habitué qu’il est d’avoir main mise sur les dirigeants et
plein contrôle sur leurs politiques et richesses naturelles. C’est
précisément le cas du Venezuela, de la Bolivie, de l’Équateur, du Nicaragua et,
d’une certaine manière, de Cuba. C’était, il n’y a pas si longtemps encore, le
cas du Brésil, victime d’un coup d’État institutionnel et de l’Argentine, dont
l’élu à la présidence en a changé la direction. Par contre, l’Équateur a
résisté et s’est maintenu avec le vent révolutionnaire dans les voiles.
Ce qui se passe présentement au Venezuela doit
se comprendre dans ce contexte où Washington ne saurait tolérer qu’un pays de
l’Amérique latine se détache de la doctrine Monroe et décide de son propre
régime politique et de son pouvoir souverain à disposer de ses richesses. Le
régime politique que le peuple vénézuélien s’est donné en votant sa
constitution, est le socialisme chaviste (pour Chavez), également appelé, Socialisme
du XXIe siècle . Tout y est pour que Washington, les oligarchies locales et
la hiérarchie de l’Église catholique s’unissent pour combattre ce socialisme
qui résonne à leurs oreilles comme le communisme du siècle dernier. Pendant que Washington et les oligarchies
locales alimentent par leurs guerres
économiques le mécontentement de la population, l’épiscopat vénézuélien et tous
ses alliés institutionnels en attribuent la responsabilité à un gouvernement
incompétent, dictatorial, corrompu qui a failli à sa mission. Elle ne fera jamais référence aux acquis dans
les secteurs de la santé, de l’éducation, du logement, de la culture. Ce serait trop risqué.
Ces derniers jours, tout a été mis en œuvre
pour mobiliser l’opinion publique internationale de manière à justifier une
intervention militaire de Washington au Venezuela. L’OEA,
passant outre à toutes les règles fondamentales de démocratie au sein de son
organisation, a mené une campagne dénigrante contre le gouvernement du
Venezuela et a servi à mobiliser les pays toujours sous tutelles des États-Unis,
comme c’est le cas du Mexique, de la Colombie, du Brésil de Temer, de l’Argentine de Macri, du Canada et de certains
autres, mais pas suffisamment pour obtenir le vote nécessaire à l’application
de la carte démocratique, laquelle eut pu ouvrir la porte à une intervention
étrangère sous le couvert de la légalité. Son action s’intensifie toujours plus, en ne
respectant toutefois pas les droits de la souveraineté du Venezuela, exigeant
son accord, pour débattre de sa situation. Aujourd’hui, le gouvernement du Venezuela
a pris l’initiative de
se retirer de cette organisation, véritable ministère de Washington pour
diriger l’ensemble des pays de l’Amérique latine.
L’épiscopat vénézuélien n’est pas resté en retrait de cette offensive
de discréditation du gouvernement dans
le cadre d’une opposition qui est passée à des manifestations violentes en
payant des mercenaires pour semer le désordre et faire des morts. L’objectif
est d’en reporter toute la responsabilité sur ce gouvernement de qui on dira qu’il
réprime, qu’il ne respecte pas le droit des personnes, qui n’est plus en mesure
de gouverner. Cet épiscopat ne parlera pas de la violence de l’opposition et
des morts qui en résultent. Elle se fait
complice à cent pour cent de l’opposition qui répond aux ordres de Washington.
Elle s’est même prononcée en faveur de la
désobéissance civile au moment même où l’offensive de l’opposition se mettait en marche pour un nouveau coup
d’État militaire.
Que
va-t-il se passer dans les jours et les semaines qui viennent?
Contrairement à ce que dit la presse
internationale qui reprend le discours de l’opposition, Maduro n’est pas isolé
ni de son peuple ni de la communauté internationale. Plus de 3 millions de personnes sont venus se
solidariser avec lui, le 13 avril, jour que l’opposition avait fixé pour
réaliser le coup d’État. À l’international, le Venezuela a de bonnes relations
avec une majorité des pays de l’Amérique latine et des Antilles. Il est
toujours actif au sein de l’organisation des pays non alignés. Au sein des pays
producteurs de pétrole, il joue un rôle très respecté et apprécié de la part
des membres et des non-membres de l’OPEP.. Aux Nations Unies, il participe à de
nombreux comités et est reconnu pour répondre aux normes et attentes, entre autres,
du respect des droits de la personne.
Ce que je comprends, c’est que le peuple
vénézuélien a atteint un niveau de conscience qui va bien au-delà du populisme.
C’est un peuple instruit, qui n’en est pas à ses premiers affrontements avec
une opposition qui n’a jamais accepté la constitution de 1999.
N’en demeure pas moins que la quatrième
flotte étasunienne est toujours dans les eaux-sud du Pacifique, prête à
intervenir en tout temps.
Le pape François, en dépit de toutes les
tourmentes qui l’entourent, fait toujours appel à la solution politique des
problèmes. Le Venezuela a une Constitution à laquelle tous doivent respecter.
La grande majorité des pays du Continent et d’ailleurs fait appel à ce retour à
la table de négociation. Le président se dit prêt en tout temps à reprendre
cette négociation. Pour l’instant,
l’opposition attend l’avis de Washington qui y est peu enclin. Pour Washington
et l’opposition, une intervention militaire serait plus rassurante pour leurs
intérêts.
Personnellement, je mise sur une victoire
du gros bon sens et sur le droit du peuple vénézuélien à disposer de son
destin. Selon la constitution, les élections pour les gouverneurs et les maires
sont prévues pour cette année. Celle pour la présidence est prévue pour 2008.
Que la démocratie ait le dernier mot.
Oscar Fortin
Le 27 avril, 2017
http://humanisme.blogspot.com
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