Il y a celle de Thierry Meyssan qui persiste toujours à considérer Trump comme le stratège qui affronte le harcèlement de l’État profond et cette autre analyse de Paul Craig Robert qui fait de Trump le bouffon d’une Amérique en perte de contrôle d’elle-même. Ce sont deux analystes dont la réputation et le sérieux en font des références incontournables.
Thierry Meyssan
« Ne vous laissez pas illusionner par les
jeux diplomatiques et le suivisme des grands médias. Ce qui s’est passé ce
matin en Syrie n’a aucun rapport ni avec la présentation qui vous en est faite
ni avec les conclusions qui en sont tirées. »
Si la totalité des commentateurs conclut à un virage à 180e
de l’administration Trump sur la question syrienne et qu’il s’est rangé du côté de son opposition
étasunienne, rien n’est si certain. Son
raisonnement repose d’abord sur le fait que son intervention en territoire
syrien n’a rencontré aucune résistance des forces russes et syriennes.
« Aucun missile anti-missile n’a été tiré, ni
par l’armée russe ni par l’armée syrienne »
Il laisse même sous-entendre une certaine
complicité entre les États-Unis et la Russie qui aurait été informée
préalablement.
« Lorsque les missiles de croisière
étatsuniens ont atteint leur cible, ils ont trouvé une base militaire quasi vide,
qui venait juste d’être évacuée. Ils auraient donc détruit le tarmac, des
radars et des avions depuis longtemps hors d’usage, des hangars et des
habitations. »
Les motifs de cette mise en scène sont d’amener ses
opposants à le suivre sur ses politiques de changement. En bombardant cette
base militaire, plus ou moins importante, il donne le signal qu’il est capable
de passer à l’attaque.
« En attaquant, le président Trump a satisfait son
opposition qui ne pourra donc pas s’opposer à la suite des opérations. Hier,
Hillary Clinton appelait à bombarder la Syrie en riposte à l’usage supposé
d’armes chimiques. »
Dans cette mise en scène le gouvernement
syrien serait partie prenante.
« Damas, en sacrifiant cette base et
la vie de quelques hommes lui a donné l’autorité pour conduire une vaste action
contre tous ceux qui emploient des armes chimiques. Or, à ce jour, les seuls
utilisateurs de ces armes identifiés par les Nations unies sont : les
djihadistes. »
Pour Thierry Meyssan, il s’agit d’une
manœuvre de Donald Trump et du pari de Vladimir Poutine et de Bachar el-Assad
visant à entraîner son opposition étasunienne dans une lutte à finir contre les
djihadistes.
« Nous verrons dans les prochains
jours comment Washington et ses alliés réagiront à l’avancée des djihadistes.
Ce n’est qu’à ce moment-là que nous saurons si la manœuvre de Donald Trump et
le pari de Vladimir Poutine et de Bachar el-Assad fonctionneront. »
Paul Craig Robert
Avec cette analyse de Paul Craig Robert, nous
entrons dans une approche tout à fait différente de celle de Thierry Meyssan. Ce
n’est plus un Trump qui agit de manière à
gagner l’opposition à ses politiques en Syrie, mais plutôt un Trump qui
cède devant cette opposition et se met à son service.
« L’establishment de Washington a repris le contrôle. D’abord
Flynn et maintenant Bannon. Tout ce qui reste maintenant dans l’administration
Trump sont les sionistes et les généraux fous qui veulent la guerre avec la
Russie, la Chine, l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord. »
Pour l’auteur, il est évident que l’attaque chimique dont prend prétexte
Washington est un montage de son propre cru.
« Selon les rapports du Département d’État,
Tillerson a prévenu Poutine que les dispositions sont prises pour éliminer le
président syrien Assad et Trump a donné son accord. »
Selon son analyse, la Russie a trop longtemps hésité à faire table rase en
Syrie des terroristes soutenus par Washington.
En
ignorant toutes ces évidences, la Russie a trop longtemps hésité à débarrasser
totalement la Syrie de l’ISIS soutenue par Washington. La Russie a tergiversé
parce qu’elle considérait de manière totalement irréaliste qu’elle pouvait
aboutir à une coopération avec les É.-U. pour se débarrasser des terroristes
qui sévissent sur le sol syrien.
C’était une idée ridicule puisque justement
ces terroristes sont une arme manipulée par Washington !
« À force d’hésiter et de croire en
une improbable coopération avec les É.-U. la Russie s’est mise elle-même ainsi
que la Syrie dans une position inconfortable. »
Selon cette analyse, Russie et Syrie ont
été bernées par des « partenaires » dont les objectifs sont toujours
demeurés les mêmes : chasser Al Assad du pouvoir et soutenir les
terroristes pour mener à bien leurs luttes au Moyen-Orient.
« Si Washington peut réduire à zéro la
présence russe en Syrie en réduisant tous ces espoirs de coopération contre le
terrorisme, les É.-U. auront alors les mains libres pour réorienter ISIS contre
l’Iran et à une grande échelle. Et quand l’Iran aura été maîtrisé alors ces
mêmes terroristes apatrides seront utilisés pour déstabiliser les marches
russes puis les provinces chinoises musulmanes. Il suffit de se souvenir du
soutien américain aux terroristes tchétchènes. Il y a beaucoup plus à venir,
c’est l’agenda hégémonique des néoconservateurs américains. »
Que reste-t-il à Poutine de faire si ce
n’est de se convaincre qu’aucune négociation n’est vraiment possible avec
l’État profond étasunien? Ces négociations ne sont réussies qu’avec la
soumission de l’adversaire.
« Poutine a clairement déclaré qu’il était
impossible de croire les Américains. C’est une déduction correcte des faits,
alors pourquoi les Russes persistent-ils à espérer une coopération avec les É.-U.
? Une sorte de dilemme insoluble. Toute coopération avec Washington n’a qu’une
seule définition : se rendre … Poutine n’a pas pu totalement nettoyer son pays
de tous les espions américains qui s’y trouvent. Va-t-il se rendre aux volontés
de l’Establishment de Washington comme Trump vient de le faire ? Il est tout à
fait étonnant que les médias russes ne comprennent pas du tout devant quel
péril se trouve confronté leur pays. »
CONCLUSION
Deux analyses bien différentes soutenues par deux personnes qui ont leurs
propres sources d’information. Les évènements prochains devant porter sur la
lutte contre les djihadistes devraient nous donner l'heure juste sur cet homme. Comme le signale Thierry
Meyssan, là on verra le véritable visage qui se cache derrière ce Président,
pour le moment, plutôt imprévisible.
Oscar Fortin
Le 8 avril 2017
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