La question qui se pose n’est plus de savoir si la définition juridique du mariage civil telle qu’elle apparaît dans les textes de loi, à savoir que « le mariage se réalise entre deux personnes de sexe opposé » va ou non à l’encontre de la charte des droits mais plutôt de savoir si l’élargissement de cette définition à toute personne qui souhaite vivre en couple enlève à l’institution du mariage tout son sens.
Il ne fait pas de doute que la formulation juridique que l’on a donné au mariage a été fortement influencée par les croyances chrétiennes qui y voyaient la procréation comme la toute première fin de celui-ci. L’acte de procréation étant la résultante de l’union de deux personnes de sexe différent, le législateur a senti alors le besoin de renforcer cette spécification :
" l'union volontaire et pour la vie d'un homme et d'une femme à l'exclusion de tous les autres "
Depuis lors bien des choses se sont passées tant dans la société canadienne que dans les églises chrétiennes. Le Canada s’est doté d’une Charte des droits qui consacre l’égalité des droits de la personne et l’Église catholique, pour ne citer que celle-ci, a vécu Vatican II qui donna au mariage une définition où l’amour y occupe une toute première place :
« La communauté profonde de vie et d'amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur; elle est établie sur l'alliance des conjoints, c'est-à-dire sur leur consentement personnel irrévocable. Une institution que la loi divine confirme, naît ainsi, au regard même de la société, de l'acte humain par lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuellement. » Vatican II, Gaudium et Spes, Ch. 1, 48.1
Plus loin, dans le même document, elle reconnaît que la procréation, tout en étant une fin importante de cette institution n’en est pas un élément essentiel à « sa valeur et à son indissolubilité. »
«Le mariage cependant n'est pas institué en vue de la seule procréation. Mais c'est le caractère même de l'alliance indissoluble qu'il établit entre les personnes, comme le bien des enfants, qui requiert que l'amour mutuel des époux s'exprime lui aussi dans sa rectitude, progresse et s'épanouisse. C'est pourquoi, même si, contrairement au voeu souvent très vif des époux, il n'y a pas d'enfant, le mariage, comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il garde sa valeur et son indissolubilité. » id. ch. 1,50.3
Il est intéressant de noter que dans ces textes on parle de « personne », de « couple », de « conjoints », « d’époux », tous des concepts qui peuvent s’accommoder des diverses compositions du sexe des personnes. Les Pères conciliaires n’ont pas fait d’exclusion, comme le font les textes de la loi canadienne sur le mariage. Soit que cet aspect n’a pas effleuré leur esprit ou soit que l’Esprit qui les inspirait a voulu qu’il en soit ainsi. Le fait est que cette formulation conciliaire du mariage, reprise dans une forme laïque, ne poserait aucun problème à la charte des droits de la personne. Ceci ne veut évidemment pas dire que les autorités religieuses seraient disposées à l’ouvrir à toutes les personnes qui répondraient aux exigences de l’amour entre deux personnes.
Là où les sensibilités se heurtent c’est, entre autres, dans le fait de reconnaître que des personnes de même sexe puissent tomber en amour l’une pour l’autre et s’aimer avec autant d’intensité que des personnes de sexe différent. Nous avons de la difficulté à penser que ces personnes peuvent former des couples fidèles et être profondément engagées dans la société et dans leur communauté de vie. Pourtant les faits sont là pour confirmer l'existence de vrais couples qui durent dans l'amour.
Que penser des personnes qui se font opérer pour changer leur sexe ? Ce seul changement est-il suffisant pour leur reconnaître le droit de se marier dans le cadre des lois actuelles tant civiles que religieuses ? Si la réponse est oui, c’est que nous reconnaissons que leurs dispositions personnelles, indépendamment de leur sexe, en faisaient déjà des personnes complémentaires dans leur vie amoureuse et capables d’en vivre profondément.
Lorsque nous faisons abstraction de tous les préjugés qui entourent ces relations amoureuses entre personnes de même sexe, nous en arrivons, et c’est mon cas, à reconnaître l’existence d’un amour tout aussi authentique entre personnes de même sexe, que c’est le cas entre personnes de sexe différent. C’est évident que si nous ne voyons que les orgies et les symboles des défilés gais qui viennent chercher notre curiosité et alimenter nos préjugés, le passage sera difficile. De ces excès, il y en a tout autant dans la vie des hétérosexuelles, mais dans ce dernier cas c’est moins spectaculaire et nous y sommes davantage habitués.
Je crois que comme société et comme églises nous devons donner le pas à la reconnaissance des droits de ceux et de celles qui avancent dans le sens de cet amour qui scelle profondément la vie de couple. Toute campagne de peur à l’allure apocalyptique ne peut que nuire à ce débat et aller à l’encontre de ces mêmes droits qui exigent vérité et respect. Les couples hétérosexuels vont continuer d’exister, les enfants ne cesseront pas de naître et la société ne s’enfoncera pas dans le gouffre de la décadence. Nous continuerons tous à avoir besoin des uns et des autres pour bâtir une société au service de l’humain.
Je souhaite que toutes les personnes de bonne volonté s’impliquent dans ce débat, même si d’autres débats autrement plus importants pour l’avenir de nos sociétés devraient nous mobilier tous tout autant. Quant au vote libre que réclame les opposants à la modification de la loi sur cette question, me vient cette image de Pilate qui, ne voyant aucun motif de condamnation de Jésus, demande à la foule, « lequel, de Jésus ou de Barrabas, vous voulez –vous que je libère ? Tous ont crié : Barabbas, Barabbas. Alors, il libéra Barabbas et condamna Jésus à la Croix. La démocratie avait parlé. Pourtant était-ce là la réponse qu’il eût fallu donner ? Le mouvement des foules ne rejoint pas toujours celui du droit d’autant moins si elles sont davantage manipulées qu’informées. À chacun de répondre en son âme et conscience et d’agir en conséquence.
Oscar Fortin
Québec, le 25 janvier 2005
Il ne fait pas de doute que la formulation juridique que l’on a donné au mariage a été fortement influencée par les croyances chrétiennes qui y voyaient la procréation comme la toute première fin de celui-ci. L’acte de procréation étant la résultante de l’union de deux personnes de sexe différent, le législateur a senti alors le besoin de renforcer cette spécification :
" l'union volontaire et pour la vie d'un homme et d'une femme à l'exclusion de tous les autres "
Depuis lors bien des choses se sont passées tant dans la société canadienne que dans les églises chrétiennes. Le Canada s’est doté d’une Charte des droits qui consacre l’égalité des droits de la personne et l’Église catholique, pour ne citer que celle-ci, a vécu Vatican II qui donna au mariage une définition où l’amour y occupe une toute première place :
« La communauté profonde de vie et d'amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur; elle est établie sur l'alliance des conjoints, c'est-à-dire sur leur consentement personnel irrévocable. Une institution que la loi divine confirme, naît ainsi, au regard même de la société, de l'acte humain par lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuellement. » Vatican II, Gaudium et Spes, Ch. 1, 48.1
Plus loin, dans le même document, elle reconnaît que la procréation, tout en étant une fin importante de cette institution n’en est pas un élément essentiel à « sa valeur et à son indissolubilité. »
«Le mariage cependant n'est pas institué en vue de la seule procréation. Mais c'est le caractère même de l'alliance indissoluble qu'il établit entre les personnes, comme le bien des enfants, qui requiert que l'amour mutuel des époux s'exprime lui aussi dans sa rectitude, progresse et s'épanouisse. C'est pourquoi, même si, contrairement au voeu souvent très vif des époux, il n'y a pas d'enfant, le mariage, comme communauté et communion de toute la vie, demeure, et il garde sa valeur et son indissolubilité. » id. ch. 1,50.3
Il est intéressant de noter que dans ces textes on parle de « personne », de « couple », de « conjoints », « d’époux », tous des concepts qui peuvent s’accommoder des diverses compositions du sexe des personnes. Les Pères conciliaires n’ont pas fait d’exclusion, comme le font les textes de la loi canadienne sur le mariage. Soit que cet aspect n’a pas effleuré leur esprit ou soit que l’Esprit qui les inspirait a voulu qu’il en soit ainsi. Le fait est que cette formulation conciliaire du mariage, reprise dans une forme laïque, ne poserait aucun problème à la charte des droits de la personne. Ceci ne veut évidemment pas dire que les autorités religieuses seraient disposées à l’ouvrir à toutes les personnes qui répondraient aux exigences de l’amour entre deux personnes.
Là où les sensibilités se heurtent c’est, entre autres, dans le fait de reconnaître que des personnes de même sexe puissent tomber en amour l’une pour l’autre et s’aimer avec autant d’intensité que des personnes de sexe différent. Nous avons de la difficulté à penser que ces personnes peuvent former des couples fidèles et être profondément engagées dans la société et dans leur communauté de vie. Pourtant les faits sont là pour confirmer l'existence de vrais couples qui durent dans l'amour.
Que penser des personnes qui se font opérer pour changer leur sexe ? Ce seul changement est-il suffisant pour leur reconnaître le droit de se marier dans le cadre des lois actuelles tant civiles que religieuses ? Si la réponse est oui, c’est que nous reconnaissons que leurs dispositions personnelles, indépendamment de leur sexe, en faisaient déjà des personnes complémentaires dans leur vie amoureuse et capables d’en vivre profondément.
Lorsque nous faisons abstraction de tous les préjugés qui entourent ces relations amoureuses entre personnes de même sexe, nous en arrivons, et c’est mon cas, à reconnaître l’existence d’un amour tout aussi authentique entre personnes de même sexe, que c’est le cas entre personnes de sexe différent. C’est évident que si nous ne voyons que les orgies et les symboles des défilés gais qui viennent chercher notre curiosité et alimenter nos préjugés, le passage sera difficile. De ces excès, il y en a tout autant dans la vie des hétérosexuelles, mais dans ce dernier cas c’est moins spectaculaire et nous y sommes davantage habitués.
Je crois que comme société et comme églises nous devons donner le pas à la reconnaissance des droits de ceux et de celles qui avancent dans le sens de cet amour qui scelle profondément la vie de couple. Toute campagne de peur à l’allure apocalyptique ne peut que nuire à ce débat et aller à l’encontre de ces mêmes droits qui exigent vérité et respect. Les couples hétérosexuels vont continuer d’exister, les enfants ne cesseront pas de naître et la société ne s’enfoncera pas dans le gouffre de la décadence. Nous continuerons tous à avoir besoin des uns et des autres pour bâtir une société au service de l’humain.
Je souhaite que toutes les personnes de bonne volonté s’impliquent dans ce débat, même si d’autres débats autrement plus importants pour l’avenir de nos sociétés devraient nous mobilier tous tout autant. Quant au vote libre que réclame les opposants à la modification de la loi sur cette question, me vient cette image de Pilate qui, ne voyant aucun motif de condamnation de Jésus, demande à la foule, « lequel, de Jésus ou de Barrabas, vous voulez –vous que je libère ? Tous ont crié : Barabbas, Barabbas. Alors, il libéra Barabbas et condamna Jésus à la Croix. La démocratie avait parlé. Pourtant était-ce là la réponse qu’il eût fallu donner ? Le mouvement des foules ne rejoint pas toujours celui du droit d’autant moins si elles sont davantage manipulées qu’informées. À chacun de répondre en son âme et conscience et d’agir en conséquence.
Oscar Fortin
Québec, le 25 janvier 2005
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