La
violence qui a marqué les évènements des derniers jours, particulièrement celle,
à Victoriaville,
dont le monde a été témoin, a de quoi soulever bien des questions. Il est
facile, au premier abord, d’en rendre responsable les étudiants qui
s’objectent, depuis plusieurs semaines, à l’augmentation des frais de
scolarité. Quoi de plus efficace que cette violence pour les discréditer auprès
d’une opinion publique grâce à un appui sans équivoque de nos médias qui
reproduisent, à répétition, sans réserve et sans nuance, les mêmes actes de
sabotage et de vandalisme.
Personnellement,
j’ai toujours été contre l’usage de la violence délinquante, celle qui brise
des vitrines, qui s’en prend aux passants, tire des pierres ou encore,
lorsqu’un micro est à sa portée, crie des injures et tient des propos radicaux sans
lien véritable avec le vécu d’une lutte légitime qui se veut respectueuse du
droit et qui en réclame tout autant de la part des autorités. Je suis également
contre toute violence qui trouve son fondement dans la manipulation qu’en font les gouvernements.
Je
pense que personne n’aime la violence, même pas dans les circonstances où elle
peut être justifiée. Elle n’est souvent qu’un obstacle à l’obtention
d’objectifs bien précis. Nous savons l’importance que revêt l’opinion publique
dans le rapport de force entre les parties en conflit. Or cette opinion
publique est très sensible aux expressions de violence qui ressemblent
davantage à de la délinquance et à de l’anarchie, qu’à de la légitime défense. Les gouvernements en
savent quelque chose et ils peuvent, à l’occasion, susciter cette délinquance
et cette anarchie, sachant que les médias « officiels » sauront en
amplifier le caractère odieux.
Ces
gouvernements n’ont-ils pas appris comment transformer des mouvements sociaux,
des manifestations ouvrières et étudiantes en de véritables champs de bataille
où les forces de l’ordre apparaissent comme les bons et les autres comme des
méchants, des anarchistes, des communistes.
On
se souviendra de ces derniers qualificatifs amplement utilisés, dans les années
1950 et 1960, alors que les États-Unis défendaient ses multinationales en
Amérique latine et renversaient des gouvernements démocratiques pour les
remplacer par des dictateurs qui acceptaient de leur être soumis. L’opinion
publique nord-américaine, bien alimentée par une presse dirigée d’en haut, voyait
dans ces interventions le geste humanitaire d’une nation généreuse au service
de la liberté. Cette façon de faire, sous des formes plus raffinées, s’est
poursuivie dans, à peu près toutes les régions du monde. Il y a un mode d’emploi que les écoles
militaires et de police enseignent à leurs membres. La plus connue est celle
des Amériques, spécialisée dans la formation à la répression, à la torture, à
l’élimination pure et simple des personnes. Les dictateurs de l’Amérique latine
y envoyaient leurs soldats les plus méritants. Peut-être que certains des
nôtres y sont passés.
En
Colombie, il y a eu l’action des militaires et paramilitaires qui commettaient
des crimes en toute impunité. Voici ce qu’en disait Philip Alston, dans son rapport aux Nations Unies, daté de 2010 :
« Mes
recherches ont abouti à la conclusion que des membres des forces de sécurité
colombiennes ont perpétré un nombre significatif d'exécutions extrajudiciaires
selon une méthode qui a été suivie dans tout le pays [...] Bien que ces
assassinats n'aient pas été une composante de la politique officielle, j'ai
trouvé de nombreuses unités militaires impliquées dans ce que l'on appelle les
«faux positifs», auquel cas les victimes étaient assassinées par des
militaires, bien souvent en vue d'obtenir un bénéfice personnel, qu'il soit
matériel ou financier [...] Généralement, les victimes ont été attirées par un
recruteur au moyen de promesses mensongères vers des zones reculées où elles
étaient assassinées par des soldats, qui informaient par la suite qu'elles
avaient été tuées au combat, et maquillaient la scène du crime »12.
Le scandale des faux positifs est le nom
donné aux révélations qui, fin 2008, ont impliqué des membres de l'armée nationale colombienne dans des
assassinats de civils innocents, dans le but de les faire passer pour des
guérilleros morts au combat dans le cadre du conflit armé qui
affecte la Colombie. Ces
assassinats avaient pour objectif d'améliorer les résultats des brigades de
combat1. Selon la terminologie du droit
international, ces cas sont des exécutions extrajudiciaires, et selon
la terminologie légale colombienne comme des homicides sur personne protégée2.
Ces choses ne se passent pas uniquement en Colombie. Dans un article
tout récent publié sur WikiStrike on peut lire le
titre suivant : « La majorité des attentats sont organisés par
la police ». On y retrouve, entre autres, l’affirmation :
« De nos jours, la principale activité du FBI consiste à démasquer des
complots terroristes aux États-Unis. Et quand le FBI ne parvient pas à trouver
suffisamment de complots pour justifier son existence... et bien le
"Bureau" les fabrique ! Pour ensuite parader devant la presse avec
ses trophées... ... mais même la presse la plus veule finit par se rendre
compte de quelque chose. «
Le Québec n’est ni la Colombie, ni les
États-Unis. N’empêche que tous les gouvernements et les corps policiers
échangent beaucoup entre eux, permettant ainsi d’apprécier certaines techniques
plus efficaces que d’autres. Il ne fait aucun doute que la vieille technique
d’infiltration est amplement utilisée, non seulement pour voir de l’intérieur
les mouvements qui se préparent, mais aussi, le cas échéant, pour provoquer des
actions de violence dans le but d’en imputer la responsabilité aux contestataires.
Je me souviens avoir travaillé dans des
organismes de coopération internationale et d’avoir appris, après coup, que des
compagnons de travail, étaient des agents infiltrés. Dans bien des cas, ils
étaient les plus radicaux dans leurs discours et dans les discussions.
Aujourd’hui, je comprends mieux la fonction qu’ils avaient : discréditer
la crédibilité de l’organisation et de ses membres aux yeux du public.
Depuis ce temps, je me méfie toujours de ces discours radicaux, peu
enracinés dans la réalité des évènements.
Ce ne sera certainement pas la Sureté du
Québec qui va révéler au grand public les modes d’emploi de ses forces
policières. Par contre, les politiciens feront tout pour que leurs actions
soient perçues comme celles d’un gouvernement responsable, soucieux de la
sécurité et de l’ordre établi. Pendant ce temps, les grévistes, les
contestataires devront se défendre de ne pas être les auteurs de la violence.
Ce sera peine perdue, le mal étant déjà fait.
Que conclure ?
Les mouvements étudiants, les organisations
syndicales, les diverses associations doivent s’organiser pour se protéger
contre ces intrus. Il est important d’être présents dans les médias. À ce
titre, il faut dire que les représentants étudiants ont été plus qu’à la
hauteur de ce qu’on attendait d’eux. Ils en auront impressionné plusieurs par
leur sang froid, leurs analyses et la clarté de leurs positions. C’est comme
s’ils avaient compris que l’opinion publique devait être aussi précieuse pour
leur cause qu’elle ne l’est pour le gouvernement.
Il n’y a
pas de changement profond qui peut se réaliser durablement sans l’appui de
l’opinion publique. Sachons, alors, la cultiver et l’apprivoiser en la rendant
toujours plus consciente des grandes causes pour lesquelles nous luttons. Il
faut briser le monopole de l’information à sens unique et au service du régime
en place. Vigile et tous les autres sites d’information alternative font
oeuvres de pionniers.
Oscar
Fortin
Québec,
le 7 mai 2012
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