ÇA PASSE OU ÇA CASSE
Le suivi des principaux
évènements qui marquent les temps que nous vivons me conduit à partager avec
vous les réflexions qu’ils m’inspirent. Le monde vit une époque charnière et
déterminante quant à son avenir. Cet enjeu touche tout autant le devenir
politique, économique et social de nos sociétés que le devenir des Églises et
de façon toute particulière de l’Église catholique. Nous sommes tout à la fois
témoins et acteurs de ces changements qui peuvent conduire l’humanité tout
autant à la catastrophe finale qu’à un avenir de croissance et de paix.
L’ampleur des sujets traités
m’amène à vous présenter ces réflexions en deux articles dont le premier
portera sur les enjeux politiques, économiques et sociaux. Le second article
portera sur les enjeux d’une Église confrontée à un monde qui l’oblige à sortir
de ses murs pour aller là où est le maître avec les pauvres et les exclus de
nos sociétés.
PARTIE 1
Quels sont ces enjeux
politiques, économiques et sociaux ?
Pour nous y retrouver, il est important de signaler que le monde, celui dans lequel nous vivons depuis plus de 100 ans, est dominé par les forces du capital et les impératifs de conquête non seulement des peuples, mais aussi, et surtout de leurs richesses. Dans ce scénario de conquêtes et de domination, les États-Unis et ses alliés européens y jouent un rôle majeur. Si dans les premiers temps, les peuples les voyaient comme des sauveurs, il n’en fut plus de même à partir des années 1950 jusqu’à aujourd’hui.
En décadence, un monde unipolaire
Au cours
de ces années, de nombreux soulèvements en Afrique, en Amérique Latine, en
Europe et en Asie donnèrent lieu à des guerres, à des persécutions, à des
arrestations massives, à des tortures qui n’avaient rien à envier à l’histoire
de l’humanité pour leur cruauté, le tout se terminant par des morts atroces.
L’auteur de ces atrocités n’était autre que l’empire sous la gouverne des
États-Unis d’Amérique et de ses alliés européens. Les assassinats politiques et
les coups d’État militaires devinrent un mode d’emploi rapide pour mettre hors
de combat les présidents trop préoccupés des conditions de vie de leur peuple.
Un moment tout indiqué pour pourchasser les militants pour une plus grande
justice sociale et les éveilleurs de conscience et les faire disparaître
définitivement. Pour ne mentionner que l’Amérique latine, il suffit de penser à
l’invasion-surprise de la Baie
des Cochons à Cuba en 1961, au coup
d’État militaire au Brésil, en 1964, au coup
d’État militaire au Chili, le 11 septembre 1973, à l’arrivée de la junte
militaire en Argentine, en 1976, à la guerre
des Contras au Nicaragua contre le gouvernement sandiniste, aux persécutions tant au Salvador qu’au
Guatemala, au début des années 1980, où des
milliers d’innocentes victimes payèrent de leur vie ces combats pour une
société plus juste. Que dire du Plan CONDOR, mis
en place par les États-Unis et ses alliés militaires pour faire le grand ménage
de toutes les oppositions aux intérêts de l’empire, dans les pays de l’Amérique
latine?
Nous pourrions en écrire autant pour l’Afrique qui a vécu sous les
régimes de l’Apartheid et des gouvernements soumis aux pays colonisateurs. Nous
connaissons l’histoire héroïque de Nelson Mandela et un peu moins celles de Présidents
héroïques qui ont choisi la mort à la soumission. Patrice Lumumba, militant pour
l’indépendance du Congo, colonie de la Belgique en est un bel exemple. Une
histoire que vous pouvez revivre en visionnant ce documentaire sur
l’assassinat de ce Président.
Tout ceci pour dire que cette
vision d’un empire qui s’assujettit les peuples et les nations en fonction de
ses ambitions et intérêts arrive au terme où le monde en a décodé les ambitions
ainsi que tous les maquillages sous lesquels il se présente. Les mille et un
prétextes élaborés, fabriqués, largement diffusés pour couvrir la cupidité, les
ambitions, l’hypocrisie, les mensonges derrière ces guerres de conquête sont
maintenant mis à nu. Le monde unipolaire qui aura servi si bien les
bénéficiaires du capital et du pouvoir auquel il donne accès telles les armes,
la corruption, les moyens de communication arrivent à son terme. Le monde le
voit de plus en plus sous son vrai visage et la désinformation avec laquelle il
les a bernés pendant des décades perd, chaque jour, un peu plus de sa force
persuasive. Les mensonges qu’on nous sert pour justifier toujours plus de
guerres sont de moins en moins crédibles et de plus en plus dénoncés.
En émergence, un monde
multipolaire
Ce monde multipolaire se caractérise par le fait qu’il
n’est dominé par aucun empire s’imposant aux peuples et aux États du monde. Les
intérêts des peuples sont tous aussi importants les uns que les autres. Les
relations entre les États se font sur la base du respect et des intérêts
réciproques. La communauté internationale se doit de représenter l’ensemble des
États et de ce fait ses structures doivent permettre à l’ensemble des États à y
jouer un rôle actif.
Rien de mieux pour illustrer
l’émergence de ce nouvel ordre mondial que ce discours majeur du président
Poutine au Club international de Valdaï en octobre dernier. Une intervention
dans laquelle sont clairement martelés les points sur lesquels il y a
divergence profonde entre la Russie et les États-Unis sur le nouvel ordre
mondial auquel aspire l’humanité. Voici trois extraits qui pourraient être repris par de plus en plus de pays soucieux de
leur souveraineté et des intérêts de leurs peuples.
Auparavant, « le jeu de la politique
internationale se pratiquait comme suit : les politiciens faisaient des
déclarations publiques dans l’optique de préserver la fiction agréable de la
souveraineté nationale, mais ce n’était que de l’esbroufe et n’avait rien à
voir avec la vraie nature de la politique internationale ; en sous-main,
ils étaient engagés dans des négociations secrètes dans les antichambres, et
c’est là que les vrais accords étaient forgés. »
« La Russie n’a pas l’intention d’aller pêcher dans
les eaux troubles résultant de l’expansion constante de l’« empire du chaos » de l’Amérique. Elle n’a aucun intérêt à bâtir un
nouvel empire à elle ce n’est pas nécessaire : la Russie doit d’abord
s’attacher à développer son propre territoire, qui est déjà très vaste. La
Russie ne souhaite pas non plus jouer le rôle de sauveur du monde comme elle a
pu le faire dans le passé.
La Russie ne tentera pas de refaçonner le monde à son
image, mais elle ne laissera pas non plus les autres la refaçonner à leur
propre image. La Russie ne s’exclura pas du monde, mais quiconque tentera de
l’en exclure devra s’attendre à un retour de bâton. »
Voilà, le ton est
donné et la direction est prise. S’il y a un nouvel ordre mondial, ce sera dans
le respect de chaque État, sans qu’aucun ne s’improvise supérieur aux autres
pour en dicter et en assurer la gouvernance.
Dans cette grande
mouvance d’un Nouvel Ordre mondial émergeant du respect des peuples et des
États, il faut voir le regroupement du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la
Chine et de l’Afrique du Sud (BRICS). Une alternative qui
s’oppose au diktat occidental. Leur dernier sommet au Brésil, en juillet
dernier, en illustre les orientations et la force. Faut-il y voir une des
principales sources des sanctions occidentales qui accablent la Russie depuis
lors ?
Je conclurai cette
première partie des enjeux politiques, économiques et sociaux en affirmant que
l’approche multipolaire est irréversible du fait qu’elle répond aux droits
fondamentaux des peuples et qu’elle se réalise en plein jour, sans mascarades et
sans complicités secrètes. Les États-Unis et ses alliés devront en prendre
note. Voir à ce sujet ces deux textes qui en disent long, le premier, sur les États-Unis, le second, sur l’Europe.
À suivre ..
Oscar Fortin
10 novembre 2014
Quelques références :
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