ÇA PASSE OU ÇA CASSE
Le suivi des principaux
évènements qui marquent les temps que nous vivons me conduit à partager avec
vous les réflexions qu’ils m’inspirent. Le monde vit une époque charnière et
déterminante quant à son avenir. Cet enjeu touche tout autant le devenir
politique, économique et social de nos sociétés que le devenir des Églises et
de façon toute particulière de l’Église catholique. Nous sommes tout à la fois
témoins et acteurs de ces changements qui peuvent conduire l’humanité tout
autant à la catastrophe finale qu’à un avenir de croissance et de paix.
L’ampleur des sujets traités
m’amène à vous présenter ces réflexions en deux articles dont le premier
portera sur les enjeux politiques, économiques et sociaux. Le second article
portera sur les enjeux d’une Église confrontée à un monde qui l’oblige à sortir
de ses murs pour aller là où est le maître avec les pauvres et les exclus de
nos sociétés.
D’une Église doctrinale à une Église d'Évangélique
Avec l’arrivée du pape
François au Siège de Pierre, ce sont les rideaux du temple qui se déchirent
pour laisser voir la véritable réalité de l’Église. Le pape François, par son
attitude, sa simplicité et humilité, met en contraste tous ces personnages qui
se complaisent davantage dans leurs titres de noblesse que dans celui de
pasteur. Évêques et cardinaux se retrouvent confrontés à un homme qui, tout en
occupant la plus haute fonction de l’Église, se préoccupe d’être avant tout un
pasteur avec l’odeur de ses brebis.
En plaçant son pontificat
sous le signe de François d’Assise, il s’attaque à la reconstruction de
l’Église, non pas celle faite de pierres, mais celle faite de chair. Ses quatre
références principales, sont Jésus de Nazareth, les Évangiles, les pauvres et
exclus de notre monde. Dans ses multiples interventions, il parle le langage
des Évangiles pour les hommes et les femmes de notre temps. Son maître, étant
Jésus de Nazareth, sa liberté d’agir et de parler s’en trouve renforcée. Il ne
se laisse pas guider par le discours et les intérêts des grands et des
puissants, mais par celui que lui inspire le Nazaréen. Il est de ce monde sans
en être vraiment, comme le suggère Jésus à ses disciples.
Cette approche du pape
François met en évidence les deux grandes tendances qui conditionnent
fondamentalement l’action de l’Église
dans le monde. Il y a ceux pour qui la doctrine est au cœur de la pastorale de
l’Église et ceux pour qui l’Évangile,
Jésus et les pauvres doivent en être les fondements.
Ceux qui font de la
doctrine les fondements de la pastorale de l’Église
Lorsque nous parlons de doctrine, il faut bien comprendre
qu’il s’agit de celle qui s’est formulée tout au long des siècles à travers les
conciles et les déclarations solennelles des papes. Sur le plan pastoral, elle
se ramène surtout à définir et à encadrer les activités du culte sacramentel et
à fixer la valeur morale des comportements humains.
Dans ce contexte, les
célébrations religieuses des sept sacrements deviennent l’expression par
excellence de la foi et de sa pratique. L’église de pierre demeure le lieu tout
indiqué pour vivre et témoigner de cette foi.
En ce qui a trait à la
morale, les thèmes les plus souvent retenus et commentés se réfèrent à la vie
sexuelle des personnes et aux relations auxquelles elle donne lieu. Il est
évidemment question de la famille, des divorcés, des contraceptifs, de
l’homosexualité, de l’avortement, etc. Il y a bien évidemment la morale des
guerres, celle de l’exploitation et de domination des peuples, mais ce ne sera
que très occasionnellement qu’on s’y référera et, encore là, avec toutes les
précautions nécessaires pour ne pas indisposer leurs auteurs qui sont bien
souvent leurs bienfaiteurs et alliés. Le rappel se fera toutefois plus pressant
auprès des peuples pour qu’ils soient des agents de paix et des collaborateurs
soumis à leurs autorités.
Cette Église est dirigée par
des « Princes », des Éminences, des Excellences, des
« Saintetés » qui se plaisent à parader dans le décorum de leurs
soutanes où le rouge du sang des martyrs, comme ils disent, occupe une place
qui ne peut échapper à aucun regard. Ce sont des « personnages »
d’une institution devenue monarchique dans sa hiérarchie et l’expression de son
autorité. Le pasteur n’émerge pas de ces personnages pas plus que l’Évangile de
ses doctrines. Une Église qui est en voie de disparaître avec tous ses apparats
et ses personnages de fonction.
Ceux qui font de
l’Évangile le fondement de la pastorale de l’Église au service de l'humanité
Je pense que de tous les
temps il y a eu des hommes et des femmes, des prêtres et évêques qui ont été
des témoins d’Évangile. S’ils n’ont pas laissé leurs traces dans l’Institution
ecclésiale, ils les auront laissées dans le peuple de Dieu.
L’Amérique latine qui compte le plus grand nombre de
catholiques se démarque par le dynamisme d’une foi qui prend ses distances
d’une Église-institution, telle que définie dans la section antérieure, pour
donner vie à une Église émergente de la foi dans les Évangiles et en Jésus de
Nazareth. En elle renaît ce Jésus prenant de nouveau la parole sur la montagne
pour y proclamer les béatitudes
de justice, de vérité, de solidarité, de compassion, mais aussi pour y
condamner ceux qui font de leurs richesses et de leurs pouvoirs des armes
d’oppression et de domination. Un Jésus qui se fait pauvre avec les pauvres,
indulgents avec les pécheurs, mais
cinglant avec les docteurs de la loi, les scribes et les pharisiens qui
mettent sur les épaules des autres des fardeaux qu’ils ne peuvent eux-mêmes
portés. Ce Jésus n’est-il pas celui qui a donné pour consigne à ses disciples
« Ne prenez rien pour le voyage, ni
bâton, ni sac, ni pain, ni argent, et n`ayez pas deux tuniques. »
C’est de cette Amérique
latine que nous vient le pape François. Sensible à ces impératifs évangéliques
il en fera le centre de son pontificat. Il ne fait aucun doute que pour lui,
l’évangile, Jésus de Nazareth et les pauvres doivent retrouver la place
centrale qui leur revient dans la vie de l’Église. Pour cela, il est urgent que
l’institution ecclésiale se transforme radicalement, que les évêques et
cardinaux se dépouillent du vieil homme avec tous ses apparats et se revêtent
de l’homme nouveau pour être pasteurs au milieu des humbles de la terre. Si les
doctrines sont importantes, les Évangiles et l’action imprévisible de l’Esprit
de Jésus le sont encore davantage
Pour le pape François,
l’Église doit sortir des églises de pierre pour aller à la périphérie et y
faire sa demeure. Dans son Exhortation
apostolique Evangelii Gaudium, il trace la voie de cette Église à renaître
au milieu des peuples pour témoigner des Évangiles en solidarité avec les
pauvres et les exclus de la terre.
Du 27 au 29 octobre, plus
d’une centaine de représentants des milieux sociaux venus d’un peu partout d’à
travers le monde, ont répondu à l’invitation du
pape pour échanger sur leur vécu et les graves problèmes qui doivent être
résolus. À cette occasion, le pape a pris la parole
qui fut accueillie avec enthousiasme par les participants et qui fit scandale
pour un certain establishment interne à l’Église. Le président de la Bolivie,
Evo Morales, le seul Président invité à
cette rencontre, pour être le seul Président indien de l’Amérique latine, s’est
levé pour aller félicité le pape et pour lui donner une accolade chaleureuse,
ce qui provoqua un courant de grande émotion entre tous les participants. Le
pape François l’invita à partager son
repas du soir de façon très fraternelle. Ce fut l’occasion pour les deux hommes
d’échanger pendant plus d’une heure et demie sur les grands défis qui se posent
à l’humanité et à l’Église.
Que conclure ?
Il ne fait aucun doute dans
mon esprit que le passage d’une Église doctrinale à une Église d’Évangile est
incontournable et que ceux qui s’y résistent ont un choix fondamental à faire.
L’Église, héritée des empires et de la féodalité, a fait son temps. L’heure n’est
plus aux cultes des temples de pierre mais à ceux des temples de chair. Ces
derniers témoignent de la foi en Jésus et en ses Évangiles à travers des l’engagements qui servent la justice, la
vérité, la solidarité, la compassion, la miséricorde et le don de soi.
« Cessez d'apporter de vaines offrandes : J'ai en horreur
l'encens, les nouvelles lunes, les sabbats et les assemblées ; je ne puis voir
le crime s'associer aux solennités. Quand vous étendez vos mains, je détourne
de vous mes yeux ; quand vous multipliez les prières, je n'écoute pas : vos
mains sont pleines de sang. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice,
protégez l'opprimé ; faites droit à l'orphelin, défendez la veuve. (Is.1,
13-17) »
Je vous laisse avec ces
considérations qui sont celles d’un observateur toujours à la recherche du
grand courant de conscience qui traverse l’humanité des temps présents.
Oscar Fortin
10 novembre 2014
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