Assemblée nationale constituante vs Collège des grands électeurs
Le vice-président des États-Unis, Mike
Pence, en tournée dans certains pays de l’Amérique latine, dont
l’Argentine, la Colombie, le Pérou, le Chili, a
convoqué tous ces pays et leurs alliés du monde à faire pression par tous
les moyens économiques et politiques en vue de ramener le Venezuela sur la voie
de la DÉMOCRATIE. Une alternative à l’intervention militaire directe des États-Unis
au Venezuela à laquelle le président Trump a fait référence ces jours derniers.
«Il
faut accentuer la pression diplomatique et économique sur le régime de Nicolas
Maduro au niveau continental, mais aussi mondial… Le Venezuela connaît une
tragédie de dictature. Le peuple vénézuélien souffre et meurt. Il y a beaucoup
de pauvreté et aucun accès à la nourriture et aux médicaments."
Ce portrait sur le Venezuela que proclame Mike Pence est fait sur mesure pour justifier aux yeux du monde le grand mérite des États-Unis à se soucier du bien-être des peuples ainsi que de leurs droits à une démocratie qui les représente vraiment. Il n’a aucun intérêt à déclarer que depuis des années, les É.U. investissent des millions de dollars, non pas pour alimenter le peuple, mais pour mettre hors-jeu cette révolution socialiste et anti-impérialiste, amorcée par Hugo Chavez, en 1998. Washington n’a d’yeux pour le Venezuela que pour y voir les immenses réserves de pétrole et les riches mines, dont celle de l’or. Son discours sur la démocratie et la misère du peuple en fait un grand humaniste, alors que celui sur ses ambitions politiques et économiques en ferait un grand prédateur. Ses conseillers en communication lui suggèrent de parler plutôt du premier et de taire le second.
Les guerres économiques et les
sanctions sont devenues, avec l’art de la
désinformation, les principales
armes pour renverser un régime qui n’est
pas à la hauteur des attentes de l’oncle Sam. Je recommande cet excellent
article sur ce que sont ces guerres économiques contre le Venezuela que vous
trouverez sur le site Le grand soir. Les premières victimes
de ces guerres économiques sont les populations qui vivent au quotidien leur
dépendance aux biens essentiels de la vie : alimentation, médicaments, etc.
Ce dont le vice-président déclare être de la responsabilité d’un régime en
faillite demeure en grande partie le
produit de ces guerres économiques. C’est ce qu’on a fait et continue de
faire avec Cuba en maintenant l’embargo économique qui dure depuis plus de 50
ans et c’est également ce qu’on a fait avec le Chili d’Allende dans les années
1970.
QU’EN EST-IL DE LA
DÉMOCRATIE DE CES DEUX PEUPLES : ÉTATS-UNIS ET VENEZUELA ?
Ces deux pays se réclament de la démocratie, de celle qui comporte,
entre autres, des élections générales et la participation de plusieurs partis
politiques.
Aux États-Unis, ces élections au suffrage universel à la présidence se réalisent tous
les quatre ans. Deux partis politiques s’imposent, année après année, comme alternance
de choix à l’électorat étasunien. Toutefois, ce que le grand public ne sait pas
toujours c’est que le dernier mot pour l’élection d’un Président appartient au Collège des grands électeurs, au nombre de 538, choisis par les
deux grands partis politiques, Démocrate
et Républicain, et par le Président.
Ce choix se fait sur la base de divers
facteurs, dont celui du taux de population de chaque État, de celui des
sénateurs et députés élus dans chacun d’eux. Le candidat élu à la présidence par
le vote universel doit l’être également
par le vote d’au moins 270 de ces grands électeurs. Il s’agit, pratiquement
d’un filtre protecteur contre les candidats qui ne répondraient pas aux attentes des grandes élites de la
Nation. Ce fut le cas, entre autres, en 2000 du candidat Al Gore, qui avait obtenu la majorité de votes des
électeurs et électrices. Il a dû laisser la place à GW. Bush pour qui le
Collège des grands électeurs a accordé les 270 voix nécessaires, plus une.
Il s’agit d’une démocratie
représentative que je qualifierais de néo-libérale et entièrement sous contrôle
des ÉLITES qui dirigent l’État profond. Le peuple a son mot à dire, mais il n’a
pas le dernier mot.
Au Venezuela, les élections présidentielles se réalisent
tous les six ans. De nombreux partis politiques s’y présentent, souvent dans le
cadre d’une coalition des partis d’opposition. Le candidat qui obtient la
majorité de voix est celui qui assume de fait la présidence pour les six
prochaines années. Seul le Conseil
national électoral a autorité pour donner les résultats officiels dont les
données reposent sur un système électronique et informatisé que le président
Carter a déjà qualifié de meilleur au monde. Une fois, les contrôles faits, le
président officiellement reconnu comme ayant reçu le plus de votes devient
Président du Venezuela pour les 6 prochaines années. Ce même système est
utilisé pour les élections des gouverneurs, des maires, des députés. Il n’y a
pas de filtre pour éviter l’élection de candidats non désirés. En 2007, Chavez
a perdu son référendum sur le changement de certains articles de la
constitution et il a perdu par une mince différence d’avec les opposants à
cette réforme. Il a accepté ces résultats sans mettre en doute le CNE. En 2015,
l’opposition a gagné les élections législatives et le gouvernement en a
respecté les résultats.
QU’EN EST-IL DONC DE
L’ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE ?
La
constitution, rédigée à l’arrivée de Chavez au pouvoir, en 1999, comporte
plusieurs nouveautés. D’abord, elle fut rédigée en étroite collaboration avec
le peuple par une assemblée
constituante la plus représentative possible de la mosaïque du peuple.
Cette constitution intégra cette nouvelle appellation de démocratie participative. Le peuple devient, pour ainsi dire, la
référence première pour l’ensemble des activités de l’État et il est inscrit à
travers divers mécanismes pour avoir en tout temps son mot à dire. Y figure
également, comme nouveauté, l’inscription des dispositions pour un référendum révocatoire de tout élu qui
ne répondrait pas aux attentes du peuple. En 2004, Chavez a été soumis à un tel
référendum qu’il a gagné avec 58.9% en sa faveur. En 2015, l’opposition au
président Nicolas Maduro a voulu utiliser cette disposition constitutionnelle,
mais elle n’est pas parvenue à compléter
les prérequis nécessaires pour y donner suite. Dans cette même constitution est
prévue qu’une Assemblée nationale constituante
pourra être convoquée, en tout temps, selon les dispositions prévues aux
articles 347,348 et 349 de la Constitution. C’est ce qu’a fait le président
Maduro, le 1er mai 2017, dans un contexte de violence dans le pays
et de non-respect des divers pouvoirs entre eux. La particularité de cette
convocation se situe dans la sélection de ceux et celles qui feront partie de
cette ANC.
« Une Constituante citoyenne, et non pas une
Constituante des partis ni des élites, une Constituante ouvrière, communale,
paysanne, une Constituante féministe, de la jeunesse, des étudiants, une
Constituante indigène, mais surtout, mes frères, une Constituante profondément
ouvrière, profondément communale. »
En
savoir plus sur http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/05/01/au-venezuela-l-opposition-defie-nicolas-maduro-lors-du-defile-du-1er-mai_5120455_3222.html#vjCzdRZ0HmcTJjjL.99
Tous les intéressés, peu importe leurs appartenances politiques,
économiques et sociales, pourront soumettre leur candidature. Ils devront
toutefois dans un délai de 3 à 4 semaines compléter une liste de personnes les
soutenant dans leur projet de représentants (tes). Ils furent plus de 50 000 à
exprimer leurs intentions de faire partie de cette ANC. Après les délais pour
les signatures d’appuis, ils se retrouvèrent réduits à environ 6 000 pour occuper
545 postes. Ce choix sera fait lors d’une élection universelle, secrète et
directe, à laquelle tout citoyen et citoyenne dont le statut d’électeur et
d’électrice est conforme aux normes du CNE, sera en droit de voter. Seul le
vote du peuple donnera consistance à cette ANC qui disposera d’un pouvoir
plénipotentiaire sur tous les autres
pouvoirs. Chaque élu ne répond avant tout que pour le secteur pour lequel il a
été élu. Elle sera d’une durée de 2 ans et la constitution renouvelée sera
soumise par Référendum au Peuple vénézuélien.
Le 30 juillet dernier, il y a eu élection et plus de 8 089 023 millions
de personnes, dans des conditions de violence et de menace de la part d’une
opposition en furie, sont parvenues aux urnes pour y déposer leur vote. Dans
les circonstances, le taux de participation de plus de 41% est considéré comme
un grand succès. Certains analystes calculent que plus de trois autres millions
n’ont pu se rendre aux urnes en raison des menaces que l’opposition violente
faisait planer sur leur famille, leurs enfants, leur maison qu’elle mettrait à
feu. Il importe de signaler que l’opposition avait indiqué à ses membres de ne
pas aller voter.
Vue sous cet angle, la
démocratie participative rejoint davantage les intérêts du peuple que ceux des élites politiques et économiques.
En ce sens, elle répond également mieux à la notion de démocratie, pouvoir
du peuple pour le peuple, que ce n’est le cas de la démocratie représentative dont l’intérêt prédominant est celui des élites.
Pour conclure, je dirais que lorsque
les élites perdent le contrôle du processus électoral dans son ensemble et
qu’ils se retrouvent sans « filtre »
pour se défaire des indésirables, elles parlent alors de dictature et de totalitarisme.
Ces élites n’ont pas l’habitude d’être soumises à la volonté des peuples. Elles ont plutôt l’habitude de s’imposer
aux peuples.
En somme, un peuple qui s’impose à travers ses institutions dont c’est
actuellement le cas avec l’Assemblée
nationale constituante et la démocratie participative répond
davantage à la définition de la démocratie, pouvoir du peuple pour le peuple. Dans le cas des démocraties
représentatives, les peuples sont là pour voter et les élites pour contrôler la
sélection des candidats ainsi que le résultat des scrutins sur lequel ils
peuvent intervenir sans scrupule pour les ajuster à leurs attentes. Dans le cas
des États-Unis, le Collège des grands
électeurs assure ce contrôle final.
Le Vice-président des États-Unis ainsi que l’opposition oligarchique du
Venezuela voudraient bien transformer la
démocratie participative du peuple pour le peuple par cette démocratie représentative qui les sert si bien en tant que maître
de cette dernière.
Oscar Fortin
Le 16 août 2017
Aucun commentaire:
Publier un commentaire