Je viens de lire le témoignage de
John Swinton, ancien rédacteur en chef du
New York Time qui s’est permis, lors de son discours d’adieu, de
dire la vérité sans craindre de perdre son emploi. Son histoire, à n’en pas
douter, rejoint le vécu de nombreux journalistes. Ces derniers sont souvent mis
dans une situation telle, que pour ne pas perdre leur emploi et assurer leur
gagne-pain, doivent sacrifier la vérité des faits pour celle du patron.
“Chaque semaine, on me paie pour ne pas exprimer mes
opinions sincères dans le journal auquel je suis lié. D’autres parmi vous
reçoivent un salaire semblable pour faire des choses semblables. Celui d’entre
vous qui serait assez fou pour écrire ce qu’il pense vraiment se retrouverait à
la rue, contraint de chercher un autre emploi. Si je me laissais aller à
exprimer ce que je pense dans une des éditions de mon journal, mon activité
professionnelle prendrait fin au bout de 24 heures. Le travail du
journaliste consiste à détruire la vérité, à mentir autant que nécessaire, à
déformer les faits, à diffamer, à ramper au pied du Veau d’or et à trahir sa
famille et son pays pour gagner son pain quotidien. Vous le savez tout comme
moi. C’est très bête de se réjouir de la liberté de la presse. Nous sommes des
fantoches qui dansent tout en tirant les ficelles. Nos capacités, nos moyens et
nos vies sont la propriété d’autres personnes. Nous sommes des prostitués
intellectuels.»
Ce que disait cet ancien rédacteur du New York Times, il y a plus d'un
siècle (1880), garde toute son actualité.
Encore une fois, le monde demeure confronté à un sérieux
problème d’information crédible de la part des médias dominants de nos
sociétés. Il n’est pas question, ici, de l’anecdote du fait divers qui se passe
au coin de la rue ou dans le village voisin, mais de celle qui conditionne
notre façon de voir et de comprendre ce qui se passe dans le monde. Le Québec, pas plus qu’ailleurs, n’échappe à
cette distorsion de l’information aux fins voulues par ceux qui en ont le plein
contrôle. Il suffit de penser à la
couverture faite par nos médias de la grève des étudiants. Tout a été fait avec
grand soin : le choix des images à présenter au grand public, le choix des
invités pour les entrevues, le discours des commentateurs, la répétition de
certains mots qui frappent l’imagination. Ce sont là autant d’éléments qui
conditionnent l’orientation que l’on souhaite donner à la nouvelle.
Pas plus tard que cette fin de semaine ci,
Benoît XVI dans la tourmente d’une crise qui frappe actuellement le Vatican, découvre tout d’un coup que les
médias ne sont pas toujours paroles d’évangile. Il a exprimé “son désarroi devant une information qui n’a plus rien à voir avec l’éthique de
la vérité et de la reconnaissance objective des faits.” Parlant sans texte, il
dénonça “une culture où compte l’esprit de calomnie et où le mensonge se
présente sous les habits de l’information. Il y a une culture du mal, une
domination du mal dont il convient de s’émanciper et de se libérer. Il a
demandé aux chrétiens de dire non à un type de culture où la vérité ne compte
pas, où compte seulement la sensation, l’esprit de calomnie et de destruction,
une culture qui ne cherche pas le bien, dont le moralisme est un masque pour
confondre et détruire, où le mensonge se présente sous les habits de la vérité
et de l'information.”
Par ces propos, il rejoint ce que plusieurs pensent et
dénoncent depuis longtemps. Il n’est jamais trop tard pour en prendre
conscience.
Je pense qu’il faut rendre hommage à tous ceux et à
toutes celles qui rappellent, sans se
lasser, aux journalistes de s’en tenir à leur véritable mission d’information
et d’analyses, permettant ainsi de mieux faire comprendre ce qui se passe dans
notre monde. J’ai pour ces derniers une très grande admiration. J’ajouterai
pour finir que si certains journalistes prennent plaisir à sacrifier la vérité
des faits au profit des intérêts du patron, d’autres y résistent ou le font à
contrecœur, les impératifs de leur gagne-pain y étant conditionnés. De
véritables problèmes de conscience se posent et à chacun d’y répondre en étant
fidèle à lui-même.
Oscar Fortin
Québec, le 13 juin 2012
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