Je
n’ai pas d’autres mots pour décrire l’État démocratique dont le mandat
principal des élus (es) serait de gérer au mieux les richesses et le patrimoine
d’un pays en fonction du bien commun de toute une société. Un État qui respecterait
les initiatives privées dans tous les secteurs tant et aussi longtemps qu’elles
s’assujettissent aux impératifs et priorités du bien commun. Un État qui ferait
sien cet adage : L’État autant que nécessaire, le privé autant que
possible.
Les
États, sous régime néolibéral, tels ceux qui nous gouvernent, se caractérisent,
entre autres, par le contrôle oligarchique de leurs divers pouvoirs, mis au
service prioritaire des oligarchies dominantes. Les préoccupations du bien
commun sont reléguées au second plan. L’exercice de la démocratie, sous ce
régime, se ramène à un montage où figurent des partis politiques aux multiples
orientations, mais où prédominent, en général, deux grands partis aux
orientations semblables. Ces derniers, hautement financés par ceux qui
détiennent les pouvoirs économiques et financiers, sont garants d’une servilité
à toute épreuve.
La
crise économique, que vivent actuellement les sociétés néolibérales, n’est pas
étrangère au dévoilement de ces dessous qui contaminent tout autant la
démocratie que ceux qui en sont les principaux acteurs. Les peuples prennent
toujours plus conscience qu’ils se font rouler par des prédateurs à cravate et
au discours convaincant. Ils réalisent qu’ils sont de plus en plus les bouffons
d’une mise en scène qui n’a d’autres objectifs que ceux de prendre leurs
richesses et de leur faire payer les factures. Qu’il suffise de regarder ce qui
se passe en Grèce, en Espagne, en Italie, en France et dans de nombreux autres pays.
Cette
mise en scène a connu des heures de gloire dans plusieurs pays d’Afrique et
d’Amérique latine. Mais voilà qu’il y a un réveil, une prise de conscience de
ce grand jeu de cette démocratie, placée sous les ordres d’oligarchies. Les
peuples se questionnent sur la démocratie qu’on leur présente, sur les
dirigeants qui s’en font les porte-parole, sur les mains obscures qui y tirent
les ficelles. Ils se demandent pourquoi les impératifs du bien commun ne
s’imposent pas aux élus dont c’est pourtant le mandat. Ils ne comprennent pas
que la police ou l’armée s’interpose avec agressivité et violence chaque fois
qu’ils manifestent pour faire entendre leur mécontentement et faire connaître
leurs revendications. Ils s’interrogent sur l’usage qui est fait des richesses
que renferme leur territoire. Ils ne sont pas sans se demander comment il se
fait que leurs principaux dirigeants trouvent si vite fortune et que la justice
penche toujours du même bord.
Cette
prise de conscience, particulièrement en Amérique latine, a fait émerger des leadeurs
qui ont approfondi ces questionnements et mobilisé les populations dans le sens
d’une action politique pour changer ce type de régime. C’est le cas d’Évo Morales, ex-leadeur
syndical, devenu, en 2005, Président de la Bolivie. C’est également le cas d’Hugo Chavez,
militaire de formation, devenu Président du Venezuela, en 1999. Il en va de
même pour Rafael Correa,
économiste, devenu Président de l’Équateur, en 2006.
Ces
trois leaders ont en commun le fait de fonder leur action sur le constat des
contradictions du régime politique et économique en place. Ils sont conscients
du haut niveau de corruption qui existe parmi les représentants politiques et
de l’influence prédominante de Washington sur les politiques du pays, à travers
ses ambassades et ses agences gouvernementales. Ils sont également conscients des
grandes inégalités sociales qui existent entre les travailleurs et les classes
dirigeantes. Ils se demandent pour quoi autant de pauvreté et de
discrimination, alors que leur pays respectif regorge de grandes richesses.
Chacun,
à sa manière, a procédé à la mise en place d’une nouvelle constitution, écrite
par et pour le peuple. Cette loi fondamentale, à l’image du peuple, sert de
base et de référence aux changements
fondamentaux qui s’imposent dans l’organisation politique et la participation
du peuple à la gestion des biens publics. Des procédures « anticorruption »
ont été mises en place et une plus grande transparence de l’administration
publique s’impose pour que les citoyens et citoyennes sachent. Les redevances
des minières ont été augmentées. Les entreprises exploitant des secteurs jugés
névralgiques pour le développement du pays ont été nationalisées. Les revenus
générés, à la suite de ces changements, ont été investis, entre autres, dans
les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’habitation et de la
participation citoyenne.
Ces
trois pays sont la référence première des pays émergents de l’Amérique latine.
Ils sont également la cible de tous les coups bas, portés par Washington et les
oligarchies nationales. Chavez a
connu son coup d’État militaire en avril 2002, Correa,
en 2010 et Évo
Morales, en 2008. Ces trois grands leadeurs, inspiration des peuples de
l’Amérique latine, mais aussi de plusieurs autres pays du monde, sont devenus
des cibles à abattre. Washington, les oligarchies et l’argent de la corruption
agissent pour éliminer ce régime qui place en tête de liste de ses priorités le
bien commun du peuple et qui place, à l’endroit où ils doivent être, les
oligarchies nationales et les représentations diplomatiques. Ces derniers, peu
habitués d’occuper le second rang, n’ont plus qu’un seul rêve, reprendre le
contrôle de tout.
Nos
médias officiels se prêtent plus facilement pour diaboliser ces dirigeants qu’à
mettre en valeur les grandes réformes apportées pour mieux répondre aux besoins
de leurs peuples. Ils en arriveront même à dénigrer la démocratie
participative, celle-là même qui répond le plus adéquatement à ce qu’est
vraiment la démocratie : le pouvoir du peuple, pour le peuple. Ils se
portent plutôt à la défense de la démocratie, dite représentative, laquelle
permet à des élus de diriger, en maitres absolus, avec moins de 25 % de
leur électorat. C’est évidemment plus commode pour les oligarchies minoritaires
de disposer de l’ensemble des pouvoirs de l’État. C’est le cas au Canada, avec M. Harper
et au Québec, avec M. Charest. Le peuple n’a absolument rien à dire sur
les aventures guerrières du premier, pas plus que sur les transactions de
dépossession du Québec du second.
Nouvelle
de dernière heure : le président du Paraguay, Fernando Lugo vient d’être destitué
de ses fonctions présidentielles par le sénat du Paraguay. Un procès
politique qui ne dura que 30 heures tant pour faire connaître les accusations
que pour permettre à l’intimé de faire valoir sa défense. Ce temps aura été suffisant
à ce Sénat, majoritairement oligarchique, pour condamner ce Président, et le
remplacer aussitôt par l’un des leurs.
On
se souviendra que Fernando
Lugo est cet évêque qui laissa ses fonctions épiscopales pour se consacrer
à celles d’un pouvoir, destiné aux classes les moins favorisées et à l’instauration
d’une plus grande justice sociale. Son gouvernement s’est inspiré d’une démocratie
participative ouverte à l’ensemble de la population. Son malheur a été qu’il ne
contrôlait ni le Sénat ni l’Assemblée parlementaire.
Les
artistes de la légalité, sous la gouverne de leur tuteur étasunien, sont parvenus à mettre au point
une procédure leur permettant de transformer l’illégitimité d’une intervention
en légalité. Nouvelle manière de procéder à un coup d’État en toute légalité.
Quelque chose de plus discret de ce qui s’était passé au Honduras, en 2009,
lorsque les militaires, sous ordre du sénat, destituèrent le président Manuel
Zalaya et l’expédièrent, manu militari, au Costa Rica. Reste à voir ce que le
peuple paraguayen fera et comment réagiront les pays de la région. Déjà la
Bolivie, l’Équateur et le Venezuela firent savoir qu’ils ne reconnaitront que
Fernando Lugo comme seul président légitime du Paraguay.
http://www.alterinfo.net/notes/Destitution-du-president-du-Paraguay-reprobation-en-Amerique-latine_b4444014.html
http://www.alterinfo.net/notes/Destitution-du-president-du-Paraguay-reprobation-en-Amerique-latine_b4444014.html
Il
ne faudrait pas se surprendre que le réveil arrive jusqu’à nous et que le
peuple dise «assez c’est assez». Déjà, le mouvement étudiant a sonné la
cloche de la fin de la récréation de ces élus (es), véritables marionnettes au
service, non pas du bien commun, mais des intérêts de ceux qu’ils servent. Le
régime d’un État humanitaire sera, à n’en pas douter, l’héritage de l’ère
nouvelle dans laquelle nous entrons. D’ici là les prédateurs d’hier se feront
persistants pour garder leurs privilèges. Tous les moyens, pour eux, seront
bons.
Oscar
Fortin
Québec,
le 23 juin, 2012
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