mardi 21 janvier 2014

LE PAPE FRANÇOIS AVEC LE PRÉSIDENT OBAMA






L’authenticité mise à l’épreuve du charme

La page internet de Religion Digital fait sa UNE avec l’annonce de la rencontre du pape François et du président Obama, le 27 mars prochain. En tant que chef d’État, il est tout à fait normal que le pape François reçoive le représentant des États-Unis, État à la fois d’un peuple, mais aussi d’un empire dominé par le capitalisme et le néolibéralisme. Obama représente l’un et l’autre.

Dans son exhortation apostolique, Evangelii Gaudium, le pape François fustige avec des mots qui ne prêtent à aucune équivoque ce capitalisme et ce néolibéralisme qui ravalent la personne humaine à un pur produit jetable. Il dénonce ce système mondial fondé sur le pouvoir de l’argent et celui de la domination politique et économique, source de bien des maux et surtout de cette pauvreté qui affecte la grande majorité de l’humanité.

« 204. Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché. La croissance dans l’équité exige quelque chose de plus que la croissance économique, bien qu’elle la suppose; elle demande des décisions, des programmes, des mécanismes et des processus spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus, la création d’opportunités d’emplois, une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le simple assistanat. »

205. Je demande à Dieu que s’accroisse le nombre d’hommes politiques capables d’entrer dans un authentique dialogue qui s’oriente efficacement pour soigner les racines profondes et non l’apparence des maux de notre monde !. [174] (…) Nous devons nous convaincre que la charité « est le principe, non seulement des micro-relations : rapports amicaux, familiaux, en petits groupes, mais également des macro-relations : rapports sociaux, économiques, politiques ». [175] (…)!
206. L’économie, comme le dit le mot lui-même, devrait être l’art d’atteindre une administration adéquate de la maison commune, qui est le monde entier. Toute action économique d’une certaine portée, mise en œuvre sur une partie de la planète, se répercute sur la totalité; par conséquent, aucun gouvernement ne peut agir en dehors d’une responsabilité commune. »

En recevant le président Obama, le pape François reçoit celui qui représente les intérêts de cette main invisible du marché. C’est lui qui ordonne des interventions militaires ou autres chaque fois que les intérêts de cette main invisible du marché sont mis en cause. Non seulement représente-t-il le pays le plus armé du monde, avec des armes pouvant détruire des milliers de fois notre planète, mais aussi le pays le plus argenté du monde lui permettant de corrompre là où c’est nécessaire et de tuer là où les intérêts l’exigent. Il y a le Pentagone, mais aussi la CIA, le CNS et toutes ces organisations de mercenaires qui opèrent sous le couvert du secret d’État pour réaliser ces crimes.

Chaque année, ce sont des milliards de dollars qui sont investis dans ces opérations au service de ce qui est communément appelé « la sécurité nationale et les intérêts des États-Unis. »

Dans son exhortation apostolique, le pape François précise bien que les intérêts et la sécurité de chaque nation doivent se subordonner aux intérêts et à la sécurité de la « maison commune, qui est le monde entier ». Or, Obama représente un pays et un empire pour lesquels leurs intérêts et leur sécurité passent avant tous les autres. Au nom de ces deux grands objectifs politiques, le président des États-Unis, dont M. Obama, peut se permettre des actions unilatérales et préventives là où il décide de le faire. Il n’y a pas de droit international pour l’y empêcher. Il se place au-dessus de ce droit. Il a les ressources nécessaires pour corrompre des gouvernants, des représentants d’églises, tronquer des élections, réaliser des coups d’État militaire et des renversements de gouvernements. Tout cela il peut le faire et il continue de le faire au moment d’écrire ces lignes.

Il suffit de lever le voile sur ces secrets bien gardés pour découvrir le monstre contre lequel personne n’est à l’abri. Ce n’est pas pour rien que les révélations de ces jeunes, Bradley Manning, Edward Snowden, Julian Assange et cette jeune avocate d’à peine trente ans, Sarah Harrison, et dont la conscience n’en pouvait plus, sont devenus des ennemis numéro un d’Obama, président du peuple étasunien et de l’Empire. C’est que la vérité met au grand jour le véritable visage de ceux et celles qui sont aux commandes de l’État.

Que faut-il attendre du pape François lors de cette rencontre?

Tout en respectant la courtoisie qui s’impose en pareilles circonstances, le pape se doit d’être très ferme sur les principes et les engagements concrets qu’exigent la justice, la vérité, les intérêts et la sécurité de la maison commune dont il parle dans son exhortation apostolique. Il ne peut passer sous silence les grandes conclusions de cette exhortation et il se doit de relever les responsabilités politiques du gouvernement des États-Unis dans cette marée de souffrances humaines. Le pape, en parlant à Obama, doit avoir, collées à la peau, les victimes des guerres en Irak, en Libye, au Pakistan, en Syrie, en Afghanistan, tous et toutes, des frères et sœurs de la maison commune. En tant que représentant d’une Église qui a pour référence la « famille commune », il se doit de parler au nom de ces millions de victimes innocentes.

Il doit également mettre à l’épreuve les bonnes dispositions d’Obama en exigeant la fin immédiate du blocus économique, dénoncé depuis des années par l’Assemblée générale des Nations Unies, dont est victime le peuple cubain, depuis plus de 53 ans. Il doit lui demander de libérer les quatre Cubains condamnés injustement pour avoir dénoncé des groupes terroristes de Miami, préparant des actions criminelles contre le peuple cubain. Ils sont des victimes de l’empire, ils sont des fils de la maison commune qu’Obama pourrait libérer immédiatement. À ces actions visant Cuba, le pape François doit y ajouter toutes ces actions  qui cherchent à déstabiliser, par des moyens criminels et non démocratiques, de nombreux gouvernements à travers le monde et tout spécialement ceux du Venezuela, de la Bolivie, de l’Équateur. Il faut que ces ingérences cessent. Ce sont des interventions criminelles qui ne devraient pas exister chez ceux qui se font de la démocratie un idéal et qui veulent, avec le pape, œuvrer pour un monde meilleur.

Ce que veut Obama c’est se couvrir de la popularité du pape François pour poursuivre les mêmes interventions au service des intérêts et de la sécurité de l’Empire. Recouvert d’un visage bien sympathique en compagnie du pape François, Obama pourra se gagner la sympathie des adeptes de ce dernier. Après le prix Nobel de la paix, reçu avant de poursuivre sur la voie des guerres, il espère recevoir maintenant la bénédiction du pape François pour lutter contre la pauvreté extrême, tout en poursuivant sa grande mission auprès des intérêts de l’Empire, source des misères de notre monde.

Je ne serais pas surpris que l’hameçon utilisé soit le développement de plusieurs milliards de dollars pour venir en aide à ceux et celles qui vivent dans la pauvreté extrême. De quoi faire oublier au pape que ce qu’il demande c’est un véritable changement de système, la mise en place d’un nouveau régime de gouvernance qui se laisse guider par le bien commun de l’humanité entière, fondé sur la justice, la vérité, la solidarité, la compassion et le service.

Si le communiqué de presse met en évidence ce programme de milliards de dollars, type Alliance pour le progrès, sans qu’il y soit annoncé par la même occasion, la fin du blocus à Cuba, la libération des prisonniers politiques, et son renoncement aux actions terroristes de déstabilisation des gouvernements, ce sera un grand échec. Une approche que condamne l’exhortation apostolique du pape. S’il fallait qu’un tel accord se confirme nous pourrions alors dire que le pape François  n’aura pas eu raison d’Obama mais que ce dernier aura eu raison du pape François.

Je pense, qu’avant cette rencontre, le pape François devrait méditer, deux fois plutôt qu’une, sur les tentations de Jésus au désert. Les arguments pour l’embarquer dans le bateau de l’empire Mammon seront subtils et les promesses ne manqueront pas. Les milliards de dollars scintilleront aux yeux du pape pour aider les plus pauvres des pauvres. Nous connaissons les réponses de Jésus. Ce fut non à chacune des tentations. Espérons que le pape François en fasse autant.

Oscar Fortin
Québec, le 21 janvier 2014








1 commentaire:

Alain Lavoie a dit...

Votre article laisse croire que le "pape François" ne serait pas, comme Obama, un représentant de l'empire de Mammon, ce qui est une erreur. J'avais eu quelquefois (à la lecture d'autres de vos articles) l'impression que vous saviez cela.