CARDINAL ROSALIO LARA
ERNESTO CARDINAL, PRÊTRE
« HEUREUX CEUX QUI SONT PERSÉCUTÉS POUR LA JUSTICE : LE ROYAUME DES CIEUX EST À EUX. » (Mt. 5, 10)
Voici deux figures qui dominent l’actualité politique, sociale et religieuse de l’Amérique latine. La première est nul autre que le Cardinal qui préside les destinées de l’Église au Venezuela. Il s’affirme comme un farouche défenseur du néolibéralisme et un opposant acharné de l’actuel gouvernement vénézuelien d’Hugo Chavez. La seconde, que certains reconnaîtront pour l’avoir vu à genoux recevant les réprimandes du pape Jean-Paul II au moment de son arrivé au Nicaragua, en mars 1983, est ce prêtre poète, engagé auprès des pauvres et fervent défenseur de la théologie de la libération en Amérique latine. Le premier jouit d’une grande influence auprès des élites et le second auprès des pauvres et des mouvements révolutionnaires.
Tout récemment, le cardinal Rosalio Castillo Lara, lors d’une rencontre avec les secteurs de l’opposition, les a exhortés à organiser la désobéissance civile auprès de la population sur la base de l’article 350 de la Constitution lequel justifie, selon lui, la non reconnaissance du gouvernement, qu’il qualifia alors de « funeste et de dangereux ».
Or que dit l’article 350 ? « Le peuple du Venezuela ne reconnaîtra aucun régime, aucune législation ou autorité qui va à l’encontre des valeurs, principes ou garanties démocratiques, ou bafoue les droits humains. »
Le Président Hugo Chavez n’a pas tardé à dénoncer pareil comportement de la part du chef de l’Église catholique de son pays. Il a rappelé que son gouvernement est sans doute le plus démocratique et équitable qu’ait connu le Venezuela depuis son indépendance et que les droits fondamentaux des pauvres et laissés pour compte n’avaient jamais été respectés autant. Il a accusé le cardinal d’utiliser sa fonction et son statut d’Évêque pour inciter injustement à la désobéissance civile et à la violence, devenant ainsi un allié de ceux qui se sont enrichis à même l’État et au dépend du peuple.
Devant l’ampleur des réactions suscités par cette intervention du cardinal, également soupçonné d’entretenir des relations secrètes avec le pasteur évangélique Pat Robertson qui avait incité à tuer le Président Chavez, le Nonce Apostolique a senti le besoin d’intervenir. Il a rappelé que les positions du cardinal ne répondaient pas à des consignes reçues du Vatican, mais qu’il avait tout de même le droit, comme tout citoyen d’exprimer son point de vue. Une attitude plutôt compréhensive et pour le moins contrastante avec celle prise à l’endroit de bien des prêtres engagés auprès des défavorisés dans leur lutte pour une société juste. On n’a qu’à penser à l’attitude du pape Jean-Paul II à l’endroit du père Ernesto Cardenal, alors ministre de la culture dans le gouvernement sandiniste. ( http://www.ernestocardenal.org/index.php )
Justement, ce dernier, lors d’une rencontre internationale des poètes, célébrée au printemps dernier au Venezuela, a eu l’occasion de passer plusieurs heures avec le Président Chavez et de prendre contact avec divers milieux sociaux et intellectuels. Dans un article publié à son retour au Nicaragua ( http://www.alternatives.ca/article1838.html ), il raconte qu’au Venezuela se vit une Révolution profonde et que déjà des effets importants se voient : l’alphabétisation fait des bonds de géants, les services de santé arrivent dans les milieux les plus défavorisés, des centres de formation de médecins et d’intervenants sociaux se multiplient. Le peuple participe toujours plus aux discussions et décisions. Le Président Chavez anime quotidiennement une émission de radio qui lui permet de s’entretenir directement avec les gens :ces derniers appellent pour poser des questions ou formuler des commentaires et lui, réagit et explique. Un véritable dialogue qui dure parfois des heures. Ce que peu savent à l’extérieur du pays c’est que près de 80% de la population l’appuie et, chose rare dans nos pays, l’armée est également avec lui. C’est d’ailleurs grâce à l’appui de l’un et de l’autre, que les putschistes, en 2003, ont dû abandonner rapidement le pouvoir quelques jours à peine après l’avoir pris. Cette révolution, qui n’en est encore qu’à ses débuts, donne naissance à une société qui favorise les droits des pauvres et des défavorisés. Ils sont les premiers bénéficiaires de cette révolution qui leur apporte dignité et respect, alphabétisation et santé, responsabilité et participation. Tout cela également dans le respect des autres.
( http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2040 )
Cette situation d’une Église profondément divisée dans son engagement pour la justice n’est pas sans soulever la question suivante : serait-ce que l’Église se laisse récupérer dans sa tête par les tenants du pouvoir néo-libéral et dans sa base par les tenants du pouvoir socialiste? Il n’y a pas de doute que la récupération des uns et des autres fait partie des réalités possibles. Toutefois, il y a certains points de repères qui ne mentent pas : la fidélité aux plus pauvres et défavorisés de nos sociétés, la capacité de dénoncer l’hypocrisie, la corruption, les injustices, non seulement de ceux qui nous entourent et nous dirigent, mais encore des systèmes politiques et économiques qui portent en eux le germe des inégalités, des injustices et de bien des conflits.
Lorsque je lis le Sermon sur la montagne, appelé également celui des Béatitudes, et que je médite les invectives de Jésus contre les pharisiens que nous rapporte l’évangéliste Mathieu au Chapitre 23 de son Évangile, force m’est donnée de reconnaître, en Ernesto Cardenal et en tous ceux qui comme lui donnent leur vie pour qu’il y ait plus de justice à l’endroit des pauvres et des défavorisés, d’authentiques disciples de Jésus. S’il a participé au gouvernement sandiniste, ce ne fut pas les yeux fermés. Il a eu le courage de dénoncer l’hypocrisie et la corruption de plusieurs de ceux-là même avec qui il travaillait? Par sa vie et ses écrits il demeure à proximité des pauvres de la terre et un ferment d’espérance d’un monde porteur de soleil pour tous les humains?
Entre Jésus et le Sanhédrin, je choisis Jésus. Entre l’Église militante au service de la justice et la Hiérarchie au service des privilégiés, je choisis l’Église militante au service de la justice.
Oscar Fortin
Voici deux figures qui dominent l’actualité politique, sociale et religieuse de l’Amérique latine. La première est nul autre que le Cardinal qui préside les destinées de l’Église au Venezuela. Il s’affirme comme un farouche défenseur du néolibéralisme et un opposant acharné de l’actuel gouvernement vénézuelien d’Hugo Chavez. La seconde, que certains reconnaîtront pour l’avoir vu à genoux recevant les réprimandes du pape Jean-Paul II au moment de son arrivé au Nicaragua, en mars 1983, est ce prêtre poète, engagé auprès des pauvres et fervent défenseur de la théologie de la libération en Amérique latine. Le premier jouit d’une grande influence auprès des élites et le second auprès des pauvres et des mouvements révolutionnaires.
Tout récemment, le cardinal Rosalio Castillo Lara, lors d’une rencontre avec les secteurs de l’opposition, les a exhortés à organiser la désobéissance civile auprès de la population sur la base de l’article 350 de la Constitution lequel justifie, selon lui, la non reconnaissance du gouvernement, qu’il qualifia alors de « funeste et de dangereux ».
Or que dit l’article 350 ? « Le peuple du Venezuela ne reconnaîtra aucun régime, aucune législation ou autorité qui va à l’encontre des valeurs, principes ou garanties démocratiques, ou bafoue les droits humains. »
Le Président Hugo Chavez n’a pas tardé à dénoncer pareil comportement de la part du chef de l’Église catholique de son pays. Il a rappelé que son gouvernement est sans doute le plus démocratique et équitable qu’ait connu le Venezuela depuis son indépendance et que les droits fondamentaux des pauvres et laissés pour compte n’avaient jamais été respectés autant. Il a accusé le cardinal d’utiliser sa fonction et son statut d’Évêque pour inciter injustement à la désobéissance civile et à la violence, devenant ainsi un allié de ceux qui se sont enrichis à même l’État et au dépend du peuple.
Devant l’ampleur des réactions suscités par cette intervention du cardinal, également soupçonné d’entretenir des relations secrètes avec le pasteur évangélique Pat Robertson qui avait incité à tuer le Président Chavez, le Nonce Apostolique a senti le besoin d’intervenir. Il a rappelé que les positions du cardinal ne répondaient pas à des consignes reçues du Vatican, mais qu’il avait tout de même le droit, comme tout citoyen d’exprimer son point de vue. Une attitude plutôt compréhensive et pour le moins contrastante avec celle prise à l’endroit de bien des prêtres engagés auprès des défavorisés dans leur lutte pour une société juste. On n’a qu’à penser à l’attitude du pape Jean-Paul II à l’endroit du père Ernesto Cardenal, alors ministre de la culture dans le gouvernement sandiniste. ( http://www.ernestocardenal.org/index.php )
Justement, ce dernier, lors d’une rencontre internationale des poètes, célébrée au printemps dernier au Venezuela, a eu l’occasion de passer plusieurs heures avec le Président Chavez et de prendre contact avec divers milieux sociaux et intellectuels. Dans un article publié à son retour au Nicaragua ( http://www.alternatives.ca/article1838.html ), il raconte qu’au Venezuela se vit une Révolution profonde et que déjà des effets importants se voient : l’alphabétisation fait des bonds de géants, les services de santé arrivent dans les milieux les plus défavorisés, des centres de formation de médecins et d’intervenants sociaux se multiplient. Le peuple participe toujours plus aux discussions et décisions. Le Président Chavez anime quotidiennement une émission de radio qui lui permet de s’entretenir directement avec les gens :ces derniers appellent pour poser des questions ou formuler des commentaires et lui, réagit et explique. Un véritable dialogue qui dure parfois des heures. Ce que peu savent à l’extérieur du pays c’est que près de 80% de la population l’appuie et, chose rare dans nos pays, l’armée est également avec lui. C’est d’ailleurs grâce à l’appui de l’un et de l’autre, que les putschistes, en 2003, ont dû abandonner rapidement le pouvoir quelques jours à peine après l’avoir pris. Cette révolution, qui n’en est encore qu’à ses débuts, donne naissance à une société qui favorise les droits des pauvres et des défavorisés. Ils sont les premiers bénéficiaires de cette révolution qui leur apporte dignité et respect, alphabétisation et santé, responsabilité et participation. Tout cela également dans le respect des autres.
( http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2040 )
Cette situation d’une Église profondément divisée dans son engagement pour la justice n’est pas sans soulever la question suivante : serait-ce que l’Église se laisse récupérer dans sa tête par les tenants du pouvoir néo-libéral et dans sa base par les tenants du pouvoir socialiste? Il n’y a pas de doute que la récupération des uns et des autres fait partie des réalités possibles. Toutefois, il y a certains points de repères qui ne mentent pas : la fidélité aux plus pauvres et défavorisés de nos sociétés, la capacité de dénoncer l’hypocrisie, la corruption, les injustices, non seulement de ceux qui nous entourent et nous dirigent, mais encore des systèmes politiques et économiques qui portent en eux le germe des inégalités, des injustices et de bien des conflits.
Lorsque je lis le Sermon sur la montagne, appelé également celui des Béatitudes, et que je médite les invectives de Jésus contre les pharisiens que nous rapporte l’évangéliste Mathieu au Chapitre 23 de son Évangile, force m’est donnée de reconnaître, en Ernesto Cardenal et en tous ceux qui comme lui donnent leur vie pour qu’il y ait plus de justice à l’endroit des pauvres et des défavorisés, d’authentiques disciples de Jésus. S’il a participé au gouvernement sandiniste, ce ne fut pas les yeux fermés. Il a eu le courage de dénoncer l’hypocrisie et la corruption de plusieurs de ceux-là même avec qui il travaillait? Par sa vie et ses écrits il demeure à proximité des pauvres de la terre et un ferment d’espérance d’un monde porteur de soleil pour tous les humains?
Entre Jésus et le Sanhédrin, je choisis Jésus. Entre l’Église militante au service de la justice et la Hiérarchie au service des privilégiés, je choisis l’Église militante au service de la justice.
Oscar Fortin